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souverains eux-mêmes, bien qu'ils fussent secrètement prédisposés à l'accueillir, parurent regarder cette manifestation comme prématurée; ils évitèrent d'y sourire. Ils rembrunirent leur physionomie. Ils firent signe de la main à quelques gentilshommes qui l'avaient proféré, de suspendre et de réserver un dangereux enthousiasme. Mais soit que cette recommandation muette de prudence dans l'attitude des souverains fût sincère, soit qu'elle ne fût qu'une provocation plus délicate et plus habile à l'expression de la volonté du peuple, elle ne fut pas obéie. Les groupes, parmi lesquels on comptait beaucoup d'anciens républicains, mêlés à de jeunes partisans des Bourbons, parurent vouloir faire violence aux souverains et à leur suite pour leur arracher un signe de consentement à leurs cris. Autour de l'empereur et du roi de Prusse, des généraux et des ministres, craignant moins de s'engager que leurs souverains, encourageaient visiblement du regard, du sourire et du geste, des acclamations qui les vengeaient de l'Empire. A mesure que l'état-major des alliés pénétrait davantage dans les quartiers de la noblesse, de la banque, des arts, du haut commerce et du luxe, ces cris prenaient plus de masse et plus d'accent. Les rassemblements qui les poussaient grossissaient autour des princes. Quelques jeunes gens, quelques jeunes femmes, élevant et agitant des mouchoirs blancs dans leurs mains, les faisaient flotter aux regards des coalisés comme un drapeau pour leur rappeler une cause jusque-là muette. Les plus dévoués, oubliant toute prudence personnelle et même toute dignité de peuple vaincu, se précipitaient au poitrail des chevaux des souverains, embrassaient leurs bottes, saisissaient leurs rênes, joignaient les mains, élevaient les yeux vers leurs visages, et semblaient les supplier de prononcer une parole qui affranchît leur âme du joug de l'empire et qui leur rendit les rois de leurs pères. Ils semaient des cocardes blanches dans la foule; ils faisaient flotter des rubans au bout de leurs

cannes. Les femmes, aux fenêtres de leurs hôtels, répondaient à ces cris et à ces signaux par des cris et par des signaux pareils. Elles battaient des mains aux royalistes; elles s'inclinaient sur leurs balcons au passage des souverains; elles pavoisaient de blanc leurs fenêtres; elles élevaient leurs enfants dans leurs bras et propageaient, de façade en façade, les cris multipliés de: Vivent nos libérateurs! A bas le tyran! Vivent les Bourbons! Les maisons n'avaient qu'une couleur et qu'une voix.

XVI

Le peuple de ces quartiers paraissait étonné et comme indécis entre l'humiliation de voir sa capitale au pouvoir des armées et la nouveauté du spectacle. Napoléon était à ses yeux le grand coupable de cette invasion qui profanait le pavé de sa ville. L'attitude calme et affectueuse des souverains, la discipline de leurs troupes, la politesse des généraux, la modestie des vainqueurs, la merveille de cette capitale respectée, de ces foyers tranquilles, de ces cortéges pacifiques, de ces monuments, de ces magasins restés ouverts sans qu'une main osât attenter aux richesses dont ils étaient remplis, cette garde nationale armée formant la haie à ce torrent des hordes du Nord, cette police, cette sûreté, ces visages tranquilles, ces signes de joie, ces bannières de fête au sein d'une ville longtemps menacée, aujourd'hui occupée plutôt que conquise, faisaient passer le peuple de la consternation à la reconnaissance, et à l'enthousiasme de sa sécurité dans cet ébranlement de son imagination et de ses sens. La moindre impulsion devait le pousser aux partis les plus inattendus la veille. Sans savoir

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en réalité ce que signifiaient ces signes, ces drapeaux, ces cris du royalisme, il s'y associa mollement, aveuglément et comme par complaisance envers je ne sais quel inconnu qu'on lui présentait pour solution à ses incertitudes. Cependant ce mouvement royaliste, conçu dans quelques châteaux et dans quelques hôtels, tenté le matin seulement par quelques jeunes gens et par quelques vieillards de l'ancienne noblesse, favorisé par quelques hommes de lettres, consenti et encouragé par quelques ambitieux pressés de déserter l'empire et de présenter des services à de nouveaux règnes, ne se communiquait pas sans murmure et sans résistance dans le peuple. Les uns rougissaient de produire leur haine réelle et profonde contre l'empire comme un hommage honteux et commandé à leurs vainqueurs. Les autres trouvaient que de telles manifestations étaient irréfléchies, imprudentes, et seraient peut-être, le lendemain, des tables de proscription contre Paris. Le plus grand nombre ignorait complétement de qui et de quoi les royalistes s'enthousiasmaient sous leurs yeux. Enfants sous la république, jeunes sous le consulat, hommes sous l'empire, ils ne connaissaient de l'histoire de leur pays que la révolution, les conquêtes et les revers de l'empereur. Les amis de la famille absente des Bourbons ne parvinrent qu'à peine, et par une sorte de surprise à l'opinion, à présenter aux yeux de l'empereur de Russie une apparence de vœu national en faveur de la restauration. Une seule chose était sincère et profonde dans le peuple réfléchi : la lassitude de l'empire et la haine de la tyrannie.

XVII

Le défilé de leurs armées dura une partie du jour. L'empereur de Russie et le roi de Prusse, constamment cernés et

obsédés par une poignée de royalistes, étaient passés, à la fin, de la réserve et de l'indécision à l'entraînement. Ils avaient eu de rapides entretiens et de soudains colloques avec les hommes les plus rapprochés d'eux. Ils semblaient s'être pénétrés de l'opinion qui les enveloppait. Cette opinion et ces souvenirs étaient représentés par des hommes qui portaient les plus beaux noms de la monarchie, ou les plus hautes renommées dans les lettres : les Montmorency, les Lévis, les d'Hautefort, les Choiseul, les Kergorlay, les Châteaubriand, les Fitz-James, les Adhémar, les Noailles, les Boisgelin, les Talleyrand de Périgord, les Juigné, les Virieu. Ces hommes suppléaient au nombre par l'énergie et l'audace de leur fanatisme pour leur cause. Leur attachement aux souverains de l'ancienne race des Bourbons était un culte plus qu'une simple préférence. C'était moins leur puissance que leur histoire qu'ils voulaient reconquérir avec les rois de leur passé. Le matin, avant que la présence des troupes étrangères leur assurât le patronage des coalisés, ils avaient témérairement risqué leur vie en se groupant à pied ou à cheval sur la place de la Concorde, et en arborant seuls une cocarde que le peuple pouvait prendre pour un signe de trahison et punir de mort. Mais emportés par l'impatience et sachant qu'il faut aux révolutions un dévouement qui ne regarde pas derrière soi, ils avaient joué leur vie pour leur souvenir. Massacrés par le peuple ou par Napoléon, s'ils échouaient, ils n'avaient de salut que dans la complicité de l'empereur Alexandre. Il fallait l'arracher, ils allaient l'obtenir.

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LIVRE CINQUIÈME.

Napoléon au village de la Cour-de-France, près de Paris, le 50 mars au soir. Rencontre des troupes françaises en retraite, du général Belliard et de l'empereur. L'empereur apprend la capitulation de Paris. Indignation de Napoléon. - Il envoie Caulaincourt à Paris. Vaine tentative de Caulaincourt pour entrer dans Paris. l'empereur. Il est renvoyé une seconde fois près des alliés.

-

léon se rend à Fontainebleau.

Caulaincourt aux barrières.

Son retour près de

Napo

Rencontre du duc Constantin et de

Il fait entrer Caulaincourt dans Paris. - Alexandre le reçoit. Entrevue d'Alexandre et de Caulaincourt.

I

La nuit qui avait précédé cette entrée triomphale des souverains étrangers dans Paris, que faisait l'empereur? Nous avons vu qu'après avoir ordonné la réunion à marche forcée de ses débris pour le 2 avril sous les murs de Paris, il avait quitté Troyes le 50 mars, à l'aube du jour, et qu'accompagné seulement de Berthier, son major général, et de Caulaincourt, son négociateur intime, il s'était précipité à toute course de ses chevaux vers Paris. Incertain des revers ou des succès de Marmont et de Mortier, il tremblait pour le cœur de son empire, pour sa femme, pour son fils, pour ses frères, pour son trône et pour sa gloire. Il espérait que sa présence et son nom vaudraient une armée

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