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DES VOYAGES

ET

DES SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.

DES RELATIONS

DE LA FRANCE AVEC LE MAROC.

(Cinquième article).

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IX.

Avénement de Muley Jesid. Sa reconnaissance pour un bon procédé de Louis XVI. Sa conduite à l'égard de ses sujets. Inauguration du pavillon tricolore dans le Maroc. Notre consul général chargé du rôle d'ambassadeur. - Guerre civile des frères de Muley Jesid. Muley Soliman, proclamé empereur. Sa conduite pendant la lutte de l'Angleterre et de la République française. Expédition d'Égypte. - Résultats de la protection accordée aux pèlerinages par le général Bonaparte.

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La mort de Sidi-Mohamet ouvrit carrière à tous les désordres de l'anarchie et aux excès du despotisme le plus brutal. Et d'abord le remède que ce prince avait voulu appliquer aux maux que sans doute il

prévoyait, n'avait fait que les aggraver. Toute sa puissance avait échoué contre le droit d'asile à l'abri du quel Muley-Jesid, après un pèlerinage à la Mecque, avait eu soin de se placer dans le sanctuaire voisin de Tétouan. Vainement le vieil empereur avait voulu se mettre au-dessus de ce droit que l'opinion des Maures proclame inviolable près du tombeau des saints. Quelques hommes de prière et de charité, forts de l'assentiment des populations, avaient résisté à toutes ces menaces; et des milliers de soldats noirs, aveugles exécuteurs de ses ordres, plutôt que de les exécuter contre un sanctuaire, avaient éprouvé pour la première fois un sentiment de révolte contre le sultan. C'est au moment où pour prévenir leur indiscipline, Sidi-Mohamet les disséminait dans son empire, que la mort l'arrêta dans ses projets. Muley-Jesid sortit aussitôt du lieu vénéré où il avait triomphé de la justice de son père. Jaloux d'imiter le fameux Muley-Ismaël, il retrouva bientôt autour de lui les soldats noirs issus de ceux que ce farouche despote avait introduits dans le Maroc, et qui déjà sous Muley-Abdala avaient exercé tant d'influence sur les destinées de cet empire. Devenu maître des places maritimes du Nord, et à peu près unanimement reconnu et proclamé empereur, il fit ordonner aux consuls résidant à Tanger, de venir le trouver à Tétouan. Dès le 20 avril, il leur notifia qu'il ne voulait conserver la paix qu'avec l'Angleterre et Raguse, et donna quatre mois aux autres nations pour sortir

de ses États. Le lendemain il se relâcha en faveur de la nation suédoise, à laquelle il accorda la paix aux conditions que lui avait imposées Sidi-Mohamet. Le 22, il fit appeler les autres consuls d'Espagne, de Portugal, du Danemark et de Venise, et leur déclara vouloir bien leur accorder la même faveur : ce qui veut dire que chacun d'eux avait eu le soin de lui faire des présents considérables. D'ailleurs Mu. ley-Jesid savait que la Suède, le Danemark et Venise payaient avec exactitude une rente annuelle, et que l'Espagne et le Portugal renouvelaient fréquemment des présents d'un grand prix. Il notifia donc son avénement à ces diverses puissances; et en même temps qu'il les abreuvait d'outrages, il exigea qu'elles lui envoyassent des ambassadeurs pour ratifier la c'est-à-dire encore, apporter de nouveaux présents (1).

paix,

Quant à notre consul, dont la résidence était à Salé, il se contenta d'écrire au sultan, qui accueillit parfaitement sa lettre de félicitation et n'eut aucune idée de rien changer aux relations qui attestaient depuis longtemps notre supériorité dans le Maroc.

A l'intérieur de l'empire, le nouveau souverain signala son avénement en exterminant ou rançonnant les juifs qu'il avait en exécration. Ceux de Tétouan, de Larache et d'Alcassar furent livrés au pillage des troupes noires; enfin ce pillage, qui me

(1) Correspondance de notre consul à Maroc. Voir pour plus de détails le récit de l'Anglais Lemprière; page 371 de la traduction française déja citée.

naçait de devenir général, fut commué, sur les représentations des légistes musulmans, en une peine pécuniaire; et tous les juifs s'estimèrent heureux de se racheter par d'énormes amendes. Peu de temps après, Muley-Jesid fit arrêter Sidi-Mohamet el Arabi Effendy, ancien premier ministre de son père, en l'accusant d'avoir eu des intelligences coupables avec les Espagnols de Ceuta et des autres Présides que celui-ci avait constamment protégés. Le payement d'une amende de 100,000 piastres fortes allait complétement justifier ce ministre, lorsqu'une lettre du frère de Muley-Jesid, Muley-Abderrhaman, retiré à l'Oued-nun, vint demander vengeance de tous ceux qui, sous le règne de Sidi-Mohamet, dépouillèrent sa maison et osèrent porter la main sur ses femmes pour leur enlever leurs bijoux. Le malheureux Mohamet-el-Arabi, l'un des exécuteurs de cette me

sure,

fut aussitôt sacrifié. Il eut les deux mains coupées, et bientôt après la tête tranchée, sur le refus qu'il fit de déclarer où étaient ses trésors.

Les préparatifs que Muley Jesid faisait contre Ceuta, provoquèrent les représailles de l'Espagne. Cette puissance, en défendant ses présides contre les Maures, avait à se maintenir d'un autre côté dans Oran. Mohamet, bey de Mascara, attaquait cette place, et coupait les vivres à la garnison chrétienne qui avait eu le tort de se borner à une occupation restreinte, sans colonisation ni influence dans l'intérieur du pays. C'est alors qu'un tremblement de terre vint ruiner la ville de fond en comble.

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