Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

pereur doit faire donner sa réserve; il la tient pour les instants décisifs; il a sous la main seize bataillons de la jeune garde, troupes frafches et solides; il les forme en ligne et les appuie par six bataillons de la vieille garde; une batterie de huit pièces doit prendre le village de Kaya en écharpe ; ces masses d'infanterie se meuvent, se groupent par grandes colonnes et marchent au pas de charge sur le village. entouré de feu et de fumée. Napoléon s'est placé au milieu de la batterie, pour en suivre tous les mouvements; les alliés la couvrent de mitraille, qu'importe? Les canonniers de la garde font un feu formidable et écrasent les batteries russes et prussiennes, Mortier s'élance à la tête de la jeune garde, c'est sa glorieuse famille; un boulet tue son cheval; il tombe et roule dans la poussière épaisse ; Dumoustier le remplace, il tombe à son tour; tous deux, dégagés de leurs chevaux, se relèvent l'épée à la main, et c'est à pied, à la tête des colonnes, qu'ils engagent une nouvelle lutte; Kaya est repris, les aigles brillent sur les maisons en ruine au milieu de l'incendie, l'ennemi fuit encore, la bataille est gagnée !

Mais quelle bataille! Voyez ce champ de Lutzen, ce village incendié: il est tout couvert de cadavres, d'armes, de chevaux; une belle génération est là brisée sous la faux de la mort; le nombre des officiers tués au champ d'honneur est effrayant ; c'est qu'il a fallu payer d'exemple, le jour est venu de vaincre ou de mourir ; on a dû enseigner aux jeunes conscrits comment on tombait pour la France. A Lutzen, il fallait voir ces nobles jeunes hommes marcher au feu avec l'intrépidité de soldats aguerris, ils couraient plutôt qu'ils n'avançaient; ils n'avaient pas la solidité passive de la vieille infanterie, ce caractère grave et solennel qui fait recevoir la mort de face, sans sourciller; mais l'ardeur impétueuse de braves jeunes gens qui veulent honorer leurs aigles et grandir leur renommée. Le champ de bataille était couvert de débris; on perdit plus de 15,000 hommes frappés par la mitraille; le spectacle fut affreux, et quel résultat avait-on obtenu? A vrai dire, Lutzen ne fut qu'une surprise sanglante et fortement repoussée; Napoléon voulut en relever l'importance aux yeux de son armée pour grandir son moral; il parla donc à ses jeunes conscrits: « Il était content d'eux ! dans cette nouvelle bataille ils avaient ajouté un grand éclat à leurs aigles; il plaçait (et cela était, hélas! bien exagéré), il plaçait la bataille de Lutzen au-dessus d'Austerlitz, d'Iéna et de Friedland » dans cette solennelle proclamation, l'empereur disser

tant sur la politique, déclamait contre les mauvais sujets allemands qui prêchaient l'anarchie et la sédition. C'était ici une phrase contre les patriotes et les sociétés secrètes 1.

Le jour même, ordre fut donné de marcher sur Dresde; Leipzig était déjà au pouvoir des Français par suite de la bataille; on voulait profiter de l'élan moral que le succès de Lutzen avait donné à l'armée pour raffermir l'alliance de la confédération du Rhin et la foi de ses drapeaux ; il fallait la déterminer à rester sous nos aigles. Le succès de Lutzen semblait surtout décisif, car il nous donnait momentanément la Saxe; quand l'Allemagne nous échappait, quelle œuvre immense que de retenir les Saxons! On marche droit sur Dresde en même temps que les alliés opèrent leur retraite; ils n'ont pas laissé de prisonniers; et comment l'empereur aurait-il pu les suivre? il n'avait pas de cavalerie. Ramenés sur l'Elbe, les alliés manoeuvrent dans la direction de Dresde, où se trouvent le czar Alexandre et le roi de Prusse; le vaste et beau pont de Dresde est encombré déjà de leurs troupes, lorsque le 8 mai, six jours après la bataille de Lutzen, les

[blocks in formation]

« Soldats! je suis content de vous. Vous avez rempli mon attente. Votre bonne volonté et votre valeur ont suppléé à tout. Le mémorable jour du 2 mai, vous avez battu et mis en déroute l'armée russe et prussienne, commandée par Alexandre et le roi de Prusse. Vous avez ajouté un nouvel éclat à la gloire de mes aigles. Vous avez montré de quoi le sang français est capable. La bataille de Lutzen sera mise au-dessus de celles d'Austerlitz, d'Iéna, de Friedland et de la Moskowa. Dans la dernière campagne l'ennemi n'a trouvé de refuge contre nos armes qu'en suivant les usages féroces de ses barbares ancêtres. Des armées de Tartares ont détruit ses campagnes, ses cités, la sainte Moscou elle-même. Elles sont arrivées dans nos régions, précédées de tous les mauvais sujets et déserteurs de l'Allemagne, de la France et de l'Italie, pour prêcher la révolte, l'anarchie, la guerre civile et l'assassinat. Ils sont devenus les apôtres de tous les crimes. Ils voulaient allumer un incendie général entre la Vistule et le Rhin, afin, selon l'usage des gouvernements despotiques, de mettre des déserts entre nous et eux. Les insensés! ils connaissaient bien peu l'attachement des Allemands pour leurs souverains, leur sagesse, leur caractère réfléchi, et leur bon sens. Ils connaissaient bien peu la puissance et la bravoure des Français.

» Dans une seule bataille, vous avez déconcerté tous ces complots parricides. Nous chasserons ces Tartares dans leurs affreuses régions, qu'ils n'auraient jamais dù quitter : qu'ils restent dans leurs climats glacés, le séjour de l'esclavage, de la barbarie et de la corruption, où l'homme est dégradé au rang de la brute. Soldats, vous avez bien mérité de l'Europe civilisée; l'Italie, la France, l'Allemagne vous rendent grâces.

> De notre camp impérial à Lutzen, le 3 mai 1813.

» NAPOLÉON.

baïonnettes resplendissantes des divisions de la grande armée se montrent sur les verts coteaux qui dominent les clochers et les monuments publics de Dresde; et ce fut là que l'empereur put contempler une fois encore ce beau parc de Marcollini, l'objet de ses prédilections. Les magistrats viennent au-devant de lui; Napoléon leur parle avec une grande sévérité; Dresde avait reçu avec enthousiasme Alexandre et Frédéric-Guillaume, de jeunes filles avaient semé des fleurs sous leurs pas'; des bals ornés de guirlandes cueillies au bord de l'Elbe avaient signalé la joie de la délivrance de la Saxe; l'empereur ne peut expliquer ces égarements; «< il pardonne aux habitants de Dresde à cause de leur Souverain vénérable; » il leur parle avec une colère si grande que les magistrats en frissonnent. On voit qu'il veut faire impression 2.

Tandis que les Français s'établissent sur la rive gauche de l'Elbe dans les faubourgs de Wilsdruff et Frederichstadt, naguère si brillants, le corps russe de Miloradowitch avait pris position sur la rive droite de la ville, dans le beau quartier de Neustadt, de la porte Noire à la porte Blanche; les maisons sont crénelées, l'artillerie se déploie en grandes batteries; Miloradowitch développe un feu meur

« A l'entrée des souverains alliés à Dresde, les spectateurs se pressaient en foule sur la grande route de Bautzen. A la porte de la ville, on avait érigé deux colonnes unies par des festons de fleurs. Des demoiselles, vêtues de blanc, portant des corbeilles de fleurs, formaient une double haie, et après que deux d'entre elles eurent présenté des vers aux monarques, toutes répandirent des fleurs sur leur passage. »> (Récit d'un témoin oculaire.)

Voici ce que Napoléon dit à la députation de Dresde:

« Vous mériteriez que je vous traitasse en pays conquis. Je sais tout ce que vous avez fait pendant que les alliés occupaient votre ville : j'ai l'état des volontaires que vous avez habillés, équipés et armés contre moi avec une générosité qui a étonné l'ennemi lui-même. Je sais quelles insultes vous avez prodiguées à la France, et combien d'indignes libelles vous avez à cacher ou à brûler aujourd'hui. Je n'ignore pas à quels transports hostiles vous vous êtes livrés lorsque l'empereur Alexandre et le roi de Prusse sont entrés dans vos murs. Vos maisons nous présentent les débris de vos guirlandes, et nous voyons encore sur le pavé le fumier des fleurs que vos jeunes filles ont semées. Cependant je veux tout pardonner. Bénissez votre roi, car il est votre sauveur. Qu'une députation d'entre vous aille le prier de vous rendre sa présence. Je ne pardonne que pour l'amour de lui. Aussi bien vous êtes déjà assez punis! vous venez d'être administrés par le baron de Stein, au nom de Kutusoff, et vous savez maintenant à quoi vous en tenir sur les beaux sentiments des alliés. Je ne vous demande pour mes troupes que ce que vous avez fait pour les Russes et les Prussiens, je veillerai même à ce que la guerre vous cause moins de maux qu'il sera possible, et je commence par vous donner un gage de ma clémence. C'est le général Durosnel, mon aide de camp, qui sera votre gouverneur. Le roi lui-même le choisirait pour vous! Allez. »

trier, le pont est coupé, une arche s'écroule sous la mine. Alors l'empereur mande auprès de lui le colonel des marins de la garde, il faut passer le fleuve; il se souvient du Danube! Des radeaux sont construits sous le feu le plus meurtrier de l'ennemi; ces vieux loups de mer traversent sur la rive droite aussi fermes que s'ils allaient à la grande rade de Brest ou de Toulon; quatre-vingts pièces de la garde tirent sur Neustadt, la rupture du pont est un obstacle, les voltigeurs jettent des planches, des échelles, courent au pas de charge; le combat est au milieu de Dresde, entre les deux cités que l'Elbe sépare. J'ai parcouru naguère ces rues paisibles, remplies par une riche population, et nulle trace ne reste de ce combat de géants!

Les boulets et les obus voltigent sur le sommet des maisons; au soir, ils ressemblent aux étoiles du ciel; les vitres se brisent aux détonations de cette bruyante artillerie; ce n'est qu'après des efforts inouïs que les Russes évacuent Neustadt et ses maisons crénelées; Dresde est donc au pouvoir de Napoléon. Le voilà dans ce palais Marcollini, qui a vu sa bonne et sa mauvaise fortune! le voilà sur l'Elbe qui formera désormais sa ligne d'opérations; son premier soin est de se mettre en communication avec le roi de Saxe qui a fui sa capitale. Il doute si Frédéric-Auguste persistera dans l'alliance! Il faut qu'il le pressente, qu'il le pénètre; le temps est arrivé où tout doit prendre parti, les événements se pressent avec tant d'activité! Il vient d'envoyer son jeune officier d'ordonnance, M. de Montesquiou, près le roi de Saxe, pour le ramener au palais Marcollini. Le roi accourt avec sa loyauté et sa bonté allemandes ; des explications s'engagent. Napoléon exagère le succès de Lutzen, les renforts qui lui arrivent de tous les côtés, les heureux résultats que peut avoir une campagne. A son tour le roi de Saxe ne dissimule pas l'esprit antifrançais de son armée et de ses peuples : les sociétés secrètes dominent partout, elles entratuent son gouvernement; il n'y a pas moyen de résister, il faut des victoires, et puis encore des victoires à Napoléon; l'esprit allemand n'est plus favorable à la confédération du Rhin. L'empereur le rassure: «Il ramène des triomphes sous ses drapeaux, »> il est fier, il a rétabli la force morale de ses armes, témoin Lutzen. Ces conférences ne se bornent point là, la Saxe pour le moment lui est assurée, et le concours du roi lui semble acquis; il accable le vieux souverain de prévenances; il veut ramener à lui les Allemands, et c'est alors qu'arrive à Dresde le comte de Bubna : que vient-il faire?

quelle est sa mission? Officiellement, il apporte une lettre autographe de l'empereur d'Autriche en réponse à une autre lettre de Napoléon ; en réalité, le comte de Bubna est chargé, par M. de Metternich, de quelques ouvertures pour la paix : « La guerre fatigue les gouvernements et les peuples; l'Autriche s'est expliquée avec tous, elle ne peut rester dans le sens limité de l'alliance de 1812; le théâtre de la guerre se portant sur ses frontières, elle doit prendre un parti; elle a signé une suspension d'armes bien secrète avec les généraux russes; M. de Nesselrode et M. de Lebzeltern ont arrêté une véritable convention militaire qui suspend de plein droit les hostilités; les Autrichiens et les Russes ne s'attaqueront pas 1. » C'est toujours sa médiation que propose le cabinet de Vienne, médiation amicale, qui amènera une trêve, un congrès et la paix; c'est le même langage qu'a tenu le prince de Schwartzenberg, laissé à Paris auprès de M. Maret. M. de Bubna n'est point opposé à l'alliance de la France; mais il pense, comme M. de Metternich, que cela ne peut plus suffire; les positions

Ce document tout à fait secret commence les rapports entre l'Autriche et les alliés.

Note échangée entre M. le comte de Nesselrode et M. le chevalier de Lebzeltern, à Kalisch, le 7 (19) mars 1813, tenant lieu de convention.

« L'armée de S. M. l'empereur de Russie poussera des corps vers les flancs droits et gauche du corps autrichien qui occupe aujourd'hui, sur la rive gauche de la Vistule, la ligne que lui a assignée le dernier armistice.

» Le général russe commandant les corps ci-dessus exprimés dénoncera l'armistice au général commandant autrichien et motivera explicitement cette dénonciation par l'impossibilité dans laquelle se trouvent les alliés de laisser sur leurs flancs et à leur dos un foyer de mouvements et d'insurrections, tel que l'offre l'armée polonaise sous M. le prince Poniatowski.

>> Cette dénonciation aura lieu vers les premiers jours d'avril (N. S.).

Les deux corps russes s'avanceront avec une force sinon majeure, du moins égale à celle du corps autrichien, fort de trente mille hommes.

»M. le lieutenant général baron de Frimont recevra l'ordre de préparer et d'effectuer sa retraite sur la rive droite de la Vistule; il conservera des postes à Cracovie, à Opatowice et Sandomir.

» La retraite à peu près consommée, les généraux autrichien et russe conviendront de nouveau d'une suspension d'armes, sans terme fixe, et à quinze jours de dénonciation, laquelle portera que les Autrichiens conserveront les villes de Cracovie et de Sandomir et le poste d'Opatowice, avec un rayon convenable, comme tête de pont sur la rive gauche du fleuve dans ces trois ponts. La présente transaction restera à jamais secrète entre les deux cours impériales, et ne pourra de part et d'autre être communiquée qu'à S. M. le roi de Prusse uniquement.

» Signé : le comte de NESSELRode.

» Le chevalier de LEBZELTERN. »

« ZurückWeiter »