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fort pour vous en chasser. Vous serez remplacés par les émigrés, excommuniés par les prêtres, et peut-être un jour brûlés par l'inquisition.... >>

Ils dirent aux libéraux, aux indépendants, aux amis de la révolution : « Vous avez cru combattre pour la liberté ! non : vous combattiez contre vos maîtres; vous êtes des rebelles; vous serez proserits. Quiconque a porté la main sur l'Arche du Seigneur sera puni de mort. L'arche du Seigneur, c'est la famille des Bourbons. Si elle suspend aujourd'hui ses vengeances, c'est qu'elle n'est pas assez forte pour les exercer. Suivez sa marche: elle punit aujourd'hui les régicides; elle punira demain tous les hommes qui ont erié vive la république.

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Ils dirent aux savants, aux philosophes, aux hommes de lettres : « Vous voilà bien avancés avec vos journaux, vos lumières, vos découvertes! il faut désormais que vous renonciez à tout cela; il faut oublier tout ce que vous savez nous rétrogradons vers le douzième siècle. Les nobles: rentrent dans leurs priviléges, le clergé dans ses biens, le peuple dans la servitude. Vous avez déjà des censeurs et des missionnaires, vous aurez bientôt des Dominicains et des bûchers. >>

Telles furent les leçons plus ou moins

1815.

1815. directes, suivant les personnes et les circonstances, que, pendant huit mois, les conspirateurs donnèrent au peuple, sous les yeux de la police, dans les journaux, dans les cafés, dans les ateliers, sur la place publique.

Ces leçons, répétées tous les jours avec une rare persévérance, et répétées avec des commentaires variés dans le style, mais unanimes dans l'esprit, eurent le succès qu'elles devoient avoir, et prirent un caractère de sincérité qui alarma le petit nombre de sujets fidèles qu'elles n'entraînèrent pas dans la révolte.

La police ne pouvoit ignorer ces manoeuvres. Pourquoi n'en fit-elle pas punir les auteurs ? pourquoi le ministre de la maison du roi repoussa -t-il, avec une froide obstination, les avertissements que lui faisoient passer d'heure en heure les amis de la monarchie? pourquoi le roi lui-même, dans la distribution de ses grâces, préféra-t-il souvent aux hommes qu'il savoit dévoués à sa famille, les hommes qui n'étoient dévoués qu'à la révolution?

Le roi croyoit, avec son aïeul, qu'on peut enchaîner les méchants avec des bienfaits. Une telle opinion suppose un grand fonds de générosité; mais le poignard de Ravaillac a prouvé qu'elle étoit dénuée de justesse.

Ne sachant précisément à quelles causes attribuer l'inaction de la police et le silence des magistrats dans ces circonstances orageuses, les uns pensèrent que les ministres s'étoient volontairement endormis sur les bords d'un abîme qu'ils croyoient inévitable; les autres, en plus petit nombre, les accusèrent d'une affreuse complicité avec les ennemis de la monarchie héréditaire.

Il est possible qu'aucune de ces deux conjectures ne soit fondée; mais telles nous les avons entendues, telles nous les rapportons; nous devons même ajouter, dans l'intérêt de la vérité qui nous guide, que le profond découragement qui se manifesta pendant les derniers jours de cette terrible crise provenoit en grande partie de l'opinion que le roi étoit mal entouré et mal servi.

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du

Le 20 mars, de très-grand matin, toute Journée la ville fut instruite du départ du roi. Une 20 mars foule immense se précipita aussitôt vers le château pour s'assurer d'un fait qui consterna le plus grand nombre.

La matinée se passa dans une fluctuation d'opinions et de mouvements qui annonçoit d'un côté de sinistres projets, et inspiroit de l'autre de terribles frayeurs. Le gouvernement royal avoit cessé; celui de l'usurpateur n'étoit pas encore établi;

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tous les pouvoirs étoient suspendus, l'état social étoit dissous. Quelle situation pour une ville dont la moitié de l'immense population n'avoit rien à perdre, et pouvoit d'un moment à l'autre succomber à la tentation de tout gagner! Heureusement la garde nationale prit les armes vers les dix heures; et son attitude seule imposa à la populace.

A midi, l'avant-garde de l'armée de Buonaparte parut aux portes de la ville, où elle entra sans difficulté. A deux heures, le général Excelmans prit possession du château, sur le haut duquel il fit arborer le drapeau tricolor.

Buonaparte avoit appris, dès sept heures du matin, le départ du roi, par un courrier que lui avoit expédié, à deux heures après minuit, M. Lavalette. Il pouvoit partir immédiatement après, et arriver de jour à Paris : mais, soit crainte de rencontrer la garde royale, soit honte de paroître escorté de la lie du peuple, qui devoit aller au - devant de lui, il partit tard de Fontainebleau, et n'entra qu'à neuf heures du soir à Paris.

En arrivant dans la cour du château, il la trouva remplie de sénateurs, de conseillers d'état, de chambellans, d'auditeurs, tous en costume, tous enivrés du plaisir de le voir, tous prêts à le recevoir

dans leurs bras. Il descendit au milieu de cette foule, qui s'empressa tellement autour de lui, qu'il ne sut d'abord ce qu'on lui vouloit il éprouva un mouvement de frayeur, et s'écria: On m'étouffe. Aussitôt ses aides-de-camp et ses généraux se précipitent vers lui, écartent avec violence les courtisans importuns qui l'entourent, s'emparent de sa personne, l'enlèvent dans leurs bras, et le portent ainsi jusque dans ses appartements.

La journée n'étoit pas finie. C'étoit l'anniversaire de la naissance de son fils. Il en reçoit les compliments. On lui en de-mande des nouvelles; il répond : L'impératrice et le roi de Rome seront ici le 5 avril.

Etoit-ce un mensonge politique? étoit-il de bonne foi? Nous n'affirmerons rien. Mais on a su depuis qu'il avoit conçu le projet et même tenté l'entreprise de faire enlever l'impératrice et son fils du château de Schoenbrunn. Tout étoit prêt, dit-on, pour l'exécution; chacun des agents avoit son cheval sellé et bridé; une des femmes de Marie-Louise tenoit déjà l'enfant dans ses bras, lorsqu'à onze heures du soir un ordre de Vienne, survenu tout à coup, arrêta tout, hommes, femmes et chevaux.

C'est ainsi que cette étrange nouvelle fut publiée dans quelques papiers étran

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