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secrètement à Ang Em la royauté du Cambodge, en lui dénonçant en même temps une prétendue conspiration de son frère Ang Duong. Ang Em dénonça celui-ci au roi de Siam, qui rappela Ang Duong à Bankok; puis il s'avança vers Pursat, où le gouverneur annamite le reçut avec dis tinction et le fit escorter jusqu'à Phnom Penh. Mais là, Tru'ong-minh-giang, jetant le masque, fit mettre Ang Em en cage et l'envoya à Hué.

Malheureusement, la domination annamite continuait à s'affirmer par des actes de violence et d'irréligion qui devaient profondément blesser un peuple aussi fervent que le peuple cambodgien. Son orgueil souffrait de l'atteinte que recevait le prestige de la famille royale des procédés de Tru'ongminh-giang. On accusait ce dernier de vouloir emmener à Saigon Ang Mey, dont il avait fait sa maîtresse, et les trois autres filles d'Ang Chan. L'emprisonnement de l'une d'elles, dont la mère avait eu le tort de se rendre à Bankok, parut un sacrilége. L'attachement des Cambodgiens à leurs chefs héréditaires est sincère et profond, et ce sentiment a été surtout exploité par les Siamois, qui ont toujours eu soin de garder comme otage ou de conquérir à leurs intérêts un membre de la famille royale. En 1840, tous les mandarins cambodgiens se décidèrent à envoyer une lettre au roi de Siam, pour lui demander d'envoyer Ang Duong gouverner le Cambodge. Ce fut encore le Bodin qui fut chargé d'opérer cette restauration. Il vint mettre le siége devant Pursat, que rendit sans combattre le gouverneur annamite. Le Bodin l'épargna lui et ses soldats, trouvant sans doute plus politique d'arriver au but qu'il se proposait par un accord amiable avec la cour de Hué, que par l'emploi de la force ouverte. Mais, sur ces entrefaites, le roi Minh-mang mourut et fut remplacé par le faible Thieou-tri. Les Siamois chassèrent les Annamites de Phnom Penh, et Ang Duong fut fait roi du Cambodge (1841). Truong-minh giang se suicidal a Chau-doc, après avoir fait mettre à mort la reine Ang Mey. Ang Em, frère d'Ang Duong, mourut l'année suivante chez

les Annamites, laissant un fils, nommé Ang Phim, qui devint le prétendant de la cour de Hué.

En 1845, les Annamites, profitant d'une révolte de quelques mandarins cambodgiens, parmi lesquels étaient le chacrey Mey et le bavarach Ros, prirent l'offensive, chassèrent les Cambodgiens de Phnom Penh et remontèrent le bras du lac jusqu'à Compong Chhnang, en refoulant devant eux les troupes siamoises accourues avec le Bodin au secours du roi Ang Duong. Ils investirent Oudong, où celui-ci s'était réfugié avec le général siamois; et, après plusieurs engagements indécis, le Bodin proposa la paix. Les pourparlers durèrent près d'une année: on se rendit de part et d'autre les prisonniers et les otages. Ang Phim, le neveu et le compétiteur d'Ang Duong, fut envoyé à Bankok, où il mourut peu après dans un état d'aliénation mentale. On détruisit les fortifications de Oudong et celles de Phnom Penh, et Ang Duong reçut la double investiture de l'empereur d'An-nam et du roi de Siam (1846). L'année suivante, on coupa les cheveux à Ang Chrelang, fils aîné d'Ang Duong, on lui fit revêtir, suivant l'usage, la robe de bonze et on lui donna le nom de Prea ang Reachea Vodey. Ce prince, qui est le roi actuel du Cambodge, est né à Angcorborey en 1834. Sa mère s'appelait Ben et était fille de l'okhna Sauphea Tuphdey'. Au bout de quatre mois, il quitta la pagode qui lui avait été assignée et fut envoyé à Bankok. Le roi avait eu également de deux femmes différentes deux fils appelés, l'un Ang Sor (1841), l'autre, Ang Phim (1842), et trois filles, Ang Tremal (1831), Ang Ou (1833), et Ang Complang (1849). Ang Duong décerna les plus grands honneurs au prêtre qui avait instruit son fils aîné. Il le fit chef de tous les bonzes du Cambodge, et ordonna qu'on se servit pour lui répondre des expressions mêmes employées pour le roi.

Ang Duong se montra à plusieurs égards souverain intelligent et actif; il favorisa la reprise des relations commer

1 Mandarin de second rang, le premier des juges royaux.

ciales avec les Européens, fit frapper des monnaies d'argent, portant d'un côté les tours ou Preasat du royaume, de l'autre l'image de l'oiseau Hang'. La date y était inscrite dans les trois ères : l'ère de Bouddha, l'ère de Salivahana et la petite ère. Celle-ci commençait déjà à prévaloir, sous l'influence.de la domination siamoise; elle est aujourd'hui la seule employée dans les pièces officielles. Ang Duong fit construire aussi la belle chaussée plantée d'arbres qui relie aujourd'hui Oudong à Compong Luong, et Peam Chomnu à Phnom Penh, et il éleva une citadelle avec palissades et fossé dans sa capitale (1849). Au point de vue politique, il essaya d'établir dans son royaume l'unité d'administration en supprimant la dépendance où se trouvaient certains gouverneurs de province vis-à-vis d'autres gouverneurs d'un rang plus élevé, et en les faisant tous relever au même titre de la couronne. Il s'attacha à rendre purement honorifique la suprématie traditionnelle exercée par les grands fonctionnaires du royaume sur telle ou telle partie du royaume qui était considérée autrefois comme un apanage de leur charge. Il s'efforça, en un mot, de fortifier l'autorité royale et d'affaiblir les rouages de ce système féodal qui restait encore le fond même de l'organisation cambodgienne, et qui était la conséquence du génie de cette race orgueilleuse, le souvenir de son ancienne division en tribus, l'une des causes les plus puissantes de sa rapide décadence. L'abondance revint dans le pays, qui souffrait depuis si longtemps des querelles de ses princes. Jamais le riz, disent les Cambodgiens, n'a été à aussi bon marché et le peuple aussi à son aise que sous Ang Duong. Celui-ci aimait et protégeait les savants et les religieux, et prescrivit des règles uniformes pour l'emploi des caractères. Il releva toutes les pagodes d'Oudong et de Phnom Penh et en fit construire de nouvelles.

En 1847, le roi de Siam, sur la demande d'Ang Duong,

L'oie, qui est, comme on le sait, l'oiseau sacré des Hindous, et qui a donné son nom à la capitale du Pégon Hangsavadi. (Voyez, sur le mot kanza, Tennent's Ceylon, t. I, p. 487.)

avait donné à l'aîné de ses fils l'investiture d'Obbarach, et au second celle de Prea keo fea. Cependant les deux princes ne purent quitter Bankok et retourner auprès de leur père qu'en 1858.

En 1849, mourut, à l'âge de 77 ans, le fameux général Bodin'. Ang Duong, qui lui devait la couronne, lui fit élever une statue dans une des pagodes d'Oudong, et il envoya à Bankok une grande quantité d'étoffes de soie pour la cérémonie des funérailles.

L'influence siamoise paraissait en ce moment absolument prépondérante à Oudong, où résidait un mandarin siamois, chargé de communiquer à Ang Duong les volontés de Bankok. L'empereur Tu-duc avait rendu au Cambodge Kompot et Compong Som, qui avaient été occupés par les Annamites jusqu'en 1848. La guerre dans laquelle ce souverain se trouvait engagé avec la France paraissait devoir éloigner toute chance de nouvelle intervention dans les affaires du Cambodge. Les intrigues et les menaces siamoises avaient empêché Ang Duong de recevoir un envoyé français, M. de Montigny, qui s'était arrêté en 1855 à Kompot, dans le but de faire un traité de commerce avec le Cambodge. Ce petit royaume, ne pouvant plus trouver nulle part un point d'appui contre la pression siamoise, semblait sur le point de disparaître comme état indépendant.

En 1858, un Malais nommé Tuon-lim, s'étant soulevé et ayant entraîné dans sa rébellion tous les Chams du royaume, se réfugia avec ses principaux complices à Chau-doc, auprès des Annamites. L'année suivante Ang Duong réclama du gouvernement de Hué l'extradition des coupables; non-seu

1 On raconte de ce célèbre Siamois des traits d'énergie extraordinaires. Au moment de la guerre de 1845, des poudres qui avaient été placées sous la cage de l'éléphant qu'il montait s'enflammèrent, et le couvrirent littéralement de brûlures. Le roi de Siam, informé de cet accident, lui envoya ses médecins et lui fit dire de revenir à Bankok Mais le Bodin consentit seulement à interrompre sa marche pendant trois jours; il se remit ensuite en route, malgré d'atroces souffrances, et voyagea jour et nuit pour réparer le temps perdu.

lement les Annamites refusèrent de les livrer, mais ils leur fournirent des soldats. Les hostilités commencèrent immédiatement sur toute l'étendue des frontières des deux pays. Ang Duong mit le gouverneur de Peam, nommé Kep, à la tête de ses troupes, et celui-ci refoula les Annamites et les Malais dans le Trang du sud. Ang Duong mourut à ce moment (1860). L'année précédente, il s'était rendu à Kompot, où il avait accueilli avec bienveillance le voyageur français Mouhot.

L'obbarach succéda à son père et prit le titre de Prea Noroudam, dont les Européens ont fait Norodon; mais ses frères ne tardèrent pas à fomenter contre lui une révolte qui le força à s'enfuir à Bankok. Les Siamois vinrent à son aide, et il put revenir à Oudong en février 1862. Ang Sor, le chef principal de la rébellion, se réfugia à Saïgon, devenu déjà possession française. Une demande d'extradition fut adressée à l'amiral Bonard par le gouvernement de Bankok. L'amiral la repoussa dans le but de protester contre l'ingérence siamoise dans les affaires du Cambodge, et de réserver l'entière liberté d'action de la France. En 1864, éclata une nouvelle rébellion : un mandarin cambodgien, nommé Asoa, qui se prétendait fils de Ang Em et cousin de Noroudam, réunit les anciens rebelles d'Ang Sor, les Malais et quelques Annamites, mit à mort Kep, qui s'était maintenu dans le Trang du Sud, s'empara de Kompot qu'il pilla, et marcha sur Phnom Penh. Il fut repoussé, mais il se maintint quelque temps en possession de la province de Trang. Un autre agitateur, connu sous le nom de Pou Kombo, se disant fils de Ang Chan et d'une concubine, se fit également quelques partisans dans le pays.

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A ce moment, la France était déjà intervenue au Cambodge depuis l'année précédente, un officier d'un rare mérite, dont le nom a été cité au commencement de cette chronique, le commandant de Lagrée, résidait au Cambodge, et, par ses utiles informations, avait guidé le gouverneur de la colonie, l'amiral La Grandière, dans les négociations qu'il avait été nécessaire de nouer avec Siam pour l'amener à re

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