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littérature hindouie et hindoustanie 1. Cet immense répertoire ne sera plus refait; il restera comme un vaste tezkiré d'une littérature, secondaire sans doute, si on la compare aux grandes littératures anciennes de l'Asie, mais fort intéressante encore et qui sert de nos jours d'aliment intellectuel à une portion considérable de l'espèce humaine. Par moments, d'ailleurs, cette littérature atteint un véritable charme, et l'on se surprend à y trouver du plaisir. Je la préfère, pour ma part, aux genres parallèles de la littérature sanscrite; je la trouve plus simple, moins surchargée, moins subtile, presque égale à la poésie persane, elle-même sœur des nôtres. Un sentiment profond de la nature et de la destinée de l'homme s'y joint à la haute philosophie du soufisme. De tous les orientalistes sortis de la grande école de M. de Sacy, et entre lesquels ce grand maître divisa les royaumes de l'Asie, M. Garcin de Tassy est peut-être celui qui a le plus consciencieusement administré la province qui lui échut en partage. Toujours en rapport direct avec les gens du pays, dont il est chez nous le représentant littéraire, devenu un des leurs, lu par eux, apprécié par eux, il a pris en quelque sorte droit de cité hindoue. Le compte rendu qu'il nous a donné cette année du mouvement littéraire de l'Inde anglaise 2

1 Tome III et dernier. Paris, 1871, grand in-8° de VIII-603 pages. Adolphe Labitte.

2 La langue et la littérature hindoustanie en 1871. Paris, 1872, Maisonneuve, 83 pages in-8°.

est plein de renseignements sur les curieux problèmes qui s'agitent dans l'Hindoustan et qui semblent tous supposer un réveil de plus en plus prononcé de l'esprit indigène, une réaction contre les tendances à l'européanisation, un arrêt dans l'étude de l'anglais. La question du futur idiome de l'Inde. est chaque année l'objet de quelque réflexion judicieuse de notre savant confrère. Il pense, comme M. Garrez, que cette langue doit être l'hindoustani, qui seul, selon lui, représente dans sa constitution tous les accidents historiques qu'a traversés l'Hindoustan, en même temps que par sa grammaire il se rapproche plus qu'aucun autre dialecte vivant de l'ancien type du sanscrit.

L'ouvrage du docteur Paspati sur les Ziganes paraît apporter des éléments importants aux questions obscures que soulèvent l'existence de ces nomades bizarres, leurs mœurs, leurs coutumes, leur langue. Les contes inédits, formant une espèce d'anthologie zigane, que M. Paspati a recueillis ct publiés, donneront lieu à d'instructives comparaisons, surtout s'il est établi que ces contes sont bien la propriété des Ziganes et n'ont pas été empruntés par eux à d'autres peuples.

La philologie sémitique s'est enrichie de quelques bons essais. M. Hartwig Derenbourg a résumé en aphorismes sommaires ses réflexions sur les méca

1 Études sur les Tchinghianè ou Bohémiens de l'empire ottoman. Constantinople, 1870, in-4° de 652 pages.

nismes essentiels de la langue arabe 1. M. Joseph Derenbourg a publié dans notre journal2 un curieux traité de grammaire ou plutôt de ponctuation hébraïque, qu'il a trouvé dans un manuscrit rapporté de l'Yémen par Jacob Saphir. L'intérêt de ce morceau est surtout dans les fragments qu'il rapporte de travaux antérieurs. L'histoire de la grammaire hébraïque tire de là certaines lumières, surtout en ce qui concerne l'origine des signes de toutes sortes (voyelles, accents, etc.) que la minutieuse subtilité des rabbins a répandus à profusion autour des consonnes du texte de la Bible. L'histoire de tout ce système de signes n'est pas encore méthodiquement faite. Qui pourrait mieux la dresser que M. Derenbourg lui-même? Sa récente publication contiendra en tout cas, pour cette histoire, de très-utiles indications.

M. l'abbé Martin a publié, en deux volumes autographiés, les œuvres grammaticales de Grégoire Barhebræus 3. La petite grammaire en vers avait déjà été publiée par M. Bertheau, mais sans le commentaire marginal, rédigé par Barhebræus lui

1 Revue de linguistique, t. IV, 4o fasc., p. 321-337. La re partie a paru dans la même revue, III, 2° fasc., p.. 135-156.

2 Journal asiatique, octobre-novembre-décembre 1870.

3 OEuvres grammaticales d'Abou'lfaradj, dit Bar-Hebreus. Tome I, contenant le K'tovo d'tsem'he, 61 pages imprimées, 271 pages syriaques autographiées, 2 fac-simile; tome II, contenant la petite grammaire en vers de sept syllabes et le traité De vocibus æquivocis, texte et commentaire, 16 pages imprimées, 127 pages syriaques autographiées, 1 fac-simile. Paris, 1872, in-8°, Maisonneuve.

même, qui en donne la clef. M. l'abbé Martin expose son plan avec beaucoup de modestie et de sincérité. Il ne prétend pas avoir fait des éditions définitives; mais certainement il a consciencieusement préparé et grandement avancé le travail. Le texte de la grande grammaire de Barhebræus est donné d'après le manuscrit de Paris; les leçons des autres manuscrits sont ajoutées comme variantes. Dans la publication de la petite grammaire en vers, M. l'abbé Martin s'est servi d'une méthode différente. Habituellement, il a suivi le manuscrit de Paris; quelquefois il a préféré celui de Rome; mais toujours il a consigné la leçon qu'il n'adoptait pas. L'autographie ne vaut certainement pas la typographie, même quand l'éditeur a une écriture aussi régulière que celle de M. l'abbé Martin. Le devoir d'un éditeur se compose de parties diverses et complexes, dont la première est de constituer le texte en revenant, aussi près qu'il est possible, à la copie écrite par l'auteur. Nous ajouterons que, pour les œuvres des littératures orientales, la tâche du traducteur ne peut guère être séparée de celle de l'éditeur, puisque de telles œuvres servent peu si elles ne sont traduites, et que le travail d'une bonne édition implique celui de la traduction, l'éditeur ayant dû, pour constituer son texte, arrêter ses idées sur le sens qu'il y attribue. Néanmoins, la multiplication des copies par l'autographie constitue un véritable service. M. l'abbé Martin annonce d'ailleurs l'intention de nous donner plus tard une tra

duction avec un commentaire et un lexique des œuvres qu'il vient de publier. A la suite de la petite grammaire, M. l'abbé Martin a publié l'opuscule de Barhebræus, également en vers, avec commentaire marginal en prose, que les Assemani ont intitulé : De vocibus æquivocis, et qui a pour objet d'expliquer les mots semblables par l'écriture et différents par le sens qu'on trouve dans les écrivains syriens. Cet opuscule, très-important pour la lexicographie syriaque, était entièrement inédit. Il importe grandement qu'il en soit tenu compte dans le grand dictionnaire syriaque que M. Payne Smith nous prépare, et qui remplira dans les études orientales une si fâcheuse lacune.

Grégoire Barhebræus était un excellent philologue; dans la vaste encyclopédie qu'il a tracée comme la plupart des grands hommes du XII° siècle, c'est peut-être la partie grammaticale qui est la plus originale. Je trouve que M. l'abbé Martin exagère un peu quand il ose se demander s'il y avait en ce moment-là, en Europe aussi bien qu'en Asie, un homme qu'on pût lui comparer. Certes Roger Bacon, par exemple, avait plus de génie et créait bien plus pour l'avenir; mais Barhebræus fut en effet un très-grand homme dans tous les genres, et parmi ses œuvres, jusqu'ici imparfaitement travaillées, il n'en est pas qui doivent être plus sérieusement étudiées que celles qu'il a consacrées à l'étude d'une langue dont il a été l'habile restau

rateur.

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