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dans un dernier effort de conciliation générale; il pourrait voir et juger par lui-même les dispositions de l'empereur des Français.

Avant de partir, M. de Metternich dut se rendre compte du sens précis de la négociation qu'il allait entamer; il n'est pas douteux que Napoléon allait lui offrir des avantages considérables pour détacher l'Autriche ou au moins pour la faire rester neutre, c'était son jeu. M. de Metternich établit sa mission sur d'autres bases; il s'était fortement attaché à la pensée de la médiation impartiale et armée, en tirant tous les avantages possibles de ce rôle qui allait à son caractère; si Napoléon n'acceptait pas, l'Autriche, ne pouvant rester indifférente, prendrait part à la coalition sans retard; elle jetterait 200,000 hommes dans la balance, et ici M. de Metternich serait soutenu par l'esprit de l'Allemagne et de l'armée qui voulait se battre; à Vienne on s'était rapproché des Bavarois, des Wurtembergeois; l'Autriche prenant parti, ceux-ci suivraient sa ligne sans hésiter, le prince de Schwartzenberg commandait en chef les grandes masses d'hommes qui se groupaient au delà des montagnes de la Bohême. La démarche personnelle que M. de Metternich voulut tenter auprès de Napoléon

ment sur la conservation de la paix du continent, et sur le désir du rétablissement de la paix maritime, il n'en est cependant pas de même de la lettre de ce traité.

» Le soussigné ne pouvant que se référer à sa note du 22 juin, et répondant à celle en date de ce jour de M. le duc de Bassano, propose à S. E. d'écarter dans un moment aussi important pour l'humanité, toute discussion sur les articles particuliers du traité du 14 mars 1812, et de placer la réserve relative audit traité dans une déclaration commune à l'Autriche et à la France, telle que pourrait être celle que le soussigné a l'honneur de joindre ici en projet.

>> Le soussigné saisit cette occasion, pour renouveler, etc. » Dresde, le 28 juin 1813.

» METTERNICH. »>

« La qualité de médiateur emportant la plus entière liberté et n'admettant aucune obligation qui pourrait se trouver en opposition avec les intérêts de l'une ou l'autre des parties intervenantes, LL. MM. II. et RR. l'empereur des Français, roi d'Italie, et l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohême, animés d'un égal désir de concourir, par tous les moyens en leur pouvoir, au rétablissement le plus prompt de la paix; savoir, S. M. l'empereur d'Autriche par l'offre qu'elle a faite de sa médiation aux puissances belligérantes, et S. M. l'empereur des Français, par l'acceptation de la médiation de l'Autriche; leursdites majestés impériales ne voulant, d'un autre côté, aucunement préjuger, par le fait de la médiation, contre l'existence de l'alliance établie entre elles par le traité du 14 mars 1812, sont convenues, d'un commun accord, de déclarer que les stipulations dudit traité qui affecteraient l'impartialité du médiateur seront suspendues pour tout le cours des négociations, se réservant expressément de faire revivre lesdites stipulations, sauf les modifications que, d'un commun accord, elles jugcraient devoir y apporter ensuite de la pacification qui, dans le moment actuel, fait le premier objet des soins de LL. MM. II. »

avait pour but de l'entraîner à reconnaître la médiation de l'Autriche; l'armistice finissant bientôt, chacun avait intérêt à le faire ajourner pour grandir ses moyens.

M. de Metternich part donc de Prague pour Dresde en toute hâte; il arrive au palais Marcollini, se fait annoncer sur-le-champ; l'empereur était dans son cabinet près de ses cartes, suivant avec un compas les marches et les contre-marches des alliés. A peine a-t-il aperçu M. de Metternich, qu'il prend son air caressant et l'introduit avec une bienveillance marquée. « Vous voilà donc, Metternich! soyez le bienvenu; mais, si vous voulez la paix, pourquoi venir si tard? Nous avons déjà perdu un mois, et votre médiation devient presque hostile, à force d'être inactive. Il paraît qu'il ne vous convient plus de garantir l'intégrité de l'empire français. » M. de Metternich fit ici un signe d'étonnement, comme pour indiquer que les circonstances étaient bien changées. « Eh bien, soit! continua Napoléon, pourquoi ne pas me l'avoir déclaré plus tôt? Que ne me le faisiez-vous dire franchement, à mon arrivée de Russie, par Bubna, ou plus récemment par Schwartzenberg? Peut-être aurais-je été à temps de modifier mes plans; peut-être même ne serais-je pas rentré en campagne. En me laissant m'épuiser par de nouveaux efforts, vous comptiez sans doute sur des événements moins rapides. Ces efforts hardis, la victoire les a couronnés. Je gagne deux batailles; mes ennemis affaiblis sont au moment de revenir de leurs illusions; soudain vous vous glissez au milieu de nous; vous venez me parler d'armistice et de médiation, vous leur parlez d'alliance, et tout s'embrouille. Sans votre funeste intervention, la paix entre les alliés et moi serait faite aujourd'hui. »

Napoléon engageait mal ici la question; on ne peut concevoir qu'ayant un si grand intérêt à ménager l'Autriche, il se hâta de l'insulter l'habitude du commandement militaire n'avait pas donné à son esprit le respect pour les positions indépendantes, et c'était un grand tort; M. de Metternich, un peu surpris de cette brusque sortie, répondit : « Votre majesté sait que jusqu'ici l'Autriche est restée dans le rôle de médiation impartiale, elle ne peut pas demeurer dans une situation de neutralité; la guerre est à ses portes; il faut qu'elle prenne un parti, et son seul vœu est de prouver à votre majesté le désir sincère de la paix du monde; le soin que l'Autriche a pris de procurer l'armistice constate assez cette volonté. » Napoléon l'interrompit brusquement : « Quels ont été jusqu'à présent les résultats de

cet armistice? Je n'en connais point d'autres que les deux traités de Reichenbach, que l'Angleterre vient d'obtenir de la Prusse et de la Russie. On parle aussi d'un traité avec une troisième puissance; mais Vous avez M. de Stadion sur les lieux, Metternich, et vous devez être mieux informé que moi à cet égard. Convenez-en depuis que l'Autriche a pris le titre de médiateur, elle n'est plus de mon côté; elle n'est plus impartiale, elle est ennemie! Vous alliez vous déclarer quand la victoire de Lutzen vous a arrêtés; en me voyant encore à ce point redoutable, vous avez senti le besoin d'augmenter vos forces, et vous avez voulu gagner du temps. Aujourd'hui, vos 200,000 hommes sont prêts; c'est Schwartzenberg qui les commande; il les réunit en ce moment, ici près, là, derrière le rideau des montagnes de la Bohème. Et parce que vous vous croyez en état de dicter la loi, vous venez me trouver! La loi ! et pourquoi ne vouloir la dicter qu'à moi seul? Ne suis-je plus celui que vous défendiez hier? Si vous êtes médiateurs, pourquoi du moins ne pas tenir la balance égale? Je vous ai deviné, Metternich, votre cabinet veut profiter de mes embarras, et les augmenter autant que possible pour recouvrer tout ou partie de ce qu'il a perdu. La grande question pour vous est de savoir si vous pouvez me rançonner sans combattre, ou s'il vous faudra vous jeter décidément au rang de mes ennemis; vous ne savez pas encore bien lequel des deux partis doit vous offrir plus d'avantages, et peut-être ne venezvous ici que pour mieux vous en éclaircir. Eh bien! voyons, traitons, j'y consens, que voulez-vous? » Et il prit une carte, un compas et la plaça sous sa main 1.

Cette nouvelle sortie de Napoléon indiquait encore qu'il se faisait de fausses idées sur la mission de M. de Metternich. Ce n'était point exclusivement pour elle que l'Autriche intervenait, mais pour exercer une médiation au nom de tous; Napoléon lui offrait un traité et des avantages particuliers avec plus ou moins de sincérité; le cabinet de Vienne savait bien qu'il tirerait un meilleur parti d'un remaniement européen; aussi M. de Metternich devait ramener la situation à des termes plus génériques. « Le seul avantage, répliqua-t-il, que l'empereur mon maître soit jaloux d'acquérir, c'est l'influence qui communiquerait aux cabinets de l'Europe l'esprit de modération,

le

'J'ai dû rectifier une grande partie de cette conversation; les paroles de Napoléon et les réponses de M. de Metternich ont été prises à une source authentique.

respect pour les droits et les possessions des États indépendants qui l'anime lui-même. L'Autriche veut établir un ordre de choses, qui, par une sage répartition de forces, place la garantie de la paix sous l'égide d'une association d'États indépendants. » Ces généralités indiquaient un remaniement absolu de l'Europe, un but vaste et générique; Napoléon fit le semblant de ne pas le comprendre. « Parlez plus clair, dit l'empereur en l'interrompant, et venons au but: mais n'oubliez pas que je suis un soldat qui sais mieux rompre que plier. Je vous ai offert l'Illyrie pour rester neutre; cela vous convient-il? Mon armée est bien suffisante pour amener les Russes et les Prussiens à la raison, et votre neutralité est tout ce que je demande. »>

Ainsi qu'on le remarque, M. de Metternich veut généraliser les questions, préparer un congrès européen, et Napoléon les spécialise et les résume en un simple traité de neutralité particulière à l'Autriche; il veut la détacher de la coalition, comme il a naguère chargé M. de Caulincourt de détacher la Russie. « Ah! sire, reprend vivement M. de Metternich, pourquoi votre majesté resterait-elle seule dans cette lutte? pourquoi ne doublerait-elle pas ses forces? Vous le pouvez, sire! car il ne tient qu'à vous de disposer entièrement des nôtres. Oui, les choses en sont au point que nous ne pouvons plus rester neutres; il faut que nous soyons pour vous ou contre vous. » L'empereur l'interrompit encore: «Eh bien! que voulez-vous? >> M. de Metternich reprit en exposant que la réunion d'un congrès paraissait d'autant plus indispensable, qu'on pourrait y aborder toutes les questions de prépondérance européenne; on ne devait pas se dissimuler que l'empire français, dans son organisation actuelle, la tête aux villes hanséatiques et les pieds aux provinces illyriennes, avec le protectorat de l'Allemagne et la médiation de la Suisse, était un obstacle au rétablissement de l'équilibre politique. « Quoi! s'écria l'empereur, non-seulement l'Illyrie, mais la moitié de l'Italie et le retour du pape à Rome! et la Pologne, et l'abandon de l'Espagne! et la Hollande, et la confédération du Rhin,' et la Suisse! Voilà donc ce que vous appelez l'esprit de modération qui vous anime? Vous ne pensez qu'à profiter de toutes les chances, vous n'êtes occupé qu'à transporter votre alliance d'un camp à l'autre, pour être toujours du côté où se font les partages, et vous venez me parler de votre respect pour les droits des États indépendants! Au fait, vous voulez l'Italie, la Russie veut la Pologne, la Suède veut la Norwége, la Prusse veut

la Saxe, et l'Angleterre veut la Hollande et la Belgique. En un mot, la paix n'est qu'un prétexte. Vous n'aspirez tous qu'au démembrement de l'empire français !... Et pour couronner une telle entreprise, l'Autriche croit qu'il lui suffit de se déclarer! Vous prétendez ici, d'un trait de plume, faire tomber devant vous les remparts de Dantzig, de Custrin, de Glogau, de Magdebourg, de Wesel, de Mayence, d'Anvers, d'Alexandrie, de Mantoue, de toutes les places les plus fortes de l'Europe, dont je n'ai pu obtenir les clefs qu'à force de victoires! Et moi, docile à votre politique, il me faudrait évacuer l'Europe, dont j'occupe encore la moitié, ramener mes légions la crosse en l'air derrière le Rhin, les Alpes et les Pyrénées, et, souscrivant à un traité qui ne serait qu'une vaste capitulation, me livrer comme un sot à mes ennemis, et m'en remettre pour un avenir douteux à la générosité de ceux-là mêmes dont je suis aujourd'hui le vainqueur ! Et c'est quand mes drapeaux flottent aux bouches de la Vistule et sur les rives de l'Oder, quand mon armée triomphante est aux portes de Berlin et de Breslau, quand de ma personne je suis ici à la tête de 300,000 hommes, que l'Autriche, sans coup férir, sans même tirer l'épée, se flatte de me faire souscrire à de telles conditions?... Sans tirer l'épée! Cette prétention est un outrage! Et c'est mon beau-père qui accueille un tel projet! c'est lui qui vous envoie! Dans quelle attitude veut-il donc me placer en présence du peuple français? Il s'abuse étrangement s'il croit qu'un trône mutilé puisse être en France un refuge pour sa fille et son petit-fils! » Puis s'animant jusqu'à la colère, Napoléon s'écrie: « Ah! Metternich! combien l'Angleterre vous a-t-elle donné pour vous décider à jouer ce rôle contre moi?... >>

A ces paroles outrageantes si brusquement jetées, M. de Metternich rougit, mais se contint. Habitué à toutes les insolences de cet homme superbe pendant son ambassade à Paris, il devait au moins le croire assez vivement secoué par l'infortune, pour garder quelques ménagements envers le ministre d'une puissance qui disposait de 200,000 baïonnettes : à qui jetait-il ses paroles insolentes? Quel était l'homme d'État qu'il insultait? Celui précisément qui pouvait apporter tout le poids d'une grande et forte médiation dans la position si difficile de l'empereur. Mais alors il était irrité. Il voulait laisser une grande impression, et, par un mouvement animé, il laissa tomber son chapeau. Dans les formes de respect et de convenance envers un

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