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naître toutefois que ce dernier album est couvert d'un ornement en fer damasquiné dont le dessin est très-remarquable.

Parmi les relieurs autrichiens, j'ai vu un étrange volume, aussi étonnant par sa grandeur que par son exécution. C'est un immense album présenté à la corporation de Londres par M. Rollinger. Des ornements variés, des fleurs sont dessinés sur la couverture, au milieu de laquelle se trouvent trois plaques de cuivre gravées. Mais cette composition, exécutée avec des morceaux de cuir d'une grandeur de cinq à six millimètres environ, ne représente qu'une assez médiocre mosaïque. En la considérant, on reste étonné de la peine qu'a dû se donner l'ouvrier pour accomplir un modèle de tapisserie. A mes yeux c'est une œuvre de patience, et rien de plus. Combien je préfère les imitations de reliures anciennes et les reliures de luxe de M. Scharye, de Bruxelles. Voilà de l'ouvrage bien compris, bien entendu, et qui du premier coup révèle un véritable artiste.

En général, dans les expositions, on cherche à étonner le public par un choix de matériaux hors classe et par une main-d'œuvre exceptionnelle. Il y a certainement de la nouveauté, souvent de l'étrangeté; mais pense-t-on que ce soit là de la perfection. Pour ma part, j'en doute, car ces produits,

peu admirés du reste par les connaisseurs, ne survivent pas ordinairement à l'exposition et ne sauraient être renouvelés. Faudra-t-il donc, en s'opposant à l'envahissement de la joaillerie, de la bijouterie et de la sculpture, adopter ce genre de reliure, qui n'est qu'un emboîtage recouvert d'une toile façonnée de manière à imiter la peau? Nous contenterons-nous de ces couvertures préparées et ornementées à l'avance au moyen de plaques gravées qu'on y applique par la presse? Non certainement, car si ces reliures sont bonnes pour des almanachs, des livres d'étrennes ou de prix, elles ne sauraient convenir pour de bons ouvrages destinés à être classés et conservés dans les bibliothèques.

Si l'on veut éviter la décadence de l'art, il faut que les relieurs s'en tiennent à ce juste milieu placé entre les reliures simples et celles où la splendeur est portée à l'excès. C'est là le genre qui plaît aux véritables amateurs de livres; il réunit l'élégance à la simplicité et à la solidité, qualités préférables à la richesse des dorures. Je voudrais vous citer les maîtres de notre temps, Bauzonnet, Duru, Capé, Ottman-Duplanil ou Lortic. Malheureusement ils se sont abstenus. Cependant, si ces habiles relieurs n'ont pas cru devoir apporter à ce concours leurs beaux ouvrages, il en reste. d'au

tres qui n'ont point déserté la lutte et dont les travaux sont réellement estimables.

Chez nos voisins et nos adversaires, je signalerai tout d'abord les reliures de M. Westleys, remarquables surtout par leur solidité, ainsi que celles de M. Rees, de la Nouvelle-Galles du Sud. Un beau volume exposé par M. Francis Bodford, les Décrétales de Grégoire IX, attire également l'attention; mais j'ai le regret de dire que ce livre est mal endossé. Il faut toutefois reconnaître que les reliures de cet exposant sont en général bien faites, quoique le grain du maroquin ne soit pas assez effacé. Quant à sa dorure, elle est loin d'être bien exécutée. Celles de M. Rivière sont assurément bien supérieures; le dessin en est tracé avec talent, et l'on voit que l'artiste se joue pour ainsi dire de toutes les difficultés.

Je ne saurais mettre au même rang un Térence appartenant au duc d'Aumale et exécuté par M. Chatelain. Ce volume, parfaitement établi comme reliure, pèche contre le goût par la manière dont il est surchargé d'ornements. C'est la première fois que je vois le travail de ce relieur. On peut beaucoup attendre de lui, et il y a tout lieu de croire qu'il corrigera ses défauts, comme l'a fait M. Holloway, dont les reliures bien confectionnées ne manquent pas de grâce. Que celui-ci

donne un peu plus de brillant à sa dorure, et l'ornementation de ses livres ne laissera plus rien à désirer.

L'abstention de nos célèbres relieurs m'a fait un instant trembler pour nos compatriotes; mais leur goût exquis, leur incontestable supériorité de travail les ont maintenus dans le premier rang. Permettez-moi de citer tout d'abord le chef d'une maison dont j'ai déjà parlé comme imprimeurlibraire. Après avoir résolu le problème du livre réduit à sa moindre valeur vénale, M. Alfred Mame, aidé de son fils, actuellement associé à ses travaux, a voulu compléter son œuvre en s'imposant la même tâche pour la reliure. Il a donc construit de vastes ateliers, formé un personnel qui comprend environ six cents ouvriers, et créé ainsi une spécialité unique, je crois, en France.

A l'exposition universelle de 1855, on avait déjà remarqué les reliures de cette maison. Elles étaient en général bien établies, et les petits livres qu'elles recouvraient offraient ainsi un moyen de séduction propre à inspirer à toutes les classes le goût de la lecture. Mais depuis ce temps M. Mame a fait des progrès immenses. S'appliquant à l'étude des bons modèles, il a bien vite reconnu que la solidité et la grâce de la reliure, la simplicité du dessin et la pureté de l'exécution étaient les premiers

mérites qu'il fallait rechercher. Pour atteindre ce but, il a dû souvent faire et refaire; enfin les livres qu'il expose aujourd'hui témoignent du travail d'un homme convaincu que tout le luxe de la décoration extérieure ne peut racheter le vice d'une reliure imparfaite ou d'une ornementation sans goût.

On compte par centaines les livres placés dans la vitrine de MM. Mame. Je n'en mentionnerai donc aucun en particulier; mais je puis affirmer qu'il en est quelques-uns qui pourraient être signés des noms d'Ottmann ou de Capé. Comment les maîtres de cet établissement sont-ils parvenus à établir si bien et en même temps à un prix inférieur à celui des maîtres? D'abord par la fabrication en grand, et ensuite par la division du travail. Ils ont ainsi prouvé que leur procédé, reconnu excellent au point de vue manufacturier, était loin de conduire à la perte de l'art.

Tous les ouvriers de la maison Mame sont Tourangeaux. Enfants du pays, ils se sont formés dans les ateliers et ont acquis la perfection en faisant chacun une étude constante d'une spécialité. Ainsi l'atelier consacré aux travaux des femmes voit s'accomplir la pliure et la couture; puis on exécute dans deux autres ateliers l'endossure, la rognure, la marbrure, la dorure sur tranches, la parure

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