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118 GOUVERNEMENT DE L'EMPIRE ET SITUATION DE PARIS, ETC.

Le but des journaux sous l'empire fut surtout de servir d'instruments à la police; ils faisaient l'esprit public; Napoléon les employait comme moyen d'action diplomatique, et souvent cela lui fit tort; car, ne sachant pas se contenir, il faisait insulter les ministres, les souverains étrangers, les hommes dont il avait à se plaindre. Faute grave de sa politique, il va maintenant la sentir; l'infortune le met aux prises avec ceux-là même dont il a méconnu le caractère et insulté l'indépendance. Plus d'une fois il dut se repentir de ses impatiences italiennes et du dévouement mal éclairé de quelques-uns de ses serviteurs; il allait avoir à traiter avec M. de Metternich, qu'il avait accusé d'être l'agent salarié de l'Angleterre; avec M. d'Anstett, qu'il appelait le nommé d'Anstett; avec Pozzo di Borgo, qu'il avait flétri et proscrit; avec M. de Stadion, l'agitateur, le factieux, comme il le nommait. Tous ces hommes apparaîtraient dans les congrès et c'était là une difficulté de plus pour sa situation militaire et politique.

CHAPITRE V.

LES ARMÉES ALLIÉES. -PROPOSITION DE FRANCFORT.

Les souverains après Leipzig. — Entrevues et conférences.- Traité pour la division des pays conquis. Idée autrichienne. Les limites du Rhin. - Opinion de la Prusse et de l'Allemagne sur l'Alsace et la Lorraine.-L'Angleterre.- La Russie. - Résumé des conférences. - Envoi du général Pozzo di Borgo en Angleterre. Ouverture du parlement. Préparatifs du voyage de lord Castlereagh sur le Chute du royaume de Westphalie. la Hollande, de l'Illyrie. ProM. de Metternich à Francfort.

continent. Délivrance de l'Allemagne.

Insurrection des villes hanséatiques et de positions à Murat. Situation d'Eugène. Conférences avec M. de Saint-Aignan.

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- Négo

Bases d'une proposition. - Dépêches de M. de Saint-Aignan. - Réponses de M. Maret. - Impatience des alliés. ciations avec la Suisse et le Danemarck.

Novembre et décembre 1813.

La victoire des Nations aux plaines de Leipzig, lugubres funérailles pour la France, suscita de vifs transports au milieu des armées alliées; tous ces peuples groupés sous un commun étendard triomphaient pour la patrie; les rois et les princes voyaient s'accroître subitement leur influence; la Russie sortait de la lutte comme un colosse de dix coudées. L'Angleterre arrivait à la vaste idée de Pitt, le soulèvement universel contre la révolution française et la dictature de Napoléon ; l'Autriche pouvait reprendre ses possessions domaniales en Allemagne, en Italie, et ajouter de grandes terres à sa monarchie; la Prusse allait réparer ses malheurs de dix ans et devenir enfin une puissance du premier ordre; il n'était pas même jusqu'à Bernadotte qui ne donnât à la Suède comme larges indemnités pour la Finlande perdue: la Norwége, la Guadeloupe et les colonies restituées. On ne peut dire les témoignages mutuels de joie que se prodiguèrent les souverains sur la belle place de Leipzig, lorsque le lendemain de la

bataille ils passèrent la revue de leurs troupes; tous s'embrassaient avec effusion; leurs pensées semblaient devenir communes; Alexandre et Frédéric de Prusse ne formaient plus qu'une seule personne. Bernadotte fut accueilli avec un empressement marqué; il eut tous les honneurs des rois ; il avait rendu de grands services à la bataille des Nations, et dans les banquets publics il fut placé au même rang que les monarques. Tout fut commun dans les armées, les diplomates se pressèrent la main; l'Angleterre était là représentée par les lords Cathcart et Aberdeen, sir Charles Stewart et Robert Wilson; la Russie par les comtes de Nesselrode, de Rasumowsky, d'Anstett et le général Pozzo di Borgo; l'Autriche par les comtes de Metternich et de Stadion; la Prusse par les barons de Hardenberg et de Humboldt; on ne pouvait trouver une réunion plus éclatante de capacités.

Les conquêtes étaient si vastes, si rapides, qu'il fallut immédiatement établir une commission de gouvernement pour administrer les terres conquises; on conserva l'esprit de la ligue commune et de l'alliance; le choix des commissaires fut tout patriote, sorte de réunion allemande prise au sein des sociétés secrètes pour la gestion des États conquis auxquels une souveraineté n'avait pas encore été assignée, tels que la Saxe, la Westphalie, le Hanovre, les villes hanséatiques. Une détermination de ce conseil souverain de l'Allemagne plaça le roi de Saxe parmi les princes vaincus et dépouillés, quoique

1 Aussi Bonaparte ne se tient plus de colère; il lance mille injures à la face de Bernadotte. Il fait écrire au Moniteur:

Le prince de Suède a depuis quelque temps publié des proclamations qu'on peut à la lettre appeler des pamphlets. Il est inconcevable que ce prince oublie le rang auquel il a été élevé, au point de signer des proclamations sorties du cerveau d'un Kotzebue, d'un Schlegel, d'un Stein, d'un Goldsmith. On se demande avec étonnement: N'est-il pas ce prince de Ponte-Corvo, que le gouvernement français avait désigné pour en faire un maréchal et qu'il a depuis comblé de faveurs et de présents; n'est-il pas le même maréchal qui, à Hambourg, en Hanovre, à Elbing, imposa de fortes contributions pour remplir ses coffres particuliers ? N'est-il pas ce Bernadotte, ce violent jacobin, qui, pendant son ambassade à Vienne, déploya le drapeau tricolore, ce qui occasionna son expulsion de cette capitale? N'est-il pas ce Bernadotte dont la France méprise les principes, et qui ne doit qu'à l'indulgence et à la protection de l'empereur Napoléon de ne pas ramper aujourd'hui dans la poussière? Oui, c'est le même homme, lui qui doit son élévation au trône de Suède à l'admiration que les succès et le pouvoir de la France avaient excitée en Suède, et qui ne se serait jamais assis sur ce trône sans la protection et le consentement de la France. Nous sommes choqués de voir l'ingratitude, la dégradation et le mépris pour tout ce qui est honnête, portés à cet excès. »

le plus vieux roi de la race germanique; il fut provisoirement privé de ses Etats parce qu'il ne s'était pas joint à la coalition; félon et traître, il avait suivi les ennemis de la patrie, et Napoléon leur chef; il fallait un exemple, et le patriote Stein, agissant au nom de la Prusse, mit le séquestre sur ses États. Frédéric-Auguste dut, en attendant, résider à Berlin; la Prusse était aise de s'arrondir par le démembrement de la Saxe qui lui donnerait de belles provinces ; l'administration du pays conquis fut entièrement allemande, sans aucun caractère étranger.

Au point où les choses étaient arrivées, toutes les questions changeaient de nature. Depuis huit mois la campagne avait pris trois caractères différents; dans la première période jusqu'au Niémen elle était restée purement moscovite; à la Vistule elle devint polonaise, à l'Oder, germanique; cette trilogie complétement achevée, il fallait maintenant commencer sur le Rhin une campagne française. Après la bataille des nations on pouvait considérer le territoire allemand comme parfaitement délivré; les Français, par une retraite rapide, s'étaient réfugiés derrière le Rhin; on paraîtrait sur les rives du grand fleuve à la fin d'octobre; nul obstacle ne pouvait plus s'y opposer, les chevaux de Mecklembourg et de l'Ukraine se mireraient également aux eaux du Rhin. Mais arrivés à ces limites, les opinions des coalisés devaient se diviser et perdre quelques-uns de leurs points de rapprochement et d'unanimité. Dans cette grande lutte contre la France, tous n'avaient plus les mêmes intérêts; plusieurs idées allaient se heurter sur lesquelles nécessairement chacun des coalisés devait faire des sacrifices. Sur le Rhin l'Autriche était complétement désintéressée; pour elle la question était plutôt italienne que française, elle n'avait rien à demander à la France; qu'on lui fit une large part en Lombardie, un beau lot de fiefs dans la Toscane et dans la Méditerranée, de bons ports sur l'Adriatique, Venise et Trieste; elle n'exigeait rien de plus, rien de moins. D'ailleurs l'esprit modéré et plein de convenance de M. de Metternich tenait compte de l'alliance de famille, à ce moment il n'avait et ne pouvait avoir aucun dessein de renverser Napoléon; les intérêts de la monarchie passaient avant ses injures personnelles. La France dans les limites du Rhin lui paraissait un poids nécessaire dans l'équilibre européen.

M. de Metternich n'avait voulu prendre aucun engagement avec Moreau.

L'idée russe admettait également les limites du Rhin; on pouvait dire même que des engagements à ce sujet avaient été pris à l'entrevue d'Abo avec Bernadotte et dans les lettres écrites par le czar au général Moreau. Mais, à l'opposé de l'Autriche, le cabinet russe n'avait aucune propension pour maintenir la dynastie de Bonaparte; un esprit de vengeance était au cœur des Russes, ils marchaient contre l'homme qui avait brûlé Moscou la sainte, et dévasté leur territoire. Alexandre eût donc préféré au gouvernement de Napoléon la substitution de toute autre forme qui aurait plus parfaitement répondu à ses engagements envers Moreau et Bernadotte. Pour cela il serait entré volontiers en campagne au delà du Rhin, et le cri de ralliement de ses armées, les hourras : Paris! Paris! ne lui laissait pas la liberté de faire autrement; il ne pouvait plus retenir la jeune génération d'officiers qui voulaient voir ce Paris merveilleux dont on entretenait leur enfance!

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L'opinion de la Prusse était bien plus avancée : son cabinet était tout entier sous les influences de l'esprit patriote et des sociétés secrètes. Or l'idée allemande devenait très-impitoyable, très-exigeante à l'égard de la France. Il était passé dans ces têtes de jeunes édudiants enthousiastes que tout ce qui parlait la langue du pays, comme l'avait dit Arndt, tout ce qui redisait les beaux sons de l'idiome germanique devait tôt ou tard se réunir à la mère commune ; d'où ils concluaient que l'Alsace et la Lorraine devaient revenir à leur antique nationalité et faire partie de ce mystérieux tout allemand, sainte et belle patrie; c'étaient deux fleurons ôtés de la couronne mystique, deux pierres précieuses qu'il fallait rattacher au diadème : « Germania! Germania! tout ce qui est à toi doit te revenir; le temps secoue le vieux chêne, mais ses feuilles reverdissent! » Et c'est à l'aide de ce symbole que la Prusse espérait les provinces rhénanes : « Le Rhin, ce fleuve majestueux, disaient les patriotes, était tout allemand; de sa source à l'extrémité on ne parlait qu'une même langue; sa crinière humide ne devait arroser que les terres germaniques, car ses blonds enfants venaient d'une même origine; les vieux châteaux sur les montagnes étaient des souvenirs nationaux qu'il ne fallait pas laisser à l'étranger, les vins du Rhin devaient s'engloutir aux tonnes de Heidelberg. Les Allemands devaient passer sur la rive gauche pour achever les con

1

Depuis Lutzen, ce hourra de Paris! se faisait entendre dans les rangs des alliés.

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