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jourd'hui. Je voudrais, avant de me rendre à cette entrevue, voir le roi des Romains (l'empereur d'Autriche), qui se trouve assez loin d'ici; en second lieu, il est inutile que je me mette en rapport avec Napoléon, si je ne dois pas revenir satisfait. Je vais vous faire accompagner par un homme qui possède toute ma confiance. Je lui donnerai une mission pour votre maître; faites en sorte qu'il le voie : la réponse qu'il rapportera me décidera. » Cet homme était le prince Dolgorouki, son premier aide-decamp. Savary partit avec lui, le laissa à la grand'garde française, et courut rendre compte à l'Empereur. Il se promenait dans les bivouacs de l'infanterie au milieu de laquelle il avait couché sur la paille. Il s'empressa de monter à cheval, partit au grand galop, mit pied à terre, fit retirer tout le monde et se promena seul sur la grande route avec le prince Dolgorouki.

Après les complimens vinrent les questions politiques. Encouragé par l'air de circonspection avec lequel on le recevait, par la réserve et la timidité qui semblaient respirer dans la contenance de l'armée, le Russe tranchait sur tout avec une impertinence difficile à imaginer. C'était, en un mot, un jeune trompette de l'Angleterre. Il alla jusqu'à proposer à Napoléon de céder la Belgique, et de livrer la couronne de fer à la race dégénérée des rois de Sardaigne. 1

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1 Termes des trente et trente-troisième bulletins.

EMPIRE. 11.

L'Empereur contenait son indignation; il atteignait ainsi son but. La fierté russe se laissait aveugler par la présomption. Il n'était plus question de défaire l'armée française, elle était à moitié battue, il ne s'agissait que de la tourner et de la faire prisonnière. Elle n'avait eu de succès que par la lâcheté des Autrichiens. Les Russes avaient pour eux le nombre, la bravoure, l'enthousiasme produit par la présence de leur empereur.

Napoléon répondit avec sécheresse au prince Dolgorouki : « Si c'est là ce que vous aviez à me dire, allez rapporter à l'empereur Alexandre que je ne croyais pas à ces dispositions, lorsque je demandais à le voir. Je ne lui aurais montré que mon armée, et je m'en serais rapporté à son équité pour les conditions. Il le veut, nous nous battrons, je m'en lave les mains. >>

Quand le prince Dolgorouki fut parti, «< il faut, `ajouta l'Empereur, que ces gens-là soient fous, de me demander d'évacuer l'Italie, lorsqu'ils sont dans l'impossibilité de m'arracher Vienne. Quels projets avaient-ils done, et qu'auraient-ils donc fait de la France, si j'avais été battu? Par ma foi, il en arrivera ce qu'il plaira à Dieu, mais avant quarante-huit heures, je la leur aurai donné bonne,»

L'armée alliée avait continué son mouvement, dépassé Wischau et s'était formée. Napoléon, regardant comme certain qu'il y aurait le lendemain matin une grande bataille, avait fait prévenir les maréchaux Davoust, Bernadotte, Mortier, et les géné

raux de division Caffarelli, Boyer, Bourcier, Klein et Fauconnet, de partir sur-le-champ avec leurs troupes pour se porter à grandes marches sur Brunn, et de n'emmener aucuns bagages.

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La position des ennemis leur était en effet très avantageuse pour livrer bataille; mais ils ne surent pas en profiter; toujours frappés de l'idée que Napoléon se retirait, ils résolurent de manoeuvrer par leur gauche pour lui couper sa retraite sur Vienne.

Il fut ordonné au général Dumonceau de quitter Neustadt pour se rendre dans la capitale, et à Marmont de se rapprocher le plus possible de cette direction, et de se tenir très éveillé, afin de pouvoir prendre son parti dans le cas de circonstances extraordinaires. 2

Faisant une reconnaissance au-delà de ses avantpostes et comparant la position élevée et avantageuse de Pratzen à celle qu'il avait préférée, Napoléon dit aux généraux qui l'accompagnaient : « Si je voulais empêcher l'ennemi de passer, c'est ici que je me placerais; mais je n'aurais qu'une bataille ordinaire; si, au contraire, je refuse ma droite en la retirant vers Brunn, et que les Russes abandonnent ces hauteurs, ils sont perdus. » Ils les abandonnè

rent.

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Le 10, Napoléon voyant, à deux portées de canon

1 Lettres de Berthier, du 7 frimaire, huit heures du soir.

2 Idem du 8.

dit

de ses avant-postes, le mouvement de flanc que, pour tourner sa droite, commençait l'armée alliée, plusieurs fois : «< Avant demain soir cette armée est à moi. » L'ennemi se présentait à portée de pistolet devant les grand'-gardes; il défilait par une marche de flanc sur une ligne de quatre lieues, en prolongeant l'armée française qui semblait ne pas oser sortir de sa position, et paraissant craindre seulement qu'elle ne lui échappât. On fit tout pour le confirmer dans cette crainte. Murat poussa un petit corps de cavalerie dans la plaine; mais tout d'un coup, comme étonné des forces immenses de l'ennemi, il rentra à la hâte.

L'Empereur annonça la bataille à l'armée par cette proclamation:

<< Soldats, l'armée russe se présente devant vous pour venger l'armée autrichienne d'Ulm. Ce sont ces mêmes bataillons que vous avez battus à Hollabrunn, et que depuis vous avez constamment poursuivis jusqu'ici.

« Les positions que nous occupons sont formidables, et pendant qu'ils marcheront pour tourner ma droite, ils me présenteront le flanc.

<< Soldats, je dirigerai moi-même tous vos bataillons; je me tiendrai loin du feu, si avec votre bravoure accoutumée vous portez le désordre et la confusion dans les rangs ennemis; mais si la victoire était un moment incertaine, vous verriez votre Empereur s'exposer aux premiers coups: car la victoire ne saurait hésiter, dans cette journée surtout où il

y va de l'honneur de l'infanterie française, qui importe tant à l'honneur de toute la nation.

« Que sous prétexte d'emmener les blessés on ne dégarnisse pas les rangs, et que chacun soit bien pénétré de cette pensée, qu'il faut vaincre ces stipendiés de l'Angleterre, qui sont animés d'une si grande haine contre notre nation.

« Cette victoire finira notre campagne, et nous pourrons reprendre nos quartiers d'hiver, où nous serons joints par les nouvelles armées qui se forment en France, et alors la paix que je ferai, sera digne de mon peuple, de vous et de moi. >>

L'Empereur fut tout le jour à cheval pour placer. toutes les divisions de l'armée et la voir régiment par régiment. Il parla à la troupe; il vit tous les parcs, toutes les batteries légères. Il donna des instructions à tous les officiers; il visita les ambulances et les moyens de transport pour les blessés. Il revint dîner à son bivouac consistant en une cabane de paille que les grenadiers lui avaient faite. Il y appela tous les maréchaux; il les entretint de tout ce qu'ils devaient faire le lendemain, de tout ce qu'il était possible que l'ennemi entreprît.

Le soir on entendit tirailler à l'extrême droite. L'Empereur y envoya. Les Russes avaient déposté d'un village l'avant-garde du général Legrand et s'étaient arrêtés. Savary vint l'annoncer à Napoléon qui dormait profondément à son bivouac. Il envoya chercher le maréchal Soult, monta à cheval pour visiter lui-même incognito toute la ligne, et voir le

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