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avait tenu un dernier Conseil, où il fit entendre ces paroles : « Je suis innocent de cette guerre ; je ne l'ai provoquée en rien; elle n'est point entrée dans mes calculs. » Or, dès le mois de décembre 1805, le traité de Presbourg signé, il fut plus que jamais arrêté dans la pensée de Napoléon qu'il rassemblerait de nouveau rapidement ses soldats, invoquerait tout haut la paix, et allumerait promptement la guerre, sous prétexte d'imposer silence à la Prusse, « qui se permettait, après avoir reçu tant de bienfaits, de solliciter des explications sur diverses infractions faites au Droit des gens. » Le désir de Napoléon ne pouvait échapper à la clairvoyance des Cabinets; d'ailleurs l'intention de l'Angleterre était aussi de précipiter l'Europe sous les feux des batailles. Nous allons voir comment la Prusse, que l'on essaya d'endormir en lui livrant le Hanovre, mais qui, se fiant aussi à son courage et à sa tactique savante, provoquait d'actions imprudentes et de paroles de vengeance, comment, disons-nous, la Prusse fut amenée de son côté dans le piége et n'eut plus qu'à répondre à une attaque soudaine, mais depuis dix mois préméditée.

A l'appui de cette dernière assertion, voici de curieux passages de la correspondance intime des Relations Extérieures que nous avons déjà mentionnée1. Sous la date du 1er novembre 1805, le ministre intérimaire écrivait à M. de Talleyrand:

«Je ne vous ai jamais caché le peu de fond que j'ai toujours fait sur le caractère et la sagesse du Cabinet de Prusse, plus timide qu'il ne convient au conseil d'une puissance née de la guerre, et qui ne pourra jamais, quoi qu'on puisse penser, se maintenir par artifices de Diplomatie et les calculs d'une puissance

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pusillanime, convenables, si l'on veut, à un État grand par lui-même et affermi par le temps sur les bases d'une population nombreuse et d'un territoire abondant en ressources de tout genre, mais mal adaptés à un État qui a besoin d'efforts constants, d'une vigueur soutenue et d'une vigilance qui ne se démente jamais. Vous avez tout dit, et je le crains, inutilement sur ce sujet. Sa destinée prochaine dépend de la détermination qu'il va prendre. Il peut aller encore quelque temps avec une neutralité telle que celle de la dernière guerre. Il dépérira rapidement sous la honte d'une neutralité passive et déshonorée.

<<< Il courra vers l'abîme s'il se joint à nos ennemis. Il est bien vrai que l'Empereur se verra arrêter dans sa marche rapide, et que le roi de Prusse, en se réunissant à la coalition, rendra à la maison d'Autriche le même service que la maison d'Autriche a rendu à l'Angleterre. Mais ici la peine est plus près du délit, et le malheur et la raison éclairant bientôt la Cour de Vienne sur le parti qu'elle pourra tirer de la conduite absurde de celle de Berlin, l'empereur d'Allemagne ne tardera pas à chercher son salut dans le seul système qui puisse l'assurer, et avec lui la tranquillité de l'Europe. La guerre présentera tout à coup un aspect que peu de gens sauront comprendre. Elle se modérera sur les points où elle est aujourd'hui le plus animée; elle se portera sur d'autres points. La campagne se terminera en manoeuvres rapides, savantes et conservatrices. La Cour de Vienne sera pacifiée dans le cours de l'hiver, et la première campagne verra commencer la décadence de la Prusse et consommer sa ruine. » - A la date du 20 décembre, le confident du ministre écrivait encore : « Pour peu qu'on ne soit pas assuré de trois ans de paix, il faut abattre la Prusse: ce royaume n'a plus que quelques années d'apparence. Cette illu

sion, aidée du matériel d'une nombreuse armée, pouvait nous être au dernier degré fatale il y a deux mois; elle pourrait l'être encore dans deux ans. Quel point de réunion n'y avons-nous pas vu pendant quinze jours pour les espérances, les haines et les vengeances de nos ennemis? L'Autriche y avait un de ses princes; la Russie, son empereur; l'Angleterre, son premier ministre. On y préparait les logements du roi de Suède.... C'était un Congrès de suppliants, et un officier de l'empereur Napoléon y attendait le résultat de tant de démarches. Ce météore m'a effrayé, mais il a assez duré. S'il avait eu tous les éléments de chaleur, de force et de vigueur que les apparences indiquaient, il en serait sorti des foudres qui auraient éclaté sur toute l'Europe, et qui sait quelle destruction ces foudres auraient opérée! »>

Examinons maintenant les griefs de la Prusse.

Elle était extrêmement offensée du ton arrogant que Napoléon avait pris après la convention de Vienne du 15 décembre 1805, et de la manière dont il l'avait entraînée dans une guerre avec l'Angleterre, si contraire aux intérêts de ses peuples. Le Cabinet de Londres ne lui laissa pas ignorer que Napoléon avait consenti, dans les négociations avec lord Yarmouth, à dépouiller la Prusse du pays de Hanovre dont elle n'avait pris possession civile que parce que Napoléon l'avait mise dans l'impossibilité de faire autrement. La nouvelle perfidie dont il se rendit coupable, en offrant ce pays à l'Angleterre, sans consulter le Cabinet de Berlin, ouvrit les yeux à celui-ci et excita dans la nation une indignation que le gouvernement put à peine réprimer pendant quelques mois. Napoléon ne se contenta pas d'avoir ainsi outragé la Prusse il lui laissa ignorer le projet qu'il avait

formé de détruire le Corps germanique dont elle faisait partie. Jamais il n'est arrivé d'événement politique de cette importance qui eût été moins prévu que celui-ci. La paix de Presbourg avait garanti à la maison d'Autriche l'état de choses tel que ce traité l'avait fixé, et par conséquent aussi la couronne germanique que, depuis trois siècles, cette maison portait avec tant d'éclat. Au mépris d'un engagement si solennel, Napoléon renversa, six mois après, le trône qu'elle occupait.

Ce n'était pas assez qu'un tel acte de despotisme insultât la Prusse chacun de ses détails devint un

outrage pour la personne du Roi. Le prince d'Orange uni à ce monarque par les liens du sang, fut une des victimes de la Confédération du Rhin. Murat, qui venait à peine d'être élevé au rang des souverains, s'empara des anciennes abbayes d'Essen, de Werden et d'Elten, que le Recès de la députation de l'Empire de 1803 avait adjugées à la Prusse; le nouveau grandduc de Berg les réclamait comme faisant partie du duché de Clèves. Le roi de Prusse lui avait cédé Wesel, dans la supposition que ce boulevard de l'Allemagne resterait uni à l'Allemagne. Un décret du 26 juillet 1806 déclara que la garnison de cette forteresse serait comprise dans la vingt-cinquième division militaire de la France. C'était, à vrai dire, une prise de possession masquée et le prélude de l'incorporation à la France qui fut prononcée peu de temps après.

En communiquant au roi de Prusse la nouvelle de l'établissement de la Confédération du Rhin, Napoléon l'avait invité à en former une pareille dans le nord de l'Allemagne1. La Prusse ne vit en effet sa sû

1 Par la forme que la France prit le soin de donner à la notification officielle de la Confédération du Rhin, elle espéra flatter les désirs am

:

reté que dans la formation d'une telle ligue mais pour qu'elle eût la consistance nécessaire, il fallait que la Saxe, l'électorat de Hesse et les villes hanséatiques en fissent partie. Napoléon qui, dès lors, convoitait la possession de ces villes, signifia au Cabinet de Berlin qu'elles devaient rester indépendantes et isolées de toute confédération, « parce que, disait-il, l'Angleterre en faisait une condition de la paix. » Nous avons vu, en effet, que lord Yarmouth avait déclaré, le 24 juillet, que son gouvernement ne consentirait pas à ce que ces villes fussent données à la Prusse; mais il n'était pas question alors d'une confédération dans laquelle elles dussent entrer; les deux négociateurs discutaient entre eux l'indemnité qu'on offrirait à la Prusse pour le Hanovre, dont on se proposait de la déposséder. Enfin, on avait accrédité le bruit que Napoléon, en faisant à la Cour de Berlin la déclaration que nous venons de rapporter, avait traité avec l'électeur de Hesse pour l'engager à renoncer au système prussien; et que, pour prix d'une telle défection, il offrait à celui-ci le pays de Fulde, qui appartenait à ce même prince d'Orange qu'on venait de dépouiller de la souveraineté de ses anciens États héréditaires1.

Il était évident que Napoléon voulait ou faire la guerre à la Prusse, ou la réduire à ne pouvoir plus la

bitieux de la Cour de Berlin. M. de LAFOREST fit sentir au comte de HAUGWITZ que le moment était venu pour le Cabinet prussien d'agrandir et de fortifier son système. « Sa Majesté Prussienne, dit cet Envoyé, peut réunir sous une nouvelle loi fédérative les États qui appartiennent encore à l'Empire germanique, et faire entrer la dignité impériale dans la maison de Brandebourg. Elle peut, si elle le préfère, former une fédération des États du nord de l'Allemagne qui se trouvent plus particulièrement placés dans sa sphère d'activité. »

'Nous ne devons pas omettre de dire ici que, depuis, le ministre de France, qui était alors accrédité à Cassel, M. le baron BIGNON, a prouvé que cette dernière allégation était complétement erronée.

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