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manuscrits qui peuvent venir d'Orient pour corriger un texte déplorablement mauvais, préféreront toujours le travail critique à une besogne fastidieuse, presque sans attrait scientifique et qu'il faudrait s'attendre à voir très-peu récompensée, puisque les israélites, pour leurs études rabbiniques, continueront toujours à se servir du texte. M. Schwab ne s'est point arrêté à ces difficultés. Il a fait de nos jours la traduction qui aurait dû être faite il y a cinquante ans. Son ouvrage n'a pas la prétention de dire le dernier mot des recherches scientifiques sur les textes dont il s'occupe; je la comparerais à ces vastes traductions que M. Fauche nous a données des poëmes de l'Inde, traductions imparfaites assurément, bonnes cependant pour servir de fil en ces dédales interminables. Seulement de pareils travaux doivent-ils être exécutés avec le luxe que l'Imprimerie nationale met à toutes ses publications? Nous ne le pensons pas. Une traduction complète du Talmud imprimée de cette façon reviendrait à des sommes peu en rapport avec le genre d'utilité dont le livre serait susceptible. Pour nous, qui consulterions fréquemment une telle traduction si elle était complète, nous regrettons un peu la beauté du volume publié par M. Schwab; nous craignons que cette perfection typographique ne soit cause que l'ouvrage ne se continue pas et qu'une fois encore la traduction du Talmud, tant de fois projetée, toujours interrompue, ne joue de malheur. On peut regretter aussi. que M. Schwab ait débuté justement

par un traité talmudique dont nous avions déjà la traduction complète dans une langue européenne, grâce aux écrits de Rabe et de Pinner.

C'est une idée des plus heureuses que M. Mohl a eue de publier dans notre journal' le récit du voyage dans la mer Rouge, à Bedr, à Ssafrâ, exécuté, il y a près de trente-cinq ans, par M. Fulgence Fresnel. Cette relation était restée inédite; elle n'avait été communiquée qu'à M. Charles Ritter, pour la partie de sa Géographie relative à l'Arabie. Fresnel appartient à une époque où les voyages d'Orient, plus rares et plus difficiles qu'ils ne le sont aujourd'hui, excitaient dans le public une curiosité qui, donnant du prix aux récits personnels du voyageur, l'engageait à laisser un libre champ à ses impressions, à ses saillies, à ses plaisanteries. Le talent littéraire de Fresnel, son piquant scepticisme, sa vive curiosité placent son récit parmi les meilleurs morceaux que cette école ait produits. A côté de quelques traits maintenant démodés, que d'esprit et de véritable observation! quelle étendue de savoir! quelle profonde pénétration du caractère des Orientaux! Si Fresnel avait voulu n'être que philologue, exégète, critique, quel philologue, quel exégète, quel critique il eût été! On lit d'un seul trait ces pages vraiment exquises, d'où la plus charmante fantaisie n'exclut pas la solidité, où les investigations les plus neuves, les discussions géographiques, étymologiques les plus fines se placent, sans détonner

1 Janvier-février 1871.

jamais, à côté de scènes racontées en un style que l'on ne distingue pas de celui de Mérimée.

A la relation de M. Fresnel M. Mohl a joint une lettre du même voyageur d'un intérêt non moindre. Dans le 4 volume de son Voyage en Orient, M. de Lamartine inséra la traduction d'un récit sur les origines du wahhabisme par un certain Fatalla Sayéghir (sic), qui excita tout d'abord les soupçons de notre honorable président. Il en écrivit à M. Fresnel, qui, par des informations prises aux meilleures sources, réduisit à néant l'autorité historique du récit de Fatalla, bien que ce récit, envisagé comme une fiction, suppose une connaissance intime du langage et des mœurs des Arabes du désert. Il est assez curieux de voir se continuer jusqu'à nos jours dans l'historiographie arabe des procédés de composition analogues à ceux qui ont produit l'ouvrage du faux Wakédi. Combien dans l'histoire de récits analogues à ceux de Fatalla, pour lesquels nous n'avons pas les moyens de contrôle que nous possédons, grâce à M. Mohl et à M. Fresnel, sur l'histoire des origines du wahhabisme!

Le 6o volume des Prairies d'or de Masoudi, dont vous avez confié la publication et la traduction à M. Barbier de Meynard, a paru depuis près d'un an1. Ce volume renferme la période si intéressante comprise entre la chute des Omeyyades et l'avéne ment de Mamoun. Les causes de la chute des

1 Les Prairies d'or, t. VI, 1x-5: 8 pages, in-8°. Paris, Impr. nation. Coll. d'ouvr. orientaux de la Soc. asiatique, chez Ernest Leroux. '

Omeyyades y sont très-philosophiquement expliquées; le récit du siége de Bagdad et de la fin du khalife Emin est un précieux morceau historique, tout entier emprunté à des sources originales. Fidèle à sa méthode, Masoudi glisse sur les événements principaux qu'il suppose connus du lecteur, et insiste sur les détails anecdotiques, sur les on-dit de la ville, sur les cancans et les médisances du séraï. L'histoire littéraire occupe une très grande place dans toute cette seconde moitié des Prairies d'or; on dirait que Masoudi, devinant les procédés de la critique moderne, a compris quelle lumière les œuvres de la littérature jettent sur l'histoire politique et sociale d'un siècle. La publication récente du Kitâb el-Aghâni a fourni à M. Barbier de Meynard de grands secours pour restituer les vers si nombreux et si obscurs dont le récit est parsemé. Cette belle publication fait le plus grand honneur à notre société; encore trois volumes, et vous aurez élevé, grâce à l'infatigable travail de notre confrère, un véritable monument aux lettres arabes et aux lettres orientales en général.

M. de Slane a achevé la traduction du grand ouvrage biographique d'Ibn-Khallican1, qu'il avait commencée depuis 1842, et dont la publication a été traversée par divers incidents de librairie. La valeur de l'ouvrage d'Ibn-Khallican est depuis long

1

Biographical dictionary, translated from the arabic, vol. IV, Paris, 1871, XIX-616 pages (pour le Oriental translation fund of Great Britain and Ireland).

temps reconnue; peu d'écrivains arabes se montrent plus exacts, plus judicieux; il est heureux que ce grand répertoire ait trouvé un traducteur digne de lui. La biographie d'Ibn-Khallican, placée par M. de Slane en tête de ce dernier volume, complète l'ouvrage. Espérons que M. de Slane donnera maintenant au public la seconde partie du texte arabe, dont le premier volume seul a paru. L'édition complète de M. Wüstenfeld, au dire des meilleurs juges, ne saurait dispenser notre savant confrère d'achever la grande entreprise qu'il a su mener presque à fin. Le troisième volume de la traduction de la chronique de Tabari par M.Zotenberg1 a également paru cette année. Il contient la fin de la vie de Mahomet et l'histoire des quatre premiers khalifes jusqu'à la mort d'Ali. Tabari est la source de toute l'historiographie musulmane, et, quoiqu'on ne possède guère de son ouvrage que des traductions persanes et turques, qui sont loin d'être adéquates à l'original, il était urgent de faire connaître aux lecteurs européens dans son ensemble un ouvrage qui a exercé sur la façon dont s'écrit l'histoire de quelques siècles une influence si décisive. Ainsi s'entassent les pierres de grande valeur pour la construction d'une histoire de l'islam. Fasse le ciel que l'architecte ne manque après que les tailleurs de pierre auront si bien travaillé !

1 Paris, Imprimerie nationale, 1871 (pour le Oriental translation fund of Great Britain and Ireland, Londres, au local de la Société asiatique de Grande-Bretagne et d'Irlande), 752 pages.

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