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XXXIII

Ce sentiment, il le connaissait assez par les scènes décisives des deux premières abdications et par la solitude qui se faisait autour de lui. Il était évident qu'il voulait seulement un prétexte pour se résigner encore, l'apparence d'une violence morale faite à sa volonté par ses derniers compagnons d'armes. Il prenait ses gages devant la postérité et devant la France. Il voulait qu'on pût dire, et il voulait pouvoir dire un jour lui-même : « J'ai voulu, je « pouvais combattre et vaincre encore, ils n'ont pas voulu. « Le trône et la patrie ont été livrés par eux, non par << moi. » Comment, s'il en eût été autrement, un général aussi consommé aurait-il attendu d'être réduit à vingt-cinq mille hommes, abandonné de ses lieutenants et cerné dans une forêt par deux cent mille soldats pour livrer bataille? L'histoire ne doit pas accepter comme vérités les feintes de l'orgueil aux abois. La vérité en pareille matière est dans les actes, non dans les paroles. Les actes de Napoléon à Fontainebleau, après le premier jour, indiquent avec évidence la pensée de négocier, non de combattre. Ses résolutions sont des attitudes de négociateur, non des manœuvres de vieux général.

XXXIV

Berthier, jusque-là fidèle, mais lassé, entra avec les maréchaux et les chefs de corps. Les contenances étaient contraintes, tristes, embarrassées. Le mot avait été dit trois

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jours avant. On ne voulait pas le répéter, on voulait le faire répéter par les choses mêmes. Berthier confirma en paroles brèves et officielles les dangers croissants et insurmontables de la situation. «< Fontainebleau sera compléte«ment muré dans quelques heures. Je le sais, répondit l'empereur, comme s'il eût été importuné de la vérité. Il « ne s'agit pas des ennemis, mais de vous et de moi. Mon « abdication, je l'ai offerte; mais on m'impose maintenant. d'abdiquer pour ma famille. On veut que je dépose moi« même ma femme! mon fils! vous tous dans ma famille! <«< Le souffrirez-vous? J'ai de quoi percer ces lignes qui «m'entourent; je puis parcourir et réveiller la France! Je

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puis arriver aux Alpes, rejoindre Augereau, rallier Soult, « rappeler Suchet, atteindre Eugène en Lombardie, passer « en Italie, y fonder avec vous un nouvel empire, un nou<< veau trône, de nouvelles fortunes pour mes compagnons, « en attendant que le cri de la France nous rappelle. Me « suivrez-vous? »>

XXXV

Les visages lui avaient répondu d'avance, les voix unanimes lui répondirent. C'était la guerre civile promenée de province en province sur la France, les armées de l'Europe appelées par millions d'hommes jusque dans les derniers asiles de l'indépendance du pays, la patrie déjà assez malheureuse changée en champ de bataille et de ravage universel! La gloire ne pouvait pas être où tout patriotisme manquait. Les conquérants de l'Europe pouvaient-ils finir en aventuriers du moyen-âge, allant chercher des trônes étrangers après avoir abdiqué celui de l'univers?

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L'empereur irrité ou feignant de l'être demanda qu'on le laissât à ses réflexions.

Les maréchaux sortis : « Quels hommes, dit-il à Cau« laincourt en se rasseyant devant ses cartes, quels hom« mes! Ni cœurs ni entrailles! Je suis vaincu par l'égoïsme « et par l'ingratitude de mes frères d'armes plus que par la « fortune. Tout est consommé! Partez et confirmez les « deux abdications. >>

Caulaincourt partit une troisième fois pour Paris. Il ne restait plus qu'à stipuler pour Napoléon et pour sa famille des conditions plus ou moins généreuses que les souverains alliés accordaient à cette capitulation du monde.

DS.

Me

LIVRE NEUVIÈME.

Traité de Fontainebleau du 11 avril.

Retour de Caulaincourt et de Mac

donald. Napoléon refuse de signer le traité. Bruits d'empoisonneRatification du traité. - Vie de Napoléon à Fontainebleau.

ment.

Voyage de Marie-Louise.

Son séjour à Blois. Lutte de Marie-Louise

contre les frères de l'empereur.

Son départ de Blois le 16 avril - Elle retourne vers son père. - Dernières journées de Napoléon à Fontainebleau. Adieux et allocution de Napoléon à sa garde.

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Jugement sur

Napoléon.

I

Les pensées se pressaient et les résolutions se heurtaient dans la tête de Napoléon livré à lui-même. A peine Caulaincourt était-il parti que l'empereur, le faisant suivre à Paris par un aide de camp, lui écrivait : « Revenez, rapportez-moi «mon abdication; je suis vaincu, je suis prisonnier de « guerre; je cède au sort des armes ; point de traité, un simple cartel doit suffire. »

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Le soir, un autre envoyé apporte à Caulaincourt l'ordre de cesser toute négociation.

Dans la nuit, un troisième message lui dit : « Je vous << ordonne de me rapporter mon abdication. Dans tous les "cas, point de stipulation d'argent. C'est humiliant! » Sept courriers en vingt-quatre heures harcelèrent le négociateur

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