mille livres aux ouvriers des manufactures qu'il avait visitées. Cinquante jours s'étaient à peine écoulés depuis son départ, il avait parcouru la Picardie, la Belgique, une partie de la Champagne, et l'on se hâta de dire qu'il avait tout vu, qu'il avait porté par-tout ce coupd'œil observateur qui vivifie, anime et encourage. Véritable charlatan politique, il ne manquait pas au milieu des fètes d'aller brusquement s'enfermer dans son cabinet pour y signer quelques arrêtés, comme depuis il data du champ de bataille de PreusichEylau le tarif des frais et dépens, et rendit au milieu des flammes de Moscou le décret impérial pour l'organisation des comédiens. Soit que Buonaparte songeât véritablement à tenter une descente en Angleterre, soit qu'il ne voulût qu'éblouir ses ennemis par des préparatifs immenses, il ordonna la construction d'une multitude de bateaux plats qu'on devait réunir à Boulogne, et partit le brumaire an 12 ( 3 novembre 1803) pour visiter les côtes. Le 14 (6 novembre ) il passa en revue à Ambleteuse et au port de Vimereux les différentes divisions qui s'y trouvaient. Le 13 ( 5 novembre) les Anglais, attirés par le canon qui annonçait l'arrivée de Buonaparte, vinrent attaquer et firent éprouver quelques dommages à la flottille. Buonaparte avait fait croire que la descente allait avoir lieu et qu'il ne venait que pour en commander les troupes. Le contre-amiral Lacrosse, proclamant au Havre l'arrivée du consul, disait à ses soldats: « L'ins«tant qui le ramène sur nos côtes « est celui qui nous pénètre encore davantage de l'importance de nos « devoirs. La flottille et ceux qui la «< composent fixent seuls ses regards: « concourir à son organisation, hâ «< ter sa réunion, presser son départ, « et suivre le héros que la victoire « forma pour venger l'humanité, tels « sont les motifs de zèle et de dévouement avec lesquels vous devez religieusement envisager les mesures « que son génie prescrit, et celles qui «< concordent avec ses plans en hâtant «son exécution ». Il semblait n'attendre que le moment où il pourrait ordonner le départ, il habitait une baraque placée sur une éminence d'où il dominait sur les côtes et le rivage; il voit les Anglais s'éloigner, les nuits sont longues et obscures, le moment semble favorable; bientôt on fait cou rir le bruit qu'il ira à Ostende, et tout-à-coup il reparaît à Paris, précédé par la fausse nouvelle qu'Augea heureusemeut effectué une reau descente en Irlande. Pendant que Buonaparte retenait prisonniers les Anglais qui s'étaient trouvés en France, les Anglais au contraire laissaient en liberté les Français non militaires. Ils avaient pensé avoir en leur possession le frère de Buonaparte, Jérome, qu'ils savaient avoir touché à Baltimore; mais aussitôt qu'ils se furent aperçu de la méprise, ils renvoyèrent le Français dans sa patrie. 1 CHAPITRE XIV. Conjuration contre Buonaparte, assassinat du duc d'Enghien. . QUI UI ne gémirait sur les crimes auxquels se laisse entraîner celui qu'une fatale ambition dévore! En vain Buonaparte se serait couvert de gloire en Italie; en vain il aurait été le vainqueur de l'Égypte; en vain son gouvernement aurait été doux et paternel; le crime dont il se couvrit le 21 mars 1804 serait à jamais resté gravé dans la mémoire pour réveiller dans tous les cœurs français la haine la plus profonde contre lui. Oui, Dieu permit, pour mieux caractériser l'usurpation de Buonaparte, que rien |