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M. Zaffoni et moi, lire un merci pour la sympathie que nous avions montrée à son frère durant leur séjour. Tendre et pure Dévouée qui ne soupçonnait pas ce que nous avions fait pour elle. Et j'entends mon compagnon me dire :

"Est-ce que le plaisir de revendiquer une centaine de pages, fussent-elles, ce qu'elles ne sont pas, belles comme du Plutarque ou du Macaulay, valait une tristesse de ces yeux et de ce cœur ?..."

Et lui-même, le Sage indulgent dont l'aménité fine cachait une si virile constance, je le revois accompagnant, ce même jour, au crépuscule, l'enterrement du docteur Andonis dont il m'avait annoncé la mort. Il m'avait dit: "Mettez-vous à la fenêtre de la librairie pour voir passer le cortège. Nos cérémonies funèbres sont curieuses..." et j'étais en effet à cette fenêtre, tandis que le convoi défilait sur l'Esplanade. Une pâleur flottait dans le ciel qui décolorait la mer, les montagnes, les arbres et la pierre de Malte, l'ancien palais des Lords HautsCommissaires sur la façade duquel se voit la galère de Corcyre. Les chants des officiants étaient beaux et tristes. Les étoffes des robes de ces prêtres d'un vieux bleu, d'un rose fleur de pêcher, d'un orange fané, d'un rouge éteint, participaient à cette décoloration du soir où les flammes des cierges brùlaient toutes minces, plus éclairées qu'éclairantes. Le mort était dans son cercueil, porté sur les épaules de ses parents, paré de fleurs et la face découverte, une face jaune et livide de momie promise à la terre. Les enterrements à cette heure tardive me serrent toujours le cœur, comme une plus rapide entrée dans la Grande Nuit. Mais cette mélancolie se transforma soudain en admiration, à voir M. Zaffoni dans la foule, qui marchait au premier rang, la tête nue. L'auguste sérénité du vieillard, si près lui-même d'être conduit, parmi le même appareil, au même funèbre asile, s'expliqua pour moi tout entière. Il avait depuis des années, toujours agi comme je venais de le voir agir, quelques heures auparavant, en homme qui a pitié des autres hommes. Il faut croire que l'influence de paix émanée de cette calme figure est encore bien puissante sur mon âme : car j'oublie, devant cette image, d'en vouloir au misérable plagiaire, sur qui la vie n'a pas vengé le généreux plagić. L'épisode du chèque est oublié, les deux articles sur le Parle

ment Ionien réunis en une brochure ont eu beaucoup de succès et j'ai lu dans un journal, ce matin même, que l'on parlait pour le prochain cabinet d'une combinaison Malglaive! Pour me consoler je pense à la soeur que j'ai eu le courage de ne plus revoir, pour être plus sûr que je ne contribuerais pas à la détromper, et je me redis les deux vers si beaux, du poète d'Antigone justement, que mon hôte de Corfou aimait à citer: "Ces choses sont dures, Procné, je l'avoue, et pourtant il faut, - que les décrets des Dieux, nous mortels, nous les supportions paisiblement..."

PAUL BOURGET.

IPHIGENIE.

(FRAGMENTS INÉDITS.)

Premier chaur de l'acte II.

HEUREUX celui qui, retenu
Dans la pudeur et la mesure,
En aimant n'a jamais connu
Qu'un bonheur qui paisible dure.
Eros, au visage charmant,

De son arc deux traits jumeaux tire :
Le premier blesse doucement,
L'autre cause un affreux délire.
Si l'archer cruel t'obéit

Comme enfant soumis à sa mère,
Veuille détourner de mon lit,
O Cypris, cette flèche amère !
De l'opprobre garde mon cœur,
Et qu'un beau renom je mérite,
Que je connaisse ta douceur,
Mais non ta fureur, Aphrodite !

O Paris aux cheveux d'or,
Ah! que n'es-tu pas encor
Bouvier de génisses blanches!

Près des sources, sous les branches,

Que n'es-tu pas occupé

Du matin au soir à faire
Résonner comme naguère
Un roseau par toi coupé !

Mais le destin qui nous mène
A voulu que cette Hélène,
Dans tes yeux prenant l'amour
Sut t'en frapper à son tour,
Et c'est votre perfidie,
O Paris, qui de furie
Tous les esprits a troublés,
Elle qui contre Pergame
Arme du fer, de la flamme,
Tous les rois grecs assemblés.

Second chœur de l'acte II.

Près du Simoïs aux rapides
Tourbillons argentés,

Couverts de leurs armes splendides,
Sur leurs vaisseaux montés,
Ils viendront, ces rois que renomme
Tout le peuple argien,

Héros qui mêlent un sang d'homme
Au sang olympien.

Et vaine sera la vaillance

Du magnanime Hector, Et d'Enée à la forte lance, Et des fils d'Anténor.

Tel un fauve de grande taille

Dans un troupeau de bœufs,

Tel s'élance dans la bataille
L'Eacide fougueux ;
Ajax à la vaste poitrine

Excelle à bien lancer

Une vibrante javeline;

On verra que Teucer,

Avec son arc que nul n'évite,

Peut braver la hauteur

Des tours où, quand Phébus l'agite,

Cassandre en sa fureur

Arrache sa tunique blanche

Et s'épuise à crier,

Portant dans ses cheveux la branche
Du frémissant laurier.

Bientôt la noble reine,
De Pergame souveraine,
Et ses filles et ses brus,
Verront leurs malheurs accrus.
Aussi soudain que la foudre
Abat un orme noueux,
La flamme grecque va dissoudre
Les murs bâtis par les dieux.
Vierges, épouses, de cendre
Ayant leurs cheveux souillés,
Feront retentir le Scamandre
De leurs cris multipliés,
Et captives, bétail que traine
Son maître par le licou,
Elles maudiront Hélène,

Fille du cygne au long cou.

Fardeau des chars guerriers, dispensateur d'audace,
Arès d'airain armé,

Qui te plais au combat, qui roules dans l'espace
Sur un cercle enflammé,

Qui suspends un beau glaive au bout d'un bras robuste,
Homicide, sauveur,

Qui pèses aux mortels d'une balance juste

Et l'affront et l'honneur ;

Fort par ta lance, Arès toujours inexorable
A la rébellion,

Fais que j'évite, ô roi, le destin misérable
Des femmes d'Ilion!

Ah! laisse, laisse-moi vieillir dans ma patrie,
Libre parmi les miens,

Allié des mortels, qui répands sur leur vie

Et les maux et les biens!

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