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moment où la guerre entre la Porte et la République cessait d'être douteuse.

Le pacha de Syrie, Djezzar, venait de faire occuper, par l'avant-garde de son armée, le fort d'ElArish, situé sur les frontières de l'Égypte. Bonaparte, peu accoutumé au rôle de la défensive, se détermine lui-même à attaquer son ennemi dans ses propres États, et l'expédition de Syrie est résolue. Après deux jours d'une marche pénible, il arrive devant le fort d'El-Arish, fait canonner une des tour S du château, ouvre la brèche, et force la garnison à capituler. Une partie des barbares qui la composent se range sous nos drapeaux; l'armée continue sa route au milieu des privations de toute espèce, et vient camper à Gaza, après une marche de soixante lieues. Trois jours de repos lui suffisent pour oublier ses souffrances; elle se dirige ensuite sur Jaffa que défend une forte garnison, et que protégent de hautes murailles flanquées de tours. Au bout de quelques jours, la place est investie, la tranchée ouverte, et la ville enlevée d'assaut.

bien

De funestes conséquences nous firent payer cher la victoire, qui avait été suivie des plus cruelles représailles de la mort des Français massacrés au commencement de l'action. Des symptômes de peste se manifestèrent; une maladie contagieuse atteignit les Français, et les jeta dans le découragement. Bonaparte fit établir un hôpital, et ne craignit pas d'y aller visiter les malades: il parcourut toutes les salles, accompagné des généraux et du médecin en

chef de l'armée, donna des consolations à ses infortunés compagnons, et toucha même leurs plaies, en leur disant : « Vous voyez bien que cela n'est rien. >> Au sortir de l'hôpital, on lui reprocha son imprudence. «J'ai fait mon devoir,» répondit-il froidement (1).

La constance de Bonaparte a rassuré l'armée ébranlée par une espèce d'effroi que peu d'hommes sont capables de surmonter; elle vole avec plus d'ardeur que jamais au combat et à la gloire. Kaiffa, Saffet, Nazareth, si célèbre par la naissance du Christ, Sour, bâtie sur les ruines de Tyr, Loubi, Seid-Jarra, et la prodigieuse bataille du Mont-Thabor, attestent l'héroïsme de nos soldats, et immortalisent Junot, Murat, Kléber et Bonaparte. Nous étions devant Saint-Jean-d'Acre, et nous n'avions. pu prendre cette place malgré des efforts inouïs ; Sydney-Smith nous avait enlevé notre artillerie de siége; la place était d'ailleurs défendue par un habile artilleur français, le colonel Phelipeaux, émigré, ancien condisciple de Bonaparte à l'école militaire de Paris, et par Djezzar, le plus courageux et le plus féroce des hommes. Mais au retour des troupes qui avaient été vaincre, ou plutôt détruire, par des prodiges presque fabuleux, une armée de Syriens qui marchaient au secours de Saint-Jean

(1) Cette action sublime a enfanté un tableau digne d'elle la Peste de Jaffa, par M. Gros, élève de David.

d'Acre, une nouvelle artillerie de siége était arrivée, et, nos attaques ayant redoublé de vigueur, la ville, quoique sans cesse ravitaillée par la flotte anglaise, paraissait devoir céder; déjà l'étendard républicain flottait sur les remparts, mais de nouveaux secours et de nouveaux efforts dus à l'intrépide et infatigable Sydney-Smith, avaient augmenté les difficultés de l'entreprise d'un autre côté, nous faisions des pertes. considérables; les nouvelles de l'Égypte n'étaient pas rassurantes, les côtes étaient menacées; la Basse Égypte s'insurgeait; une armée turque se rassemblait à Rhodes; il fallut lever le siége, et reprendre la route du Caire. La retraite eut lieu dans un ordre étonnant, malgré de grandes souffrances dans le désert et la continuation des ravages de la peste de Jaffa. Nous avions échoué devant SaintJean-d'Acre; toutefois les plus brillans lauriers pouvaient couvrir notre unique revers; Bonaparte, qui connaissait la nécessité de tromper les Égyptiens sur ce revers, entoura son retour de tous les signes de la victoire, et fit illusion à un peuple dont le soulèvement pouvait être si redoutable: il sentit profondément que la résistance de Saint-Jean-d'Acre, semblable dans ses effets au désastre d'Aboukir, venait de nous fermer une seconde fois le chemin de l'Orient, et d'arrêter l'essor d'une fortune qui n'aurait point eu d'égale; il a dit lui-même : « Si j'eusse » pris Saint-Jean-d'Acre, j'opérais une révolution » dans l'Orient. Les plus petites circonstances con>> duisent les plus grands événemens ; j'aurais atteint

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Constantinople et les Indes; j'eusse changé la » face du monde. »

De retour au Caire, Bonaparte apprend qu'une flotte de cent voiles turques est devant Aboukir,' et menace Alexandrie: avec elle communiquait une armée de 20,000 hommes, sous les ordres du pacha de Romélie, Seidman-Mustapha. Bonaparte se porte au-devant de cette armée, l'attaque, et en peu d'heures la détruit entièrement. Dix mille hommes se jettent dans la mer, le reste est tué ou pris, et le trophée d'Aboukir venge la flotte française, mais ne répare pas une si grande perte.

Ayant détruit les armées ennemies, et délivré l'Égypte de leur présence, ne pouvant plus poursuivre les grands desseins attachés à l'entreprise, sans des secours que la métropole était hors d'état de donner, et instruit de l'état de la France où la guerre et les revers avaient remplacé la paix et la gloire, Bonaparte, rappelé d'ailleurs par le Directoire en péril, résolut alors de quitter l'armée d'Orient dont il laissa le commandement à Kléber. Il fit voile pour la France sur une floutille composée de quatre bâtimens; il ramenait avec lui les généraux Berthier, Lannes, Murat, Andréossi, Marmont, Lavalette, son aide-de-camp, les savans Monge, Berthollet, Denon, Parceval-Grandmaison, et deux cent cinquante guides sous les ordres du général Bessières. Parti d'Alexandrie le 22 juillet, sa flottille mouilla dans la rade de Fréjus, le 7 octobre, un an quatre mois et vingt jours après en être

sorti à la tête de l'armée expéditionnaire. Son retour fut un triomphe : pendant sa marche jusqu'à Paris où il entra le 16 octobre, il fut accueilli par une affluence considérable de citoyens des villes et des campagnes, qui voulaient voir le héros d'Italie, le vainqueur de l'Orient, et mettaient toute leur confiance en lui.

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