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terrestre, devenu l'unique bien moral, c'est-à-dire le seul triomphe de la volonté humaine; de l'autre côté, l'on n'admit, en théorie, que la révélation ou l'induction théologique, et, en pratique, la recherche de l'intérêt céleste, devenu l'unique bien moral, c'est-à-dire le seul triomphe de la volonté divine. Ces deux partis hétérogènes envahirent alternativement l'Église et l'État, pour y établir leur domination suprême, en procédant à l'exclusion l'un de l'autre. Dès que le dogme du libre examen, principe exclusif du Protestantisme, se fut posé, dans l'Église et contre l'Église, en face du dogme de la soumission, principe exclusif du Catholicisme, il dut arriver que le dogme républicain de l'exclusive Souveraineté du Peuple, exprimant l'individualisation de l'autorité souveraine dans chacun des membres de la société politique, se poserait à son tour, dans l'État et contre l'État, en face du dogme monarchique de la Souveraineté du Roi, exprimant l'universalisation de l'autorité souveraine dans un seul membre de la société politique.

L'ère protestante eut pour but de fonder l'établissement légal de ces deux grands partis, au moyen même de leur opposition, devenue inhé

rente à la raison de l'homme et, en quelque sorte, l'élément vital des sociétés qu'elle livra souvent aux luttes les plus meurtrières. Effectivement, l'un de ces partis voulut d'abord constituer telle ou telle société, puis toutes les sociétés, sous la forme d'une République, établir entre elles une fédération générale des États dans leur complète indépendance individuelle, et garantir les destinées de l'humanité, en donnant libre carrière à sa perfectibilité indéfinie, pour qu'elle pût entièrement satisfaire ses intérêts matériels, présentés comme son bien suprême sur la terre; et l'autre parti voulut constituer toutes les sociétés sous la forme d'une Monarchie, établir entre elles une théocratie des États dans leur complète dépendance de la loi divine et garantir les destinées de l'humanité, en lui donnant le moyen d'expier sa chute originelle, afin que, par la grâce de Dieu, elle puisse entièrement satisfaire ses intérêts moraux, ou mieux retrouver l'immortalité, qui est son bien suprême dans le ciel (1). Quoique ces deux partis n'eussent, l'un et l'autre, qu'une valeur intrinsèque relative, en tant qu'ils exprimaient, celui-ci le droit divin, celui-là le droit humain, c'est-à-dire deux principes

(1) Hoëné Wronski, voir tous ses ouvrages philosophiques.

de vérité, mais non pas la vérité elle-même, ils n'en agirent pas moins, au sein de chaque société, comme si chacun d'eux eût possédé seul une valeur intrinsèque absolue. Aussi, méconnaissant la nécessité de leur double concours et de leur double existence, tendirent-ils bientôt à se détruire l'un par l'autre, pour se créer une domination exclusive dans l'intérêt même de la civilisation générale ; ils se l'imaginaient du moins, parvinrent-ils qu'à réaliser le plus grand triomphe de la barbarie.

et ne

Cette effroyable catastrophe s'accomplit en France, où l'antagonisme absolu des deux partis inaugura la période révolutionnaire actuelle par la sanglante exclusion légale de la Souveraineté divine et par la sanglante introduction légale de la Souveraineté humaine dans les États. Rien de plus sinistre, assurément, qu'une pareille tendance; car, si elle venait à prévaloir en Europe sous une forme gouvernementale quelconque, et surtout si elle y devenait permanente, il serait non-seulement impossible d'empêcher la ruine de tel ou tel peuple, mais de garantir le salut des sociétés. Remplaçant désormais la réalité par l'utopie, le vrai par le faux, la vertu par le

crime, la raison par la démence, la création par la destruction, Dieu par le Destin, l'esprit révolu→ tionnaire briserait, en effet, Tiares, Couronnes, Diadèmes, tous les insignes de l'ordre, pour régner seul au milieu du chaos; et ses lois politiques, négation des lois morales, consacreraient l'établissement absolu de l'immoralité, pour effacer les dernières traces du Christianisme, qui consacre l'établissement absolu de la moralité sur la terre.

Mais ce caractère sinistre de la Révolution française ne saurait être, aux yeux de l'Europe où elle s'est fatalement étendue, comme aux yeux de la France elle-même, qu'une abominable défiguration de son caractère providentiel, par quelques hommes dont les résolutions perverses ont neutralisé la sublime vocation de tout un peuple. Car, ayant la sentiment de l'impuissance totale où se trouvaient les deux grands partis européens, en tant que partis, de fixer par eux-mêmes la science réelle de l'État; et, de plus, ayant le pressentiment du véritable esprit organisateur qui se manifestait de tous côtés, la Nation française avait compris la nécessité d'établir elle-même une nouvelle forme de Gouvernement, de lui faire expri

mer un principe supérieur aux deux principes du droit humain et du droit divin en guerre ouverte depuis trois siècles, et d'effacer ainsi tout vestige de dualisme, pour reconstituer l'unité suprême, ou mieux pour opérer la régénération complète de l'humanité. L'importance de cette révolution consistait en ce que les partis, comprenant enfin l'impossibilité où ils se trouvaient de fonder leur propre Souveraineté, par cela seul qu'elle resterait toujours relative, devaient abdiquer à jamais leurs prétentions exclusives, s'élever eux-mêmes audessus de leurs tendances contradictoires, et agir de concert à l'effet de fonder une Souveraineté absolue. Mais, loin de se résigner à cette abdication nécessaire pour constituer un nouvel ordre public, ils poursuivirent, au contraire, leur lutte sinistre; et l'un d'entre eux profita de son triomphe transitoire pour constituer un état d'anarchie qu'il voulait rendre définitif. Ce fut l'œuvre des sectes philosophiques et matérialistes, qui, ayant résolu d'opérer la dissolution générale des sociétés, en leur ôtant la faculté du Bien, empruntèrent aux civilisations païennes une vieille maxime de liberté politique, c'est-à-dire la faculté du Mal, et, sous le nom de liberté révolutionnaire,

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