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partout; si l'on se résout à passer le Rhin, il ne faut rien laisser derrière soi; toute l'Europe doit marcher avec une fermeté indicible; quand il s'agit de la cause générale, il n'y a plus de neutralité, et les négociations les plus actives commencent dans la Suisse afin d'opérer une révolution contre le grand médiateur Napoléon qui dominait à Berne comme à Zurich. Pour cela il suffit d'un mouvement politique favorisé par les grandes puissances; les anciennes familles des cantons, expulsées ou proscrites reprendront leur pouvoir dans les conseils; la Suisse se décidera pour la ligue européenne ; il le faut, la paix du monde l'exige, c'est une condition de la guerre qui se poursuit contre Bonaparte; un mouvement aristocratique à Berne fera rentrer la Suisse sous l'influence spéciale de l'Autriche, et c'est dans ce sens qu'agissent les agents de M. de Metternich, tandis que le colonel Laharpe, le général Jomini préparent les voies à l'influence russe ; si la clef des montagnes est nécessaire aux armées coalisées, la Suisse la donnera librement; le Rhin sera franchi à sa source. Ainsi, quand on a dit que le passage des troupes alliées sur le territoire helvétique fut une violation d'une neutralité, on s'est trompé; ce fut la suite d'une négociation sérieuse avec les conseils de Berne. Tout fut

de cavalerie, leur force devrait être égale de part et d'autre. Quant aux communi→ cations du plénipotentiaire anglais avec son gouvernement, elles pourraient avoir lieu par la France et par Calais.

» Sa majesté conçoit un heureux augure du rapport qu'a fait M. de Saint-Aignan de ce qui a été dit par le ministre d'Angleterre.

» J'ai l'honneur d'offrir à V. E. l'assurance de ma haute considération.

» Le duc de BASSANO. >>

Réponse de M. de Metternich.

« Le courrier que V. E. a expédié de Paris le 16 novembre est arrivé ici hier. » Je me suis empressé de soumettre à LL. MM. II. et à S. M. le roi de Prusse, la lettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'adresser.

» LL. MM. ont vu avec satisfaction que l'entretien confidentiel avec M. de SaintAignan a été regardé par S. M. l'empereur comme une preuve des intentions pacifiques des hautes puissances alliées. Animées d'un même esprit, invariables dans leur point de vue, et indissolubles dans leur alliance, elles sont prêtes à entrer en négociation, dès qu'elles auront la certitude que S. M. l'empereur des Français admet les bases générales et sommaires que j'ai indiquées dans mon entretien avec le baron de Saint-Aignan.

>> Le choix de la ville de Manheim semble ne pas présenter d'obstacles aux alliés, Sa neutralisation, et les mesures de police, entièrement conformes aux usages que propose V. E., ne sauraient en offrir dans aucun cas.

» Agréez, etc.

» Francfort, le 23 novembre 1813. »

>> Le prince DE Metternich.

volontairement réglé; les protestations n'ont jamais existé, elles furent inventées par quelques écrivains de Napoléon qui avaient besoin de montrer que tout s'était fait par violence.

Quand l'Europe entière se levait, les alliés durent apprendre avec joie à Francfort que le dernier gouvernement fidèle à Napoléon l'abandonnait pour se joindre à la cause commune. Dans un conseil des souverains on avait posé nettement cette question : « Le Danemarck devait-il suivre la bonne ou mauvaise fortune de Bonaparte, tomber ou s'élever avec lui? Ou bien préfère-t-il marcher de concert avec l'Europe? » Dans cette alternative y avait-il un moment à hésiter? La cour de Copenhague n'obtint pas les conditions qu'elle aurait pu s'assurer après la campagne de Russie en 1812. Pressé entre deux insurrections, celle des villes hanséatiques et le soulèvement de la Hollande, le Danemarck n'eut d'autre parti à prendre que d'entrer dans la coalition; il joignit dès lors ses troupes à ce mouvement universel qui grondait autour de la France.

Paris! Paris! devint le hourra général de toutes ces armées; il fallut un grand calme aux souverains et aux hommes d'État pour empêcher les représailles d'une invasion qui se présentait avec tous les caractères d'un mouvement universel de peuples. Dans l'esprit des vieux Russes, le Kremlin en cendres devait se refléter dans l'incendie des Tuileries. Pour les Prussiens, humilier Napoléon, c'était venger leur reine Louise; pour les Autrichiens, ils voulaient voir Paris, puisque les armées françaises avaient vu deux fois Vienne; et quant à l'Angleterre, toujours froide, toujours diplomatique, elle n'apercevait en tout cela que la ruine d'un grand ennemi, la destruction des arsenaux ; elle tiendrait enfin la flotte d'Anvers. Tous ces desseins de bouleversement du vaste empire français arriveraient-ils à leur fin de dévastation? A l'Europe armée, un grand peuple ne va-t-il pas opposer son énergie? Nos revers sont-ils réparables? La dictature de Napoléon va-t-elle se retremper dans le sentiment du pays, et la France jettera-t-elle encore une fois ses quatorze armées à la face d'une nouvelle coalition?

CHAPITRE VI.

NAPOLÉON EN FACE DES POUVOIRS ET DE LA FRANCE.

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Convocation du

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Opposition Communication

L'empereur à Paris. - Dictature. — Levée arbitraire de l'impôt. corps législatif.-Sénatus-consulte qui attribue le choix du président à l'empereur. - Rapport dicté à M. Molé. — Modification au Moniteur. - Changement de ministère. — M. Molé grand juge. — M. de Caulincourt aux relations extérieures.— Le sénat. - Présidence de M. de Lacépède. — Opposition.- Réunion de républicains. Projet de déchéance contre Napoléon rédigé par l'abbé Grégoire. Esprit des députés. Parti patriote. Majorité de résistance. partout. Première pensée de déclarer la guerre nationale. diplomatique au sénat et au corps législatif. — Influence de M. de Talleyrand. Traité avec les infants d'Espagne et Ferdinand VII. Délivrance du pape. Conférences des députés. L'avocat Régnier, président. Altercation avec M. Lainé. - Partie secrète de la négociation. - Rapport de M. Lainé. — Colère de l'empereur. Dissolution du corps législatif. Belles et énergiques paroles de Napoléon. Son esprit monarchique. - Levée de la garde nationale de Paris. Choix des officiers. Envoi dans les départements de commissaires extraordinaires. Caractère que l'on veut donner à la résistance. - Théâtres. L'opéra de l'Oriflamme.

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Novembre 1813 et janvier 1814.

Le séjour de l'empereur Napoléon à Mayence s'était prolongé au delà d'une semaine ; il avait donné ses derniers ordres pour la réorganisation de l'armée éparse et dispersée sur les routes de Francfort. Mayence, grande place d'armes, était alors devenue comme une nécropolis. La Mort, sur son cheval de feu, l'arc en main, lançait ses flèches empoisonnées à travers l'horizon embrasé. Des fièvres ardentes s'étaient manifestées parmi ces masses d'hommes qui arrivaient exténués de besoin dans les villes du Rhin; partout les funérailles et les glas du sépulcre se faisaient entendre; l'épidémie moissonna autant de soldats que le fer de l'ennemi. Les belles villes du Rhin, Cologne, Coblentz, Bonn, cités si nobles, devinrent comme de grandes tombes,

et le Rhin roula des cadavres jusque dans les eaux de la Baltique. Le séjour de Napoléon à Mayence fut aussi motivé par le désir d'apprendre les nouvelles de Paris; il voulait préparer le terrain à son retour; il voulait savoir l'esprit des pouvoirs, la situation des partis, et pénétrer, sans illusions, les dangers de la patrie.

Il partit pourtant la nuit; ses chevaux, dans leur course rapide, le ramènent dans ses palais? il vient fixer sa résidence à Saint-Cloud. La saison est déjà rigoureuse, qu'importe? Il sera plus à l'aise en dehors de Paris et de ses regards; il ne sera point sous les yeux d'une population irritée. A Saint-Cloud, il a osé le 18 brumaire ; ce palais lui plaît par ses souvenirs et ses grandes ombrées. L'impératrice et le roi de Rome s'y trouvent; il a besoin du calme pour méditer les moyens de sauver la France. Devant le conseil privé qu'il convoque aussitôt, il ne déguise pas ses pertes: «la seconde grande armée est dévorée, il lui faut de nouveaux sacrifices; il ne s'agit plus de faire des conquêtes, mais de défendre le territoire menacé; c'est la guerre nationale qu'on doit déclarer à l'Europe, si l'on veut l'arrêter dans son mouvement offensif.» Ce conseil se compose des ministres secrétaires d'État, de M. de Talleyrand, de M. Molé; on y communique les rapports de M. de Saint-Aignan, on en discute les bases. Pour traiter, il faut que la France soit en mesure; il est impérativement nécessaire de demander des sacrifices à tous, et, comme couronnement, il lui faut la dictature absolue.

Les premiers actes de cette dictature ne tardent pas : il faut avoir de l'argent; il n'y en a plus au trésor. Il prend alors généreusement 30 millions sur ses masses d'or enfouies aux Tuileries pour les premières dépenses. Il fait ainsi son offrande à la patrie ; il pense qu'il faut que tous les contribuables concourent à grandir les ressources financières de la France. A Gotha, il a convoqué le corps législatif pour le 2 décembre; ce terme est un peu long pour pourvoir à l'urgence; Napoléon, de son propre chef et comme dictateur, publie un décret qui augmente les impôts sur les portes et fenêtres et sur le sel'; c'est la toute-puissance qui s'exerce dans sa plénitude: il règne,

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« Art. 1or. Il sera perçu 30 centimes additionnels au principal de la contribution foncière, des portes et fenêtres et des patentes de 1813. Lesdits centimes seront payables par tiers, dans les mois de novembre et décembre 1813 et janvier 1814.

» 2. La contribution personnelle et la partie de la contribution mobilière qui se

gouverne et impose. Ces ressources seront promptes : l'impôt est le seul moyen qui existe pour le geuvernement impérial. Il n'est pas possible de recourir à un emprunt ; nul ne voudrait donner son argent à un pouvoir en décadence; les actions de la banque sont cotées à 504 fr., le 5 pour 100 à 45; les banquiers ne prêteraient pas 100 fr. au trésor. Le despotisme peut tout, excepté inspirer la confiance en ses propres œuvres.

Voici maintenant l'action des corps politiques. Dès qu'il apprend l'arrivée de l'empereur à Saint-Cloud, le sénat vient le complimenter. Son président est M. de Lacépède; esprit docile, conscience assouplie, avec lui l'opposition n'est pas à craindre; homme purement scientifique, il n'a jamais conçu en politique une idée élevée et indépendante; pénétré des mystères de la société humaine, l'a-t-il prise en mépris à ce point de s'abdiquer corps et âme? Orateur du sénat, M. de Lacépède n'a que des phrases louangeuses, admiratives, pour l'empereur1. Dans sa harangue, «il frémissait des dangers que S. M. I.

perçoit par des rôles, seront perçues en principal au double pour l'année 1813. » 3. A compter de ce jour, il sera perçu deux nouveaux décimes par kilogramme, et 10 centimes par addition, tant aux perceptions de la régie des droits réunis non assujetties au décime de guerre, qu'aux tarifs des octrois autres que ceux par abonnement et cotisation.

>> 4. Le droit sur le sel sera perçu sur les sels existants dans les magasins.

>> 5. Nonobstant les dispositions de l'article précédent, la régie des sels au delà des Alpes ne pourra vendre le sel au-dessus de 60 centimes par kilogramme. »>

Discours de M. de Lacepède,

<< Sire, la pensée du sénat a constamment accompagné votre majesté au milieu des mémorables événements de cette campagne; il a frémi des dangers que votre majesté a courus.

» Les efforts des ennemis de la France ont en vain été secondés par la défection de ses alliés, par des trahisons sans exemple, par des événements extraordinaires et des accidents funestes. Votre majesté a tout surmonté, elle a combattu pour la paix.

>> Avant la reprise des hostilités, votre majesté a offert la réunion d'un congrès où toutes les puissances, même les plus petites, seraient appelées, pour concilier tous les différends, et pour poser les bases d'une paix honorable à toutes les nations.

>>> Vos ennemis, sire, se sont opposés à la réunion de ce congrès. C'est sur eux que retombera tout le blâme de la guerre.

» Votre majesté, qui connaît mieux que personne les besoins et les sentiments de ses sujets, sait que nous désirons la paix. Cependant tous les peuples du continent en ont un plus grand besoin que nous, et si, malgré le vœu et l'intérêt de plus de 150,000,000 d'hommes, nos ennemis, refusant de traiter, voulaient, en nous imposant des conditions, nous prescrire une sorte de capitulation, leurs espérances fallacieuses

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