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LIVRE DEUXIÈME.

Campagne de 1814. - Plan de Napoléon. - Marche de l'empereur sur SaintDizier à la rencontre des alliés. Napoléon se replie sur Brienne. Combat de Brienne. Jonction de Blücher et de Schwartzenberg. Bataille de la Rothierre. - Combat de Marmont à Rosnay.

rend à Troyes.

Châtillon.

-

Napoléon sc Son séjour et ses hésitations à Troyes. Congrès de Caulaincourt. - Ultimatum des souverains alliés le 8 janvier. — Correspondance de l'empereur et de Joseph, —–—– Blücher se replie sur Châlons et marche sur Paris.

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Napoléon se porte sur Champ-Aubert

pour arrêter Blücher. - Combat de Champ-Aubert.

- Bataille de Mont

mirail. —- Bataille de Vauchamp. - Napoléon retire à Caulaincourt l'autorisation de signer la paix.

par la vallée de la Seine.

Schwartzenberg menace Paris et descend Napoléon court à lui.- Bataille de Montereau. - Napoléon rentre à Troyes le 23 janvier. Manifestation royaliste. Exécution du chevalier de Gouault.

I

Les généraux laissés sans forces suffisantes sur les bords du Rhin avaient d'abord cherché à fermer, au moins, les gorges des Vosges et de l'Alsace, ces avenues de nos plaines. Noyés, tournés et compromis, ils s'étaient repliés à pas lents jusqu'au revers de ces montagnes qui regardent la France. Quatre cent mille hommes, Russes, Prussiens et Autrichiens, les suivaient de près en se grossissant tous les jours des nouvelles colonnes qui passaient le Rhin. Ces

quatre cent mille hommes formaient deux armées, l'une sous les ordres de Schwartzenberg, l'autre sous le commandement de Blücher. Après avoir inondé le bassin du Rhin, l'Alsace, la Franche-Comté, les vallées des Vosges, la Lorraine, elles se dirigeaient lentement l'une vers l'autre, pour se réunir, comme les armées d'Attila, à Troyes, capitale de la Champagne. L'empereur s'imitant lui-même, comme il arrive aux génies épuisés, avait résolu de s'interposer hardiment entre ces deux armées, de livrer bataille séparément à chacun de ses ennemis avec cette poignée de combattants désespérés, de les écarter le plus loin possible, l'un à gauche vers ses places du nord, l'autre à droite vers Lyon, et de profiter contre chacune de ces armées ainsi aventurées dans l'intérieur, des hasards de la victoire, des paniques de la défaite et des enthousiasmes de l'insurrection nationale sous le pas de l'étranger. Ce plan, bien qu'inférieur à celui de la concentration inspiré aux nations comme à l'individu par la lutte défensive, aurait pu se concevoir si l'empereur avait eu au moins une armée égale de nombre à la moitié ou au quart de chacune des armées qui marchaient à lui. Mais le jour où il arrivait à Châlons, les alliés comptaient déjà quatre cent mille soldats en France. Cinq cent mille autres descendaient derrière cette avant-garde des Alpes, des Pyrénées, des Vosges et du Jura. Une campagne ainsi conçue n'était donc plus qu'une aventure héroïque. Elle allait prodiguer le reste du sang de ses braves compagnons, illustrer une chute, anéantir une nation.

Napoléon avait fait pivoter tout ce qui lui restait de sa garde et de ses nouvelles levées sur Châlons.

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Les têtes de colonne de l'armée russe et prussienne, commandée par Blücher, touchaient Saint-Dizier. Les avantgardes de l'armée autrichienne de Schwartzenberg arrivaient à Langres. L'empereur n'occupait avec l'armée française que l'espace entre ces deux villes et les plaines de Paris derrière lui. Les vieilles troupes et ses jeunes soldats le reçurent avec un enthousiasme auquel l'infortune de leur général semblait ajouter ce que le cœur ajoute à la gloire, la tendresse désespérée du dévouement. Leurs cris bravaient l'adversité et portaient défi à la mort. Napoléon profita de cet élan que sa présence inspirait toujours dans les camps. Il s'élança avec cette poignée d'hommes au-devant de l'armée prussienne pour lui couper la route de Langres et la devancer au bord de la Marne, que cette armée avait à franchir pour aller à Troyes. Il était trop tard. La moitié de l'armée prussienne avait déjà passé la Marne, et s'avançait en forces vers la capitale de la Champagne. L'autre moitié allait franchir celte rivière, quand Napoléon y arriva. Il eut à choisir d'un regard entre les deux hasards que la fortune lui offrait : couper en deux l'armée de Blücher et en égarer les tronçons sur sa droite et sur sa gauche, ou bien se précipiter à force de marche jusqu'à la tête de la première colonne de cette armée qui le devançait vers Troyes, l'attaquer, la dissoudre, entrer à Troyes avant Schwartzenberg, et se poser ainsi comme une borne infranchissable au point de jonction assigné pour les deux armées. La nécessité de prévenir les empereurs à Troyes le décida promptement pour ce dernier parti. La timidité de leur marche, l'indécision de leurs premières colonnes en s'aventurant au cœur de la France, pouvaient lui offrir une occasion de vaincre. Une victoire, même incomplète, contre les corps d'armée où étaient les

souverains, pouvait les frapper d'étonnement, et les décider à rouvrir les négociations. Le général et la politique s'accordaient en lui pour courir au nœud de sa destinée. C'était Troyes.

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Les rigueurs de la saison semblaient s'ajouter à celles de la campagne. Les longues pluies froides avaient défoncé les routes. Un manteau de neige et de givre recouvrait les ornières et les fondrières où s'embourbaient les pieds des hommes, des chevaux et les roues de canons. L'armée était heureusement légère d'équipages, car unie de cœur au pays, elle trouvait partout du pain et des fourrages. Les dernières chaumières se dépouillaient avec une hospitalité cordiale pour nourrir et chauffer ces derniers défenscurs du foyer français. Peu de traînards restaient sur les chemins. L'enthousiasme ralliait tout et emportait tout à la suite de l'empereur. Le prestige de ses longues victoires semblait s'être retiré dans l'esprit de sa garde et de ces bataillons de réserve. Cette garde se croyait solidaire de son empereur. Elle se croyait obligée à se dévouer jusqu'au dernier homme à la délivrance du sol. La honte d'y avoir amené l'ennemi et la soif de le chasser pesaient sur les rudes physionomies de ces prétoriens. Ils marchaient la tête basse, les sourcils plissés, dans un silence plus belliqueux et plus sinistre que leur ancienne gaieté soldatesque. On sentait que ce n'était plus seulement la victoire, mais la vengeance de la patric qui marchait invisible devant eux. D'ailleurs la plupart de ces soldats, trempés dans les sables d'Égypte, dans les feux de l'Espagne, dans les neiges de la Pologne et de la Russie, étaient des vétérans endurcis aux marches et insensibles au

canon. Véritables machines de guerre animées qui semblaient ne plus participer aux faiblesses et aux besoins de la nature. La confiance en eux-mêmes, le mépris du nombre, l'indifférence au feu les multipliaient à leurs propres yeux.

C'est au milieu d'une colonne de ces troupes que Napoléon marchait, tantôt à pied, tantôt à cheval, une partie des jours, ne se jetant dans sa voiture, ou ne se retirant aux haltes dans la première maison d'artisan ou de paysan ouverte à son nom, que pour déployer ses cartes, tracer ses routes, dicter ses ordres à ses officiers et prendre un moment de sommeil au feu du bivac ou du foyer.

IV

Il rappela donc son avant-garde, qui avait déjà franchi Saint-Dizier, et lança ses colonnes sur Brienne. Blücher, instruit à temps de l'approche de l'armée française, avait massé cette première moitié de l'armée russe et prussienne dans cette ville et dans le château. Napoléon, au dernier terme de sa carrière de soldat, était ramené, comme le cerf poursuivi par la meute, à son point de départ. C'était à l'école de Brienne qu'il avait reçu les premières leçons de l'art des combats. Son enfance obscure lui apparaissait au déclin de sa puissance et de sa gloire. Un abîme d'événements était entre ces deux points de sa vie. Il lui sembla qu'il allait combattre devant ses jeunes souvenirs pour témoins. Cette pensée, disent ses confidents, lui sourit et lui rendit foi dans sa fortune. Il connaissait son champ de bataille les traces de ses premiers pas gravés dans sa mémoire. Il n'hésita pas à attaquer avec un tiers de ses forces

par

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