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Si ce que j'ai à vous dire des progrès de l'archéologie et de l'épigraphic sémitiques' est cette année un peu moins nourri que de coutume, c'est que je m'interdis de vous parler des travaux qui ne sont pas encore entièrement publiés à la date de cette réunion. Jamais, au contraire, ces études n'ont laissé entrevoir à l'horizon de plus importantes découvertes. Notre infatigable Joseph Halévy a communiqué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres un travail sur le déchiffrement des inscriptions chypriotes, dont il est permis d'attendre de bons fruits. M. Halévy regarde cette écriture comme une simplification de l'écriture cunéiforme, parallèle à l'écriture cunéiforme achéménide, parallèle aussi aux écritures lycienne, carienne, phrygienne de l'Asie Mineure. L'écriture cunéiforme cesserait de la sorte d'être un tronc sans rameaux, un fait isolé dans l'histoire. Procédant surtout par la numismatique, M. Halévy a su donner à ses recherches une base plus large que celle qu'on cherche dans les inscriptions bilingues, bien peu nombreuses. J'espère vous annoncer l'année prochaine que le travail de

1 Je saisis cette occasion pour réparer une erreur qui s'est glissée dans mon rapport de l'an dernier. A propos de la présentation à l'Académie des inscriptions des Epigraphische Nachlesen de M. Gildemeister, les Comptes rendus de cette Académie contiennent une note sur la fausseté d'un des monuments étudiés par le savant professeur de Bonn, note du tour de laquelle on devait conclure que M. Gildemeister a admis l'authenticité de ce monument. Le fait est que M. Gildemeister a combattu cette authenticité, tout comme l'auteur de la note en question.

M. Halévy aura obtenu l'approbation des juges compétents, et que ce problème, jusqu'ici attaqué avec une méthode insuffisante, a enfin trouvé sa véritable solution.

M. Joseph Halévy a également publié les plus importants résultats qu'il a rapportés de sa mission dans l'Yémen. Le récit plein d'intérêt de son voyage et les textes qu'il a conquis avec tant de courage ont paru dans votre journal. Quelle persévérance il a fallu à notre ardent et dévoué confrère pour braver tant de dangers, pour subir tant de malveillance, pour affronter un fanatisme à la fois stupide et puéril! Et quels précieux résultats! 685 inscriptions plus ou moins bien conservées, pleines d'inappréciables données sur la philologie et la mythologie sémitiques! Quand on pense que les autres partics de l'Arabie méridionale font espérer une récolte non moins riche et non moins variée, on se prend à trembler pour de pareils trésors, qui n'ont peut-être jamais couru de plus grands dangers que depuis que leurs jaloux possesseurs s'aperçoivent du prix qu'ils ont pour nous. On publiera un jour des reproductions prises plus à loisir que celles de M. Halévy; l'Angleterre tiendra sans doute à honneur d'explorer, dans des conditions de liberté et de sûreté qu'elle seule peut procurer, ces contrées qui semblent dévolues à son protectorat; mais, outre que plusieurs textes ne se retrouveront peut-être

1 Janvier, février-mars 1872, et dans les Archives des missions scientifiques et littéraires, 2 série, t. VII, p. 233-287.

plus, il y aura eu dans l'expédition de notre confrère un exemple de force morale qui ne périra pas. M. Halévy nous donnera ultérieurement ses essais d'interprétation; il en a déjà communiqué quelques spécimens à l'Académie des inscriptions 1. Lorsqu'il s'agit de philologie, surtout de mythologic, M. Halévy fera bien de longuement réfléchir aux voies lentes et détournées par lesquelles nos vieilles écoles européennes ont réussi à écarter en ces matières délicates les causes d'erreur, les solutions apparentes et superficielles; mais quand même sur plusieurs points les idées de notre savant confrère sembleraient bien absolues, quand même parfois ses systèmes historiques pourraient paraître s'égarer en des sentiers personnels, qui ne se réjouirait de voir un esprit vif, pénétrant, original, battre tous les buissons de la science, provoquer la discussion endormie, soulever tous les problèmes, apporter à tous une solution hâtive peut-être, mais dont il y a d'ordinaire quelque compte à tenir?

M. François Lenormant a publié le premier demivolume de son grand travail sur l'origine et la propagation de l'écriture alphabétique, ou, ce qui revient au même, de l'écriture sémitique, dans le monde entier2. Cette première livraison contient les vues de M. Lenormant sur l'origine de l'écriture en général,

Comptes rendus, 1871, p. 231-238.

2 Essai sur la propagation de l'alphabet phénicien dans l'ancien monde, t. I, e livraison, 192 pages, 4 tableaux, 11 planches, grand in-8°.

Paris, Maisonneuve.

sur la manière dont l'écriture phénicienne est sortie de l'hieroglyphisme égyptien, sur la paléographie phénicienne, sur l'alphabet hébraïque primitif. II comprend en outre le grand arbre généalogique des alphabets (abrégé de l'ouvrage entier) comme l'entend M. Lenormant, et 11 planches lithographiées représentant les diverses formes des alphabets de la famille phénicienne, de la famille hébréo-samaritaine et d'une partie de la famille araméenne. L'ouvrage de M. François Lenormant constituera une sorte de paléographie universelle. Il est probable que chaque savant, au point de vue de sa spécialité, aura bien des objections à présenter à l'auteur, et la partie qui vient de nous être livrée donnera sans doute lieu à plus d'une observation critique; mais aucun lecteur ne lira sans fruit ce vaste répertoire, dont le plan a obtenu les éloges de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et qui offrira un cadre excellent aux recherches ultérieures. C'est surtout en pareille matière qu'il est vrai de dire avec Bacon Citius emergit veritas ex errore quam ex confusione. L'ouvrage de M. François Lenormant formera 5 volumes, dont chacun sera publié en 2 livraisons; c'est donc seulement le dixième de l'ouvrage total qui nous est donné aujourd'hui.

M. Daux, ingénieur civil, chargé de recherches archéologiques dans la régence de Tunis et en particulier à Utique, a rapporté quelques inscriptions, quelques pierres sculptées, des mesures et des renseignements qui seraient de grand intérêt. Quel

dommage qu'au lieu de nous donner ces documents, M. Daux se soit cru obligé de se lancer dans des systèmes et des restitutions toutes conjecturales et dans des discussions historiques auxquelles ses occupations antérieures ne l'avaient pas préparé et où l'on ne saurait s'improviser une spécialité1!

M. de Saulcy est revenu à ses études favorites de topographie évangélique2 et de numismatique syrienne. Les difficultés de la chronologie des Séleucides3, les obscurités de cette numismatique palmyrénienne, qui contraste par sa pauvreté avec la richesse de l'épigraphie fournie par la ville des Odeinath, enfin les inextricables difficultés de la numismatique des Macchabées ont été l'objet de ses exactes et fines observations. Notre savant confrère a en outre appliqué son tact numismatique si exercé à trois pièces des premières années de l'islamisme o, frappées en Syrie, et où se remarque le plus singulier mélange de christianisme et d'hommage à la conquête nouvelle. Ces pièces paraissent offrir les noms de Kha

1 Recherches sur l'origine et l'emplacement des emporia phéniciens dans le Zeugis et le Byzacium. Paris, Imprimerie impériale, 1869, 306 pages, 9 planches, grand in-8°.

2 Lettre à M. Stanley sur le site de Capharnahum, de Khorozaïn, de Bethsaïde, dans les Transactions of the Society of biblical archeology, vol. I, part. 1, Londres, 1872.

3 Mémoire sur les monnaies datées des Séleucides. 89 pages et 1 planche. Paris, au siége de la Société française de numismatique et d'archéologie, 1871, grand in-8°.

Revue archéologique, novembre 1871. 5 Revue archéologique, janvier 1872. Journal asiatique, août-septembre 1871.

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