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peut-on attendre d'un homme qui n'a pas de patrie 1? » Cette insulte profonde, M. d'Anstett s'en souvint, et il jouissait alors de la plus haute confiance du czar Alexandre.

Quant à M. de Humboldt, le plénipotentiaire prussien, si l'on ne peut lui jeter ces injures grossières, le cabinet de Napoléon lui impute une autre incapacité qui tient à l'étiquette : M. de Humboldt (c'était pourtant le grand naturaliste), M. de Humboldt, selon M. Maret, n'a pas un nom suffisant; il n'est pas assez titré pour aller de pair avec MM. de Caulincourt et de Narbonne, et c'est M. Maret, d'une naissance et d'une illustration si haute, qui fait toutes ces chicanes; elles vont si loin que presque la moitié du temps de l'armistice se passe à de pareilles niaiseries : la nouvelle cour a d'incroyables susceptibilités; elle est devenue d'une aristocratie singulière; des gentilshommes comme M. Maret n'admettent pas M. de Humboldt!

Le premier installé à Prague, M. de Metternich attend les plénipotentiaires français. MM. d'Anstett et de Humboldt, presque aussitôt arrivés, communiquent leurs pouvoirs; on les trouve en règle, on les écoute, on les reçoit. M. de Metternich s'entend sur tous les points avec eux et particulièrement dans cette hypothèse « que si les efforts de l'Autriche sont vains pour la paix, elle se déclarera favorable à l'alliance, et fera la guerre. » Des deux plénipotentiaires français, M. de Narbonne arrive seul, et ses pouvoirs sont très-limités. « M. de Caulincourt, dit-on, en aura de plus étendus, » et on l'attend en vain. M. Maret se plaint toujours du manque d'étiquette; on n'a pas assez d'égards pour les plénipotentiaires de Napoléon qui est allé voir l'impératrice à Mayence sans laisser les pleins pouvoirs pour un traité. M. de Metternich justifie MM. de Humboldt et d'Anstett; ils sont déjà vieillis dans la diplomatic, et lui, premier ministre d'Autriche, n'a pas d'objections contre eux. Puis, comme il s'agit d'affaires, on doit passer sur ces puérilités. M. Maret n'a aucun ménagement dans ses notes; elles restent dures, souvent impolies, avec des assertions injurieuses jusqu'à ce point de dire : « que les alliés agissent avec mauvaise foi. »> MM. de Humboldt et d'Anstett se plaignent de ces formes étranges. M. de Metternich est obligé d'intervenir pour ramener un peu de convenance dans les notes de M. Maret qui traite du haut de sa grandeur même M. de Humboldt.

1 Extrait du Journal des Bouches-de-l'Elbe. Ainsi dans le même congrès Napoléon avait outragé M. de Metternich et le plénipotentiaire russe.

Une seconde question s'élève : il s'agit de savoir si l'on procédera par conférences, comme dans le congrès d'Utrecht, ou bien par mémoires écrits, comme dans celui de Teschen. M. de Metternich préfère ce dernier mode, il est plus court et il donne une plus grande prépondérance et une liberté plus absolue à la puissance médiatrice 1. La forme est simple : les plénipotentiaires écriront des mémoires communiqués à M. de Metternich, qui lui-même les transmettra aux parties intéressées, et ce ne sera qu'après que les points seront convenus, que les plénipotentiaires pourront se voir et s'entendre.

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Note de M. de Metternich aux plénipotentiaires français.

« Le soussigné, ministre d'État et des affaires étrangères de S. M. I. et R. apostolique, invite les plénipotentiaires à se concerter avec lui sur le mode à adopter pour les négociations.

» Il ne s'en présente que deux : celui des conférences et celui des transactions par écrit. Le premier, où les négociateurs s'assemblent en séances réglées, retarde par les embarras d'étiquette, par les longueurs inséparables des discussions verbales, par la rédaction et la confrontation des procès-verbaux et autres difficultés, la conclusion, bien au delà du temps nécessaire; l'autre, qui a été suivi au congrès de Teschen, d'après lequel chacune des cours belligérantes adresse ses projets et propositions en forme de note au plénipotentiaire de la puissance médiatrice, qui les communique à la partie adverse, et transmet de même et dans la même forme la réponse à ces projets et propositions, évite tous ces inconvénients. L'extrait ci-joint en copie fera connaître à LL. EE. MM. le duc de Vicence et le comte de Narbonne la marche qu'on a observée dans cette occasion.

Sans préjuger les instructions que LL. EE. les plénipotentiaires de France peuvent avoir reçues sur un objet sur lequel l'Autriche a déjà d'avance fixé l'attention de leur cour, le soussigné a l'honneur de proposer, de son côté, ce mode, par le double motif de l'avantage énoncé plus haut, et de la brièveté du temps fixé pour la durée des négociations. La cour médiatrice se trouve surtout portée à préférer cette voie abrégée, par la considération que les hautes puissances actuellement en négociation sont les mêmes dont les plénipotentiaires ont été réunis pour le congrès de Teschen.

» Prague, le 29 juillet 1813.

» Le comte de METTERNICH. >>

Note de M. d'Anstett à M. de Metternich.

<< Le soussigné, conseiller privé, plénipotentiaire de S. M. l'empereur de toutes les Russies, a reçu la note sous la date d'hier, par laquelle S. E. M. le comte de Metternich, ministre d'État, des conférences et des affaires étrangères, lui propose, en qualité de médiateur, les deux modes à adopter pour les négociations actuelles. Le soussigné accepte d'abondance le second, c'est-à-dire celui de la forme écrite, comme le seul en effet qui puisse remédier à la perte d'un temps précieux passé dans une vaine attente.

>> Les résultats que M. le comte de Metternich se promet d'ailleurs d'une forme de négociation qui a été créée, pour ainsi dire, par les mêmes puissances dont les

MM. d'Anstett et de Humboldt admettent ce mode, parce qu'il peut amener plus facilement une solution. Napoléon le repousse. M. Maret trouve l'occasion de faire un cours diplomatique; le voilà plongé dans l'histoire ; il en revient à son thème chéri du congrès d'Utrecht; il parle, il s'agite, et, pendant ce temps, l'armistice se dévore; on arrive jusqu'au terme, et rien n'a été fait. M. de Metternich presse une solution quelconque, car il faut prendre un parti. MM. d'Anstett et de Humboldt, qui ont agi avec beaucoup de condescendance, lui disent: << Vous voyez, il n'y a pas moyen de traiter; » et c'est à ce moment qu'arrive M. de Caulincourt avec des pouvoirs plus étendus.

Dans cette situation du congrès de Prague, il était naturel pourtant de résumer les prétentions réciproques en un projet de traité. Le médiateur commence à s'entendre avec la Russie et la Prusse; il faut en finir; les bases deviennent communes, et tellement arrêtées entre les trois cabinets de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Berlin, que si la France ne les accepte pas, on lui fera la guerre à outrance sans déposer les armes; c'est maintenant à Napoléon à les accepter ou bien à subir la guerre; le médiateur les trouve justes et rationnelles, et

plénipotentiaires sont rassemblés aujourd'hui, sont trop désirables pour que le soussigné n'en accepte pas l'augure avec la plus vive satisfaction.

>> Il s'empresse d'offrir ici à S. E. M. le comte de Metternich les témoignages de sa plus haute considération.

» Prague, le 18 (30) juillet 1813.

» D'ANSTETT. »

Note de M. de Humboldt à M. de Metternich.

« Le soussigné a vu, par la note que S. E. M. le comte de Metternich, ministre d'État et des affaires étrangères de S. M. l'empereur d'Autriche, lui a fait l'honneur de lui adresser en date d'hier, en sa qualité de médiateur, quel est le mode que S. E. propose d'adopter pour les négociations qui vont s'ouvrir dans le moment présent. Il rend parfaitement justice aux raisons qui engagent S. E. à préférer celui des transactions par écrit à celui des conférences, et trouve le premier, ainsi qu'il a été employé au congrès de Teschen, et que les formes en sont exposées plus en détail dans l'annexe de la note de S. E. M. le comte de Metternich, entièrement conforme aux circonstances actuelles et à la médiation dont S. M. I. et R. apostolique a bien voulu se charger. Il l'est également aux instructions que le soussigné a reçues de sa cour, aussi sur ce point en particulier.

» Il n'hésite donc point de déclarer, en vertu des pouvoirs dont il est muni, qu'il accepte le mode des transactions par écrit et par des pièces adressées à la cour médiatrice, proposé pour les négociations présentes.

» Le soussigné profite avec empressement de cette occasion pour réitérer à S. E. M. le comte de Metternich l'assurance de sa haute considération.

» Signé : DE HUMBOLDT, a

M. de Metternich les fixe lui-même. Les voici : dissolution du duché de Varsovie, partagé entre la Prusse, la Russie et l'Autriche (dernier morcellement de la Pologne ; la France portait malheur à cette pauvre nation). Les villes hanséatiques, Hambourg, Lubeck, seraient déclarées indépendantes; on reconstruirait la Prusse avec une frontière sur l'Elbe; on céderait à l'Autriche les provinces illyriennes; on proclamerait l'indépendance des États les uns des autres : ainsi, plus de confédération du Rhin, plus de protectorat. A ces conditions, la paix était facile; mais on laissait entrevoir que pour un traité avec l'Angleterre il fallait admettre l'indépendance de la Hollande et de l'Espagne, conditions essentielles pour tout rapprochement sérieux avec la Grande-Bretagne; jamais l'Angleterre ne signerait un traité qui laisserait l'arsenal d'Anvers à la France.

Le terme fatal de l'armistice est le 10 août. Napoléon hésite jusqu'au soir; ces conditions lui paraissent dures, insoutenables : quoi! après trois batailles gagnées, on voulait l'abaisser à ce point (la France du Rhin et l'Italie lui paraissaient un abaissement)! On le presse, il ne veut pas répondre. L'armistice va se terminer, tout se passe sans résultat. Sur l'insistance de tous, une réponse est donnée : Napoléon admet qu'il n'y aura plus de duché de Varsovie; mais Dantzig sera ville libre avec ses murailles rasées; on indemnisera le roi de Saxe par des territoires en Silésie et en Bohême. Il consent à céder les provinces illyriennes, mais sans Trieste, c'est-à-dire le corps sans l'âme. Il ne veut pas abandonner la confédération du Rhin; il pose la garantie de l'intégrité du Danemarck, celle de l'Espagne, de la Hollande et de l'Italie. Ces conditions arrachées à l'empereur diffèrent trop des bases posées par M. de Metternich pour être admises; M. de Caulincourt les porte à Prague, il n'y arrive que le 11, le terme fatal est le 10, et M. de Metternich lui annonce que MM. de Humboldt et d'Anstett ont attendu jusqu'au 10 au soir. En quittant Prague, ils ont écrit au médiateur que, leur mission étant finie, ils étaient désormais sans pouvoirs 1.

Note de M. d'Anstett à M. de Metternich.

« Le terme final de la médiation et des négociations ouvertes à Prague étant révolu avec la journée du 10, le soussigné a l'ordre exprès de déclarer formellement que ses pleins pouvoirs cessent dès ce moment.

>> Sur le point de quitter cette ville, il ne saurait le faire sans s'acquitter du devoir sacré d'offrir à S. E. M. le comte de Metternich les expressions de sa vive recon

Par le fait, le congrès est dissous; l'Autriche est donc obligée de prendre une attitude, et cela s'explique par la position dans laquelle elle s'était placée; toute neutralité par elle devenait impossible. Quand les plénipotentiaires de Napoléon faisaient tant de difficultés sur les mots, M. de Metternich était allé aux choses; dans les conférences avec MM. d'Anstett et de Humboldt il avait réglé les bases de la paix demandée à Napoléon; il avait exigé de la Prusse et de la Russie des concessions écrites, elles y avaient accédé à regret et par déférence pour l'Autriche. Mais à son tour M. de Metternich s'était engagé, si Napoléon n'acceptait pas ces bases, à prendre fait et cause pour l'alliance. Or, jusqu'au 10, terme fatal, l'empereur n'avait fait aucune concession; l'Autriche devait tenir son engagement et se déclarer pour les alliés.

Dans cette prévision, M. de Metternich avait adopté d'avance toutes les mesures, comme si la rupture devait avoir lieu, et ce n'était là que prévoyance. L'Autriche jugeant que l'empereur repousserait les bases proposées, il est possible que M. de Metternich ait donné ordre de préparer les moyens de soutenir le casus belli. Tout cela ne

naissance des marques de confiance et de bonté dont il a bien voulu l'honorer personnellement.

>> Quant à l'impartialité, à la noblesse, à l'esprit de conciliation, à la pureté des principes que S. E. a manifestés en sa qualité de médiateur, il n'appartient pas au soussigné d'anticiper à cet égard sur les témoignages que les cours alliées s'empresseront de faire parvenir à S. E. M. le comte de Metternich. Il se borne à lui renouveler ceux de sa très-haute considération.

>> Prague, le 29 juillet (10 août) 1813, à minuit.

Signé : D'ANSTETT. »

Note de M. de Metternich aux plenipotentiaires français.

« Le soussigné, ministre d'État et des affaires étrangères de S. M. I. et R. apostolique, plénipotentiaire de la cour médiatrice, a l'honneur de transmettre à LL. EE. MM. le duc de Vicence et le comte de Narbonne, plénipotentiaires de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, copie des offices qu'il vient de recevoir de la part de MM. les plénipotentiaires de S. M. l'empereur de toutes les Russies, et de S. M. le roi de Prusse, par lesquels ils lui déclarent que le terme de l'armistice étant écoulé, ils regardent le congrès réuni pour la négociation de la paix comme dissous. » C'est avec un vif regret que le soussigné voit finir en conséquence ses fonctions de médiateur, sans emporter, d'un stérile essai d'arriver au résultat satisfaisant de la pacification des puissances belligérantes, une autre consolation que celle de n'avoir négligé de son côté aucun moyen pour consommer une œuvre aussi salu

taire.

» Le soussigné saisit avec empressement l'occasion de cette dernière communication officielle pour offrir à LL. EE. les assurances de sa parfaite considération. » Prague, le 11 août 1813.

» Le comte de METTERNICH. D

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