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LIVRE CINQUIÈME.

Napoléon au village de la Cour-de-France, près de Paris, le 30 mars au soir. - Rencontre des troupes françaises en retraite, du général Belliard et de l'empereur. L'empereur apprend la capitulation de Paris. Indignation de Napoléon. Il envoie Caulaincourt à Paris. Vaine tentative de Caulaincourt pour entrer dans Paris. - Son retour près de l'empereur. Il est renvoyé une seconde fois près des alliés. Napoléon se rend à Fontainebleau. Constantin et de Caulaincourt aux barrières. laincourt dans Paris. - Alexandre le reçoit. Entrevue d'Alexandre et de Caulaincourt.

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Rencontre du duc Il fait entrer Cau

I.

La nuit qui avait précédé cette entrée triomphale des souverains étrangers dans Paris, que faisait l'empereur?

Nous avons vu qu'après avoir ordonné la réunion à marche forcée de ses débris pour le 2 avril sous les murs de Paris, il avait quitté Troyes le 30 mars, à l'aube du jour, et qu'accompagné seulement de Berthier, son major général, et de Caulaincourt, son négociateur intime, il s'était précipité à toute course de ses chevaux vers Paris. Incertain des revers ou des succès de Marmont et

de Mortier, il tremblait pour le cœur de son empire, pour sa femme, pour son fils, pour ses frères, pour son trône et pour sa gloire. Il espérait que sa présence et son nom vaudraient une armée pour Paris. Il ne demandait plus que deux jours au temps et un répit à la destinée. Si le temps et la destinée les lui avaient accordés, soixante mille hommes concentrés sous les murs, une artillerie immense, des renforts faciles, un élan populaire imprimé par ses soldats, un ou deux coups d'éclat de ses armes sur Schwartzenberg ou sur Blücher, les négociations reprises par Caulaincourt sur la base de Châtillon pouvaient lui laisser encore, non la grandeur, mais le trône. Il ne contestait plus avec la nécessité de la paix. Il se hâtait pour la saisir après l'avoir tant de fois dédaignée. Mais la paix, l'empire, le trône et la gloire allaient lui échapper à la fois. Il courait pour apprendre plus vite l'arrêt du destin tant de fois dicté par lui, cette fois contre lui.

II.

En deux heures, la voiture de hasard qu'il avait empruntée près de Montereau le mena au galop à travers les sentiers ruraux de ces plaines entre le village d'Essonne et celui de Villejuif, presque aux portes de Paris. Il avait évité Fontainebleau, de

peur de trouver la ville occupée par des détachements de l'armée de Schwartzenberg. Personne sur les routes désertes par lesquelles son guide le conduisait, n'avait pu lui jeter un mot précurseur de ce qu'il allait apprendre sur le sort de Paris et de ses armées. La nuit était sombre, le froid glacial, l'empereur muet entre ses deux derniers compagnons de fortune. Cette voiture contenait le maître du monde courant au-devant de sa destinée.

Elle s'arrêta au village de la Cour-de-France, bâti sur le dernier mamelon qui domine d'un côté le cours et la vallée de la Seine, de l'autre le cours et la vallée de l'Essonne. Mais l'obscurité ne laissait apercevoir à droite et à gauche de ces deux grands horizons que les lueurs lointaines des feux de bivouac, s'étendant en lignes sur les coteaux de Villeneuve-Saint-Georges et de Charenton, et se prolongeant plus près jusqu'aux bords de la Seine, sans que l'empereur pût savoir si ces feux étaient ceux de Mortier et de Marmont, ou ceux des camps ennemis.

III.

Il se précipita hors de la voiture et courut à la maison de poste pour s'informer de ce qu'il brûlait et tremblait de savoir. Avant de rencontrer un seul

homme à interroger, il vit à quelque distance sur la large chaussée du village des soldats débandés qui marchaient en groupes vers Fontainebleau. Il s'étonne et s'indigne. « Comment, s'écrie-t-il, ne di>> rige-t-on pas ces soldats sur Paris? » Le général Belliard, un de ses lieutenants les plus dévoués, sort, à la voix de l'Empereur, de l'ombre de la porte, et lui dit le mot fatal de cette marche à contre-sens. Paris a capitulé, les ennemis y entrent demain, deux heures après le lever du soleil, et ces troupes sont les restes de l'armée de Marmont et de Mortier qui se replient sur Fontainebleau, pour aller se rejoindre autour de l'empereur à l'armée de Troyes.

Un long silence est la seule réponse de Napoléon, pareil au moment de silence qui succède au bruit d'un écroulement. C'était l'écroulement de son dernier espoir. Il passe la main à plusieurs reprises sur son front pour essuyer la sueur froide qui l'inonde; puis, comme un homme qui rassemble ses forces pour s'égaler à son revers, il recompose ses traits, raffermit sa voix, possède son caractère, et, feignant contre les hommes une colère qu'il n'a droit d'avoir que contre les événements, il se répand en mépris et en imprécations contre ses lieutenants, contre ses ministres, contre son frère, dont l'impéritie et le manque de caractère ont laissé l'avance à ses ennemis sur lui. Il marche à pas saccadés en

long et en large, suivi par Caulaincourt, Berthier et Belliard, sur la vaste place montueuse qui s'étend devant l'hôtellerie. Il s'arrête, il s'élance de nouveau, il paraît hésiter, il revient sur ses pas. Il semble donner à sa marche, tantôt lente et tantôt rapide, toute l'indécision, tous les élans, tous les retours, tous les mouvements confus de sa pensée. Ses lieutenants se regardent et n'osent mêler leurs conseils au conseil qu'il tient en lui-même. Puis il interroge encore.

« Où est ma femme? où est mon fils? où est l'ar>>mée? Qu'est devenue la garde nationale de Paris? >> et la bataille qu'on devait livrer jusqu'au dernier >> homme sous les murs! Et les maréchaux? et Mor>> tier? et Marmont? où les retrouver? » On lui répond, il écoute à peine les réponses. « La nuit est » encore à moi, s'écrie-t-il, l'ennemi n'y entre » qu'avec le jour! Ma voiture! ma voiture! Partons » à l'instant! Devançons Blücher et Schwartzen>>berg! Que Belliard me suive avec la cavalerie! >> Combattons jusque dans les rues et les places de >> Paris! Ma présence, mon nom, l'intrépidité de » mes troupes, la nécessité de me suivre ou de » mourir réveilleront Paris. Mon armée qui me suit » arrivera au milieu de la lutte; elle prendra les étrangers à revers pendant que nous les combat>>trons en face! Allons! une fortune m'attend peut>> être à mon dernier revers. » Et il pressait de la

TOM. I.

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