Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[blocks in formation]

tence ne serait pas plus achevée que celle qui, en moins de cinquante ans, a transformé la société russe. Quand Alexandre Ier, qui a été élevé au milieu d'elle, viendra à Paris, en 1814, Talleyrand pourra saluer en lui un Parisien plus au courant de notre pays que les Parisiens les plus qualifiés.

Sous la Révolution, les rapports avec la Russie sont suspendus. Catherine règne. A la nouvelle de la mort du roi Louis XVI, elle a éloigné de sa Cour Genêt, le chargé d'affaires de France. Se jetant ensuite dans la coalition, elle ne voit dans les hommes placés à la tête du gouvernement français que des malfaiteurs, les ennemis des monarchies et du repos public, qu'il faut exterminer jusqu'au dernier. C'est la politique qu'elle lègue à son fils Paul Ier qui la met en pratique en l'exagérant. Ces choses durent jusqu'au jour où Bonaparte s'empare du pouvoir. Devenu premier consul, il noue avec le Tsar, en des circonstances émouvantes' et ro

1. Voir mon Histoire de l'Emigration: Les Bourbons et la Russie, pages 202 et suivantes.

manesques des relations que brise, au moment où on commençait à en entrevoir les résultats, la mort mystérieuse de ce prince, survenue peu après.

[ocr errors]

non

Puis, brusquement, en 1807, à Tilsitt, la force des choses réalise les desseins et les vues en fermentation. depuis si longtemps. Pour la première fois, l'alliance franco-russe, celle des peuples qui devait être l'œuvre de l'avenir, mais celle des souverains, est solennellement consacrée par les accords intervenus entre Napoléon victorieux et Alexandre vaincu.

Alors comme aujourd'hui, cette alliance est considérée comme un gage de paix pour l'Europe. Le rôle à Saint-Pétersbourg de l'ambassadeur français, M. de Caulaincourt, duc de Vicence, consiste à la fortifier, à en resserrer les nœuds pour en tirer, au profit de la France, tous les effets qu'elle peut donner. Mais l'ambition de Napoléon détruit peu à peu l'édifice qu'il a lui-même élevé et rejette la Russie dans la coalition.

Toutefois, Alexandre, dans son ardeur à tirer

vengeance de Napoléon, ne transige pas sur le désir qu'il a de rester l'ami du peuple français.

« Je n'ai qu'un ennemi en France, dit-il lorsqu'en 1814, les victoires de la coalition l'ont conduit aux portes de Paris : c'est l'homme qui m'a trompé de la manière la plus indigne, qui a abusé de ma confiance, qui a trahi avec moi tous les serments, qui a porté dans tous mes États la guerre la plus inique et la plus odieuse. Toute réconciliation entre lui et moi est désormais impossible; mais, je le répète, je n'ai en France que cet ennemi. Tous les Français, hors lui, sont bien vus de moi... Dites aux

Parisiens que je n'entre pas dans leurs murs en ennemi. Il ne tient qu'à eux de m'avoir pour

ami. >>

Il justifie ce langage par sa conduite pendant la durée de l'occupation. Les services rendus, les rigueurs de l'invasion atténuées, les mesures de bienveillance et d'humanité adoptées, tout cela est son œuvre. Il se met en travers des prétentions de ses alliés, quand il les juge excessives ou in

humaines. Ses sympathies pour la France et les Français se sont réveillées, après la victoire, vivaces et fortes. Sur l'épreuve de la déclaration qu'adressent aux Parisiens les souverains alliés, à leur entrée dans Paris, pour affirmer qu'ils respecteront l'intégrité de l'ancienne France, il ajoute de sa main cette phrase: «< Ils peuvent même faire plus, car ils professent toujours le principe que, pour le bonheur de l'Europe, il faut que la France soit grande et forte. »

C'est un langage analogue que, plus d'un demi-siècle après, tiendront Alexandre II et son ministre le prince Gortchakof aux représentants de la France vaincue et désarmée, qui, dans une heure de suprème péril, sollicitent sa protection contre des menaces imméritées.

[ocr errors]

Au commencement de la Restauration, l'alliance franco-russe n'existe plus. Mais les choses sont restées en un état qui permettrait

de la réaliser sur-le-champ si elle devenait nécessaire.

Dans le nouveau gouvernement, elle compte un ardent défenseur, le duc de Richelieu. Émigré en Russie pendant la Révolution et nommé par Catherine gouverneur d'Odessa, cet homme d'État s'est convaincu, par une longue pratique, des avantages de cette alliance. Tant qu'il occupe le pouvoir, et autant que lui en laissent la liberté les violentes attaques dont est l'objet, de la part des ultras, sa politique à l'intérieur, il a toujours en vue l'établissement d'un système dont l'alliance est la base.

En diverses notes qui existent encore dans nos recueils diplomatiques, il expose ce système avec une force, une lucidité, une netteté de jugement, vraiment admirables. Tout ce qu'il a dit et écrit à ce sujet est encore aujourd'hui d'une actualité saisissante. S'il était utile de justifier ce qui se passe sous nos yeux, il suffirait de parcourir et de citer ses papiers pour présenter, en faveur de l'alliance, la plus lumineuse plaidoirie.

« ZurückWeiter »