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n'ont rencontré que de l'affliction, nous n'avons point vu de bassesse à Vienne et à Berlin, où l'on était fondé à craindre nos ressentimens. On garda la dignité nationale; on ne nous accorda que ce que l'on ne pouvait pas nous refuser.

Il était réservé à Paris d'offrir un honteux contraste, et de montrer aux ennemis qu'il était resté indifférent à notre gloire, tout en devenant dépositaire de tant de trophées accumulés dans ses murs. On blâmera sans doute cette manière de s'exprimer, mais mon intention est de n'adresser de reproches qu'aux hommes qui se sont dégradés dans cette circonstance. Je signale les bassesses de l'époque, afin que nos neveux, en se pénétrant de l'indignation qu'elles doivent faire naître, connaissent toutes les souillures qu'ils ont à purger.

Tout pousse, en France; les lauriers y sont indigènes on a pu en faire une ample récolte. C'est une preuve qu'ils y avaient été bien cultivés, et que l'on avait besoin de les naturaliser où on les a transportés. Les ravisseurs en ont usé ainsi que l'on fait ordinairement du bien mal acquis; mais les racines et le climat nous restent, tout n'est pas perdu lorsqu'on a conservé du courage avec l'amour de la patrie.

Il y avait une foule innombrable pour voir entrer l'armée russe. La curiosité en avait réuni

la majeure partie, l'indignation avait assemblé l'autre. La classe qui avait été jusqu'alors insignifiante dans la société, où elle était contenue dans les bornes de la bienséance, rompit le frein qui bridait les haines particulières. On vit des femmes, et même des femmes titrées, sortir des bornes du respect qu'elles se devaient à elles-mêmes, pour se livrer en public à l'exaltation, au délire le plus honteux. On les vit se jeter à travers les chevaux du groupe qui accompagnait l'empereur de Russie, et lui témoigner un empressement plus propre à attirer le mépris qu'à concilier la bienveillance. On en vit d'autres, qui ne vivaient que des bontés de l'empereur, courir les rues en calèche, ameutant le peuple et lançant des imprécations contre celui dont elles n'avaient cessé d'éprouver les bienfaits. Enfin, on en vit dont le deuil était à peine expiré, et dont les larmes auraient dû couler encore, s'offrir en spectacle à ce triomphe, et y paraître avec des bouquets de myrte et de laurier qu'elles jetaient sous les pieds des chevaux, au lieu de chercher parmi une population indignée des vengeurs à leurs maris; elles employèrent à tresser des couronnes pour ceux qui avaient arraché la vie à ces infortunés, les fleurs dont elles devaient orner leur tombe.

Chaque membre de cette armée nombreuse que

les alliés déployèrent aux yeux de la capitale portait au bras droit une écharpe blanche, qui servit à échauffer la multitude. On a dit, et eux-mêmes l'ont répété, que cette distinction avait été donnée aux troupes de la coalition, parce qu'il était arrivé que, ne se connaissant pas à cause de la variété de leurs uniformes, elles s'étaient réciproquement prises pour ennemies, et s'étaient battues entre elles. Que cela soit vrai ou non, la multitude, qui ne juge que par les yeux, n'en donna pas moins à ce signe de reconnaissance une autre interprétation qui devint favorable à l'exécution des projets de l'empereur Alexandre.

Les troupes ennemies remplirent Paris et les environs; elles portèrent en même temps des corps avancés sur les routes de Fontainebleau et d'Orléans.

L'empereur de Russie, qui s'était réservé le rôle de l'Agamemnon de la croisade, vit bien que déjà il était l'arbitre du sort de ce même monarque qu'à une époque non éloignée encore, il était venu implorer dans un triomphe mieux mérité que celui dont il étalait la pompe. La vraie puissance est généreuse; le cœur dans lequel cette vertu n'habite pas est privé par la nature de la première des qualités nécessaires à celui qui veut s'élever au-dessus de ses sembla,

bles. L'empereur Alexandre laissa défiler les troupes, et se rendit, comme il l'avait annoncé, chez M. de Talleyrand. Les moyens qu'on voulait mettre en œuvre avaient été ébauchés dans l'entrevue qu'avait eue le diplomate avec M. de Nesselrode; l'autocrate reprit sur-le-champ la discussion, et se laissa facilement convaincre que ce qu'il y avait de mieux à faire était ce qu'il désirait (1). La chute de l'empereur fut arrêtée; mais

(1) L'empereur Alexandre, après avoir exprimé les magnanimes intentions qui animaient les alliés, à peu près comme il le fit devant nous ainsi qu'on va le lire dans un moment, dit à M. de Talleyrand qu'il n'avait pas voulu arrêter une détermination définitive avant d'en avoir conféré avec lui; qu'il y avait trois partis à prendre :

1° Faire la paix avec Napoléon, en prenant toutes ses sûretés contre lui;

20 Etablir la régence;

3° Rappeler la maison de Bourbon.

M. de Talleyrand s'attacha à faire sentir les inconvéniens des deux premières propositions, et à les ruiner dans l'esprit du conseil devant lequel il parlait. Il passa ensuite à l'établissement de la troisième, comme la seule chose qui convînt, qui fût désirée, qui pût être acceptée généralement, et qui finit pour tout et avec tous, en mettant un terme désiré à la tyrannie, et en donnant des garanties aussi fortement désirées pour la liberté, sous des princes d'un caractère connu par leur modération, instruits par le malheur et par un long séjour dans une terre toute de liberté. On ne lui contesta pas les convenances, mais bien l'existence d'un désir dont on n'avait pas trouvé la

on voulut ménager l'amour-propre national. On convint de faire exécuter par des mains françai

manifestation sur toute la route traversée par l'armée, dans laquelle au contraire la population s'était prononcée d'une manière hostile. On appuyait sur la résistance de l'armée qui se retrouvait au même degré dans les corps de nouvelles levées et dans les vétérans. On avait vu, il y avait peu de jours, à La Fère-Champenoise, un corps de plusieurs milliers d'hommes arrachés tout fraîchement à la charrue, se battre jusqu'au dernier contre les troupes alliées, au milieu desquelles ils étaient tombés sans s'en douter. Surpris, enveloppés, il fallut que l'empereur Alexandre arrachât leurs débris à la mort qu'ils continuaient de braver. On résistait donc à l'idée que le rappel de la maison de Bourbon ne fût pas contrarié par les dispositions d'un très grand nombre de personnes. L'empereur demanda à M. de Talleyrand quels moyens il se proposait d'employer pour arriver au résultat qu'il annonçait. Il répondit que ce seraient les autorités constituées, et qu'il se portait fort pour le sénat;. que l'impulsion donnée par celui-ci serait suivie par Paris. et par toute la France. Quelque solides que fussent les raisons qu'il allégua, et quelque confiance que l'on eût dans l'influence qu'il était dans le cas d'exercer sur le sénat, cependant la résistance durait encore, et ce fut pour la vaincre, qu'il crut devoir s'étayer du témoignage de M. le baron Louis et du mien, et qu'il proposa à l'empereur de nous interroger comme des personnes que, depuis plusieurs mois, il avait vu occupées des mêmes intérêts, et de la recherche des moyens de les ménager.

Cette proposition ayant été agréée, M. de Talleyrand nous introduisit dans la pièce où se tenait le conseil. On se trouva

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