Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

derrière lui de son long règne? car c'est à ce signe que Dieu et les hommes jugent le génie politique des fondateurs. Toute vérité est féconde, tout mensonge est stérile. En politique, ce qui ne crée pas n'est pas. La vie est jugée par ce qui lui survit. Il laisse la liberté enchaînée, l'égalité compromise par des institutions posthumes, la féodalité parodiée sans pouvoir être, la conscience humaine revendue, la philosophie proscrite, les préjugés encouragés, l'esprit humain diminué, l'instruction matérialisée et concentrée dans les sciences exactes, les écoles converties en casernes, la littérature dégradée par la police ou avilie par la bassesse, la représentation nationale pervertie, l'élection abolie, les arts asservis, le commerce tari, le crédit anéanti, la navigation supprimée, les haines internationales ravivées, le peuple opprimé ou enrôlé, payant de son impôt ou de son sang l'ambition d'un soldat suprême, mais couvrant du nom grandi de la France les contresens au siècle, les misères et les dégradations de la patrie. Voilà le fondateur, voilà l'homme! Un homme au lieu d'une révolution! Un homme au lieu d'une époque! Un homme au lieu d'une patrie! Un homme au lieu d'une nation! Rien après lui! Rien autour de lui que son ombre stérilisant tout le dix-huitième siècle absorbé et détourné en lui seul. On dira toujours la gloire personnelle, on ne dira jamais ce qu'on a dit d'Auguste, de Charlemagne et de Louis XIV, le siècle de Napoléon. Il n'y a pas de siècle, il n'y a qu'un nom, et ce nom ne signifie rien pour l'humanité que lui-même.

XLVII

Faux en institutions, car il remonte; faux en politique, car il avilit; faux en morale, car il corrompt; faux en civi

lisation, car il opprime; faux en diplomatie, car il isole; il n'est vrai qu'en guerre, car il verse bien le sang humain. Mais celui qui l'épargne, qu'est-il done? Son génie individuel est grand, mais c'est le génie du matérialisme. Son intelligence est vaste et claire, mais c'est l'intelligence du calcul. Il compte, il pèse, il mesure, il ne sent pas, il n'aime pas, il ne compatit pas; il est statue plus qu'il n'est homme. C'est là son infériorité devant Alexandre et devant César. Il rappelle plutôt l'Annibal de l'aristocratie. Peu d'hommes ont été ainsi pétris, mais pétris à froid. Tout est solide, rien ne bouillonne, rien ne s'émeut dans cette pensée. On sent cette nature métallique jusque dans son style. Il est peut-être le plus grand écrivain des choses humaines depuis Machiavel. Bien supérieur dans le récit de ses campagnes à César, son style n'est pas de la parole écrite seulement, c'est de l'action. Chaque mot dans ses pages est, pour ainsi dire, le contre-coup et la contre-empreinte du fait. Il n'y a ni lettre, ni son, ni couleur entre la chose et le mot: le mot, c'est lui. La phrase concise, mais sculptée sur le nu, rappelle ces temps où Bajazet et Charlemagne, ne sachant pas écrire leur nom au bas des actes de leur empire, trempaient leur main dans l'encre ou dans le sang, et l'appliquaient avec toutes ses articulations empreintes sur le parchemin. Ce n'était pas la signature, c'était la main même du héros qu'on avait éternellement sous les yeux. Ainsi des pages de ses campagnes dictées par Napoléon. C'est le verbe du mouvement, de l'action et du combat.

XLVIII

Cette renommée dont il avait fait sa moralité, sa conscience et son principe, il la mérita donc par sa nature et par son

intelligence de la guerre et de la gloire. Il en a inondé aussi le nom de la France. La France, obligée d'accepter sa tyrannie et ses crimes, doit aussi accepter sa gloire avec unc sévère reconnaissance. Elle ne pourrait séparer son nom du sien sans diminuer son propre nom. Ce nom s'est incrusté dans ses torts comme dans sa grandeur. Elle a voulu de la renommée, il lui en a donné. Mais ce qu'elle lui doit, c'est surtout un grand bruit.

XLIX

Cet écho qui se continue dans la postérité, et qu'on appelle encore improprement gloire, a été son moyen et son but. Qu'il en jouisse done! Homme de bruit, qu'il retentisse à travers les siècles! Mais que ce bruit ne pervertisse pas la postérité et ne fausse pas le jugement du peuple. Cet homme, une des plus vastes créations de Dieu, s'est mis avec plus de force qu'il ne fut donné à aucun homme d'en accumuler sur la route des révolutions et des améliorations de l'esprit humain, comme pour arrêter les idées et faire rebrousser chemin aux vérités. Le temps l'a franchi; les idées et les vérités ont repris leur courant. On l'admire comme soldat, on le mesure comme souverain, on le juge comme fondateur de peuples. Grand par l'action, petit par l'idée, nul par la vertu ; voilà l'homme!

[ocr errors]

FIN DU TOME PREMIER.

PRÉAMBULE.

TABLE DES MATIÈRES.

LIVRE PREMIER.

Pages.

Coup d'œil rétrospectif sur le règne de Napoléon.- Napoléon en 1813.
Son retour à Paris. Les armées coalisées sur le Rhin. - Con-
vocation du conseil d'Etat le 11 novembre.

-

décrète une levée de 300,000 hommes.

-

-

-

[ocr errors]

taire. Ouverture du corps législatif.
au corps législatif. Proposition de Francfort. Fixation d'un
congrès à Manheim. Choix des commissaires chargés par le sénat
et le corps législatif de l'examen et du rapport des négociations.
- Choix hostiles et opposition du corps législatif. — M. Lainé.
M. Raynouard. — Adresse de M. de Fontanes. Cambacérès.
Adresse de M. Lainé. Indignation de Napoléon. - Savary.
Suppression de l'adresse du corps législatif. Sa dissolution.
Réception du 1er janvier 1814. - Discours de l'empereur au corps
législatif. Reconstitution de la garde nationale de Paris.
sentation de Marie-Louise et de son fils aux officiers de la garde
nationale. Allocution de Napoléon.
de Napoléon pour l'armée le 23 janvier.

-

-

-

[blocks in formation]

LIVRE DEUXIÈME.

Campagne de 1814. Plan de Napoléon. - Marche de l'empereur sur
Saint-Dizier à la rencontre des alliés. Napoléon se replie sur
Brienne. Combat de Brienne. Jonction de Blücher et de
Schwartzenberg. - Bataille de la Rothierre. Combat de Marmont
à Rosnay. - Napoléon se rend à Troyes. Son séjour et ses hésita-

[blocks in formation]
« ZurückWeiter »