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Mutations survenues pendant l'impression de ce volume.

MM. MAURIAL, Professeur à la Faculté des Lettres de Strasbourg, Membre Correspondant. RENOUVIER (Jules), Membre titulaire, décédé.

ROLLAND (Alexandre), Membre titulaire, décédé.

MONDOT, Professeur à la Faculté des Lettres, Membre titulaire, démissionnaire.
RENOUVIER, père, Membre honoraire, décédé.

La Section des Lettres déclare que les opinions consignées dans les Mémoires qu'elle publie, restent sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

QUELQUES MOTS SUR LA FONTAINE

A L'OCCASION

DE LA CIGALE ET LA FOURMI

POUR SERVIR DE REMERCÎMENT

A L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET LETTRES DE MONTPELLIER,

Par A.-L. BOYER.

Parvis parva decent.

MESSIEURS,

Le choix que j'ai fait de Montpellier pour ma patrie adoptive me donne du soleil pour mes vieux ans. L'honneur que vous voulez bien me faire en m'admettant à profiter de vos travaux, est un bienfait beaucoup plus grand: c'est une lumière qui éclairera mon esprit, en même temps qu'elle échauffera mon cœur ; c'est le droit de cité avec ses plus nobles prérogatives, dans sa plus haute et dans sa plus belle signification. Je vous en remercie, Messieurs, avec toute l'effusion d'un sentiment de reconnaissance impatient de se produire et de se répandre.

Je voudrais, pour justifier vos bienveillants suffrages, pouvoir vous apporter, à défaut de talent, ces habitudes d'esprit qui, en concentrant les forces de l'intelligence sur un même objet, finissent par en faire jaillir des éclairs et

découvrent des horizons qu'un œil pénétrant sait ensuite parcourir et explorer. Mais ma vie, très-obscure, s'est usée dans l'ombre des classes, et j'ai été obligé de partager mon attention entre tant de chefs-d'œuvre de l'antiquité, que je n'ose pas me flatter de les avoir toujours compris. Il serait même bien possible aussi que les beautés de nos auteurs français les plus connus et les plus renommés, n'eussent pas brillé pour moi de toute leur pureté et de tout leur éclat. Je le crains surtout, quand parfois il m'arrive de ne pas les voir des mêmes yeux, de ne pas les admirer pour les mêmes raisons que le public; je suis donc réduit à me détier beaucoup de moi-même. Je vous demande à ce sujet, Messieurs, la permission de vous soumettre⚫ mes doutes sur l'interprétation de quelques fables de La Fontaine. Je vais, si vous voulez bien me prêter un moment d'attention, examiner avec vous la Cigale et la Fourmi, et je vous serai très-reconnaissant de me dire si je suis dans l'erreur en croyant que la pensée du poète est restée une énigme pour la plupart des lecteurs, et si je vous laisse entrevoir que, pour la saisir dans son ensemble et dans ses détails, il faut s'élever à des considérations autres que celles dans lesquelles se sont renfermés tous les commentateurs de La Fontaine, qui ont voulu, bien à tort selon moi, voir dans cet apologue l'éloge d'une vie laborieuse et une censure sévère de l'oisiveté. Le poète qui a passé une partie de sa vie à dormir, l'autre à ne rien faire, est plus indulgent pour la paresse; et quand cette paresse se traduit par de studieux loisirs, elle a toutes ses sympathies; quand elle s'exhale en une douce harmonie, elle excite son admiration et son plus tendre intérêt.

Ne serait-ce pas qu'en cherchant dans les fables une instruction pour les enfants, auxquels La Fontaine n'a nullement songé, lui

Qui ne sait bête au monde pire

Que l'écolier, si ce n'est le pédant;

on les dénature, on les altère, on les rapetisse au point de les rendre méconnaissables? Pour entrer dans la pensée du moraliste, pour se pénétrer des leçons de cet instituteur de tous les ages et de toutes les conditions, il est nécessaire de se placer à un point de vue qui embrasse un vaste horizon; de s'élever à des hauteurs que l'intelligence des enfants ne peut atteindre; de ne pas oublier que, dans un siècle très-civilisé, La Fontaine écrit pour les esprits

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