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ploya Napoléon, et qu'on ne peut lui contester, leur firent perdre tout le mois de février. Le poids de leur occupation, et plus que tout le pillage et les dévastations de leurs troupes, irritaient le peuple français. Loin de les recevoir en amis, la population des départemens s'insurgeait de toutes parts. Enfin, les derniers jours de mars les trouvèrent aussi peu avancés que les premiers jours de février. C'est dans cet état d'incertitude, mesurant les dangers qui croissaient autour d'eux et commençant à reculer devant les conséquences, que le dernier message les décida à se hâter d'arriver à la capitale. Les conjurés, craignant euxmêmes un accident fortuit, que pouvait amener un plus long retard, et qui les aurait entraînés à une perte certaine, employèrent tous leurs moyens de persuasion pour décider les coalisés à venir à leur secours. Il paraît qu'ils étendirent la garantie des succès qu'ils promettaient, un peu au-delà de la réalité. Du moins les tergiversations des coalisés, dont nous rendrons compte plus bas, semblent démontrer qu'ils ne les trouvaient pas suffisans.

Le prince de Bénévent s'associa d'abord deux sénateurs; le général Beurnonville et le général Jaucourt: le duc de Dalberg et l'abbé de Montesquiou, furent admis ensuite dans le comité direc. teur, dans lequel entrèrent également l'abbé de Pradt et l'abbé Louis. Mais les cinq premiers doivent être considérés comme les principaux chefs. Parmi les agens qu'ils employèrent, pour corres

pondre avec les coalisés, les plus remarquables furent M. Laharpe et M. de Vitrolles, dont le dernier fut cependant le plus actif et le plus persévérant. M. de Pradt nous apprend que ce fut lui qui, muni des moyens de se légitimer, décida enfin les coalisés et fixa leur irrésolution (*). Une trentaine de sénateurs et environ quatre-vingts membres du corps législatif, étaient restés à Paris depuis la prorogation de ce dernier corps. Quelques-uns avaient été mis dans le secret de la conjuration, d'autres étaient restés, soit pour se trouver à portée du théâtre d'une crise, dont la pos sibilité se faisait entrevoir, soit appelés par leurs affaires, soit parce que leurs départemens étaient occupés par l'ennemi. Cette minorité, que la dissolution du corps législatif et l'absence de la régente laissait sans titre légal, était le moyen dont le prince de Bénévent avait résolu de se servir, pour accomplir ses desseins. Lorsque les barrières de Paris furent ouvertes aux coalisés, le comte de Nesselrode se hâta, ainsi que nous l'avons vu, de se rendre auprès du prince de Bénévent, afin de concerter les premières mesures à prendre. Le moment était pressant; l'arrivée subite de l'empereur Napoléon, pouvait, d'un instant à l'autre, changer la situation des affaires. Il fallait, sans retard, prendre des mesures décisives, et il fallait se garder d'en prendre d'imprudentes. Quoique

(*) Récit historique de la restauration, page 61.

constans dans leur dessein de priver Napoléon du trône de France, les souverains coalisés avaient trop de jugement pour se laisser éblouir pardesillusions; et les promesses imprudentes, que leur faisaient des hommes aveuglés par l'impatience de leurs désirs, n'étaient pas autre chose. Ils avaient assez pu apprécier, soit par eux, soit par leurs agens directs, la véritable opinion de la nation française, pour ne pas se convaincre que le retour à l'ancien ordre de choses, tel qu'il était avant la révolution, était impossible. En heurtant ouvertement les væeux, disons mieux, la volonté de la nation française; ils renversaient dans ses fondemens même, l'édifice qu'ils voulaient élever. Au lieu d'avoir conquis la capitale d'un gouvernement, qu'ils entendaient reconstruire sur d'autres bases et sous leur influence; ils se trouvaient chargés de la garde d'une population aussi nombreuse que mécontente, au milieu d'une nation irritée et me naçante. Ce n'est donc qu'à ce motif de prudence personnelle qu'il faut attribuer l'intercalation des mots : bonheur de l'Europe, grandeur et force de la France, et constitution qui conviendra au peuple Français et qu'il se donnera, qu'on a vu figurer dans leur déclaration du 31 mars. Ils y paraissent assez bizarrement, par leur comparaison avec l'aveu sincère de l'un d'eux, qui convint qu'ils avaient vingt ans fait la guerre aux principes constitutionnels (*).

(*) Réponse de l'empereur d'Autriche au sénat, le 14 mars 1814.

Trois partis se présentaient à la coalition. Celui d'exclure du trône la personne de l'empereur Napoléon, en y conservant son fils sous la régence de la mère. D'exclure toute la famille de Napoléon, en la remplaçant par une dynastie française ou étrangère. De rappeler la maison de Bourbon. Le premier parti pouvait peut-être convenir aux intérêts du gouvernement autrichien, qui aime assez à porter sa main où il peut. L'espoir d'établir une régence autrichienne en France, pouvait sourire au cabinet de Vienne et à l'ambition de quelques individus, qui auraient pu espérer de servir de tuteurs à une femme sans expérience et sans capacité pour les affaires, et que ses inclinations auraient toujours portée vers l'Autriche. Mais ce parti aurait été le pire qu'on pût prendre, pour la tranquillité de la France et de l'Europe. La domination des conseillers étrangers d'une régente étrangère elle-même; l'influence de l'oligarchie autrichienne et le secours qu'elle aurait prêté au parti féodal en France, pour essayer d'effacer jusqu'à la trace des institutions constitutionnelles : tout aurait tendu à plonger la France dans une crise terrible, qui aurait réagi sur l'Europe. Enfin rien ne garantissait que Napoléon ne pût revenir et enlever sans efforts une autorité éventuelle à sa femme et à son fils presque au berceau. Le second parti méritait un mûr examen et pourtant il est probable que la Russie, et par conséquent la Prusse, y auraient prêté l'oreille, si le prince

de Bénévent et ses collègues ne s'étaient hâtés d'y opposer des objections.

On mit en avant que l'opinion publique repousserait toujours un prince étranger, et que sa présence devenant un sujet de mécontentement de plus, hâterait une guerre civile au lieu de l'éloigner. Il n'y avait alors que deux Français qui pussent être mis sur les rangs. Mais l'un tenait lui-même à la dynastie qu'on vou lait déposséder, et la dernière objection opposée au projet de régence, se reproduisait contre lui. L'autre, bien loin de tenir à cette dynastie, avait toujours été en opposition avec l'empereur Napoléon. Son nom se rattachait à une belle époque de notre histoire moderne; à celle où nos citoyens armés pour la défense de la patrie, repoussaient les efforts de ses ennemis, les terrassaient et les forçaient de reconnaître l'indépendance de la nation. Ses opinions politiques comme général français, sa conduite à l'égard de la nation qui l'avait adopté et l'avait placé sur les premières marches du trône; enfin le libéralisme qu'il avait déployé depuis lors, semblaient se présenter comme des garans, que, loin de porter atteinte aux institutions que la France voulait conserver, il y consoliderait la monarchie constitutionnelle. C'est à cette occasion que des témoins dignes de foi assurent que l'empereur Alexandre, témoin des hésitations que causaient quelques-unes des propositions qui furent discutées, sécria: que ne prenez

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