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De notre camp impérial de Mojaïsk, le 10 septembre 1812.

Aux évêques de France.

Monsieur l'évêque de... ., le passage du Niemen, de la Dwina, du Borysthène, les combats de Mohilow, de la Drissa, de Polotsk, de Smolensk, enfin, la bataille de la Moskwa, sont autant de motifs pour adresser des actions de grâces au Dieu des armées. Notre intention est donc qu'à la réception de la présente, vous vous concertiez avec qui de droit. Réunissez mon peuple dans les églises pour chanter des prières, conformément à l'usage et aux règles de l'église en pareille circonstance. Cette lettre n'étant à autre fin, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde. NAPOLÉON.

Moscou, 16 septembre 1812.

Dix-neuvième bulletin de la grande armée.

Depuis la bataille de la Moskwa, l'armée française a poursuivi l'ennemi sur les trois routes de Mojaïsk, de Svenigorod et de Kalouga sur Moscou.

Le roi de Naples était, le 9, à Koubiuskoë; le vice-roi à Rouza; le prince Poniatowski à Femiskoë. Le quartier-général est parti de Mojaïsk le 12, et a été porté à Peselina ; le 13, il était au château de Berwska; le 14, à midi, nous sommes entrés à Moscou. L'ennemi avait élevé sur la montagne des Moineaux, à deux werstes de la ville, des redoutes qu'il a abandonnées.

La ville de Moscou est aussi grande que Paris; c'est une ville extrêmement riche, remplie des palais de tous les principaux de l'empire. Le gouverneur russe, Rostopchin, a voulu ruiner cette belle ville, lorsqu'il a vu que l'armée russe l'abandonnait. Il a armé trois mille malfaiteurs qu'il a fait sortir

des cachots; il a appelé également six mille satellites et leur a fait distribuer des armes de l'arsenal.

Notre avant-garde, arrivée au milieu de la ville, fut accueillie par une fusillade partie du Kremlin. Le roi de Naples fit mettre en batterie quelques pièces de canon, dissipa cette canaille, et s'empara du Kremlin. Nous avons trouvé à l'arsenal soixante mille fusils neufs et cent vingt pièces de canon sur leurs affûts. La plus complète anarchie régnait dans la ville; des forcenés ivres couraient dans les quartiers, et mettaient le feu partout. Le gouverneur Rostopchin avait fait enlever tous les marchands et négocians, par le moyen desquels on aurait pu rétablir l'ordre. Plus de quatre cents Français et Allemands avaient été arrêtés par ses ordres; enfin, il avait eu la précaution de faire enlever les pompiers avec les pompes aussi l'anarchie la plus complète a désolé cette grande et belle ville, et les flammes la consument. Nous y avions. trouvé des ressources considérables de toute espèce.

L'empereur est logé au Kremlin, qui est au centre de la ville, comme une espèce de citadelle entourée de hautes murailles. Trente mille blessés ou malades russes sont dans les hôpitaux, abandonnés, sans secours et sans nourriture.

Les Russes avouent avoir perdu cinquante mille hommes à la bataille de la Moskwa. Le prince Bagration est blessé à mort. On a fait le relevé des généraux russes blessés ou tués à la bataille: il se monte de quarante-cinq à cinquante.

Moscou, le 17 septembre 1812.

Vingtième bulletin de la grande armée.

On a chanté des Te Deum en Russie pour le combat de Polotsk; on en a chanté pour les combats de Riga, pour le combat d'Ostrowno, pour celui de Smolensk ; partout, selon les relations des Russes, ils étaient vainqueurs, et l'on avait

repoussé les Français loin du champ de bataille; c'est donc au bruit des Te Deum russes que l'armée est arrivée à Moscou. On s'y croyait vainqueur, du moins la populace; car les gens instruits savaient ce qui se passait.

Moscou est l'entrepôt de l'Asie et de l'Europe; ses magasins étaient immenses; toutes les maisons étaient approvisionnées de tout pour huit mois. Ce n'était que de la veille et du jour même de notre entrée, que le danger avait été bien connu. On a trouvé dans la maison de ce misérable Rostopchin, des papiers et une lettre à demi-écrite ; il s'est sauvé sans l'achever.

Moscou, une des plus belles et des plus riches villes du monde, n'existe plus. Dans la journée du 14, le feu a été mis par les Russes à la bourse, au bazar et a l'hôpital. Le 16, un vent violent s'est élevé ; trois à quatre cents brigands ont mis le feu dans la ville en cinq cents endroits à la fois, par l'ordre du gouverneur Rostopchin. Les cinq sixièmes des maisons sont en bois : le feu a pris avec une prodigieuse rapidité; c'était un océan de flammes. Des églises, il y en avait seize cents; des palais, plus de mille; d'immenses magasins: presque tout a été consumé. On a préservé le Kremlin.

Cette perte est incalculable pour la Russie, pour son commerce, pour sa noblesse qui y avait tout laissé. Ce n'est pas l'évaluer trop haut que de la porter à plusieurs milliards.

On a arrêté et fusillé une centaine de ces chauffeurs; tous out déclaré qu'ils avaient agi par les ordres du gouverneur Rostopchin, et du directeur de la police.

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Trente mille blessés et malades russes ont été brûlés. Les plus riches maisons de commerce de la Russie se trouvent ruinées la secousse doit être considérable; les effets d'habillement', magasins et fournitures de l'armée russe ont été brûlés; elle y a tout perdu. On n'avait rien voulu évacuer, parce qu'on a toujours voulu penser qu'il était impossible

d'arriver à Moscou, et qu'on a voulu tromper le peuple. Lorsqu'on a tout vu dans la main des Français, on a conçu l'horrible projet de brûler cette première capitale, cette ville sainte, centre de l'empire, et l'on a réduit deux cent mille bons habitans à la mendicité. C'est le crime de Rostopchin, exécuté par des scélérats délivrés des prisons.

Les ressources que l'armée trouvait, sont par-là fort diminuées ; cependant l'on a ramassé, et l'on ramasse beaucoup de choses. Toutes les caves sont à l'abri du feu, et les habitans, dans les vignt-quatre dernières heures, avaient enfoui beaucoup d'objets. On a lutte contre le feu; mais le gouverneur avait eu l'affreuse précaution d'emmener ou de faire briser toutes les pompes.

L'armée se remet de ses fatigues; elle a en abondance du pain, des pommes de terre, des choux, des légumes, des viandes, des salaisons, du vin, de l'eau-de-vie, du sucre, du café, enfin des provisions de toute espèce.

L'avant-garde est à vingt werstes sur la route de Kasan, par laquelle se retire l'ennemi. Une autre avant-garde française est sur la route de Saint-Pétersbourg où l'ennemi n'a personne.

La température est encore celle de l'automne: le soldat a trouvé et trouve beaucoup de pelisses et des fourrures pour l'hiver. Moscou en est le magasin.

Moscou, 20 septembre 1812.

Vingt-unième bulletin de la grande armée.

Trois cents chauffeurs ont été arrêtés et fusillés. Ils étaient armés d'une fusée de six pouces, contenue entre deux morceaux de bois; ils avaient aussi des artifices qu'ils jetaient sur les toits. Ce misérable Rostopchin avait fait confectionner ces artifices en faisant croire aux habitans qu'il voulait faire

un ballon qu'il lancerait, plein de matières incendiaires sur l'armée française. I réunissait, sous ce prétexte, les artifices et autres objets nécessaires à l'exécution de son projet.

Dans la journée du 19 et dans celle du 20, les incendies. ont cessé. Les trois quarts de la ville sont brûlés, entre autres le beau palais de Catherine, meublé à neuf. Il reste au plus le quart des maisons.

Pendant que Rostopchin enlevait les pompes de la ville, il laissait soixante mille fusils, cent cinquante pièces de canon, plus de cent mille boulets et bombes, quinze cent mille cartouches, quatre cent milliers de poudre, quatre cent milliers de salpêtre et de soufre. Ce n'est que le 19 qu'on a découvert les quatre cent milliers de salpêtre et de soufre dans un bel établissement situé à une demi-lieue de la ville; cela est important. Nous voilà approvisionnés pour deux campagnes.

On trouve tous les jours des caves pleines de vin et d'eaude-vie.

Les manufactures commençaient à fleurir à Moscou ; elles sont détruites. L'incendie de cette capitale retarde la Russie de cent ans.

Le temps paraît tourner à la pluie. La plus grande partie de l'armée est casernée dans Moscou.

Moscoa, 27 septembre 1812.

Vingt-deuxième bulletin de la grande armée.

Le consul-général Lesseps a été nommé intendant de la province de Moscou. Il a organisé une municipalité et plusieurs commissions, toutes composées de gens du pays.

Les incendies ont entièrement cessé. On découvre tous les jours des magasins de sucre, de pelleteries, de draps, etc.

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