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lant s'en faire aimer, l'avait traitée, non en esclave, mais en reine. On pense bien que la délivrance de Blanche Jocereau ne s'opéra pas sans difficulté. Mais de quoi n'est pas capable, pour une bonne cause, la furia francese? Tout cela est raconté allègrement. Laïcus excelle dans le portrait et son Omar-ben-Ferdusi, tout farouche qu'il soit, n'en provoque pas moins l'admiration. Roi du désert, à lui obéissent mille tribus; il descend du prophète; il a des troupes de cavales plus rapides que le vent d'ouest; il est généreux; il est poète, et rien de plus pittoresque que ses déclarations d'amour à la « Perle de la Djalmara; » il nous rappelle enfin, par ses bons côtés, le noble Sidi-Mohammed, de Chrétienne et musulman, par Mme la marquise de Blocqueville. Autre mérite l'Allemand Laïcus ne manifeste pour la France aucune antipathie, et il décrit en connaisseur les paysages ensoleillés de cette terre mystérieuse de Numidie, devenue nôtre par l'héroïsme de nos soldats et la volonté patriotique de Charles X.

8 et 9. On peut compléter l'étude des mœurs algériennes par la lecture de l'Orpheline du 41°, de Mile Augusta Coupey. Cette orpheline, Hélène David, ses parents étant morts, a été adoptée par les officiers du 41° régiment de ligne, dont son père était capitaine. Sous ce rapport, l'histoire de l'orpheline tient d'un opéra-comique de M. de SaintGeorges, très en vogue: la Fille du Régiment. Mais, à ce détail s'arrête la ressemblance. Hélène répudie l'adoption, se fait institutrice et finit par épouser un militaire, Maurice de Savors. La vie d'Hélène David n'est pas sans péripéties, ni sans aventures. Les plus intéressantes ont l'Algérie pour théâtre, et leur dénoûment est des plus heureux : c'est la conversion au christianisme de la fille d'un riche Arabe, mariée par force à un certain Mohammed-el-Mesraim, qui, ne pouvant se faire aimer de la pauvre Néréis, la soumet à des tortures sans nom, à des humiliations épouvantables. Mlle Augusta Coupey a mis en parallèle l'état social et la condition privée de la femme chez les chrétiens et de la femme chez les musulmans. Le parallèlle est instructif, et montre admirablement que, sans le christianisme, la femme serait, en Europe, ce qu'elle est encore en Orient, une chose, une bête de somme, une esclave. Mentionnons aussi dans l'Orpheline du 41o, une vivante description d'Alger (quartiers de la ville basse). Le spectacle est vraiment curieux. Sur les places, sur les marchés, au coin des rues, c'est la population la plus cosmopolite et la plus bariolée qui se puisse voir ici,le Turc dédaigneux avec son turban vert; là, le juif crasseux, faisant tous les métiers; plus loin, l'Espagnol, mendiant avec des airs de Cid Campéador; ailleurs, le Maltais et l'Italien qui jouent du couteau; le Kabyle insouciant; le nègre, conducteur de bourriques; le Biskri, portefaix difforme; le Bédouin, accroupi sur son chameau; le Tunisien affairé; enfin le Français, débarqué de la

veille, étonné, inquiet, ahuri. Il y a de quoi.

- Ceci dit, l'Orpheline du 41° mérite quelques critiques c'est trop touffu, cela manque de jour, et, dans sa naïveté voulue, qui n'est pas sans grâce, le style laisse entrevoir, çà et là, quelques négligences choquantes. Nous préférons, de beaucoup, du même auteur, le roman de Marielle. C'est mieux écrit, mieux soigné, plus émouvant. Une petite fille, à la suite d'un naufrage, a été recueillie par une famille de paysans bretons les Kerrilis. Ces braves gens adoptent la petite naufragée et lui donnent le gracieux nom de Marielle. Il va sans dire que Marielle est élevée chrétiennement, mais à la paysanne, avec les petits Kerrilis. Un des garçons, Olivier, se prend d'attachement pour Marielle. Devenu grand, il la demande en mariage à sa mère. La mère Kerrilis, croyant que Marielle a fait les yeux doux à son fils, chasse la pauvre enfant qui n'en peut mais. Révolté de l'injustice, Olivier quitte la maison paternelle et va à la recherche de l'état civil de Marielle. Il n'a pour guide qu'un papier, trouvé sur la naufragée, au moment de la catastrophe, et indiquant l'adresse d'un certain Rimsell, Anglais, célibataire et millionnaire. Olivier débarque en Angleterre. Il trouve non-seulement Rimsell, qui est l'oncle de Marielle, mais encore le père de celle qu'il aime, le comte Ferruchi, ambassadeur d'Italie près le cabinet de Saint-James. Le comte Ferruchi s'est remarié après la mort et le naufrage de sa première femme, la mère de Marielle. Mais, en apprenant que sa fille existe, il part immédiatement pour la Bretagne avec Olivier Kerrilis. Reconnaissance, joie et larmes. Marielle est obligée de quitter ses parents d'adoption. Elle les quitte, en leur promettant bien de revenir. Elle dit adieu à Olivier et lui offre son amour à la condition qu'il s'en rendra digne. Olivier travaille, étudie, embrasse la carrière de marin, et, en peu d'années, il parvient au grade de capitaine de vaisseau. Dans l'intervalle, Marielle a refait son éducation. C'est une belle et noble demoiselle. Elle habite Florence, mais sa nouvelle condition ne lui fait oublier ni la Bretagne, ni sa « mère Kerrilis. » Elle lui écrit des lettres touchantes, dans le genre de celle-ci : « J'ai été fort contente. d'apprendre que la récolte s'annonce bonne, que vous avez coupé vos foins. Chers bien-aimés, que je vous aime! Prenez-garde de m'oublier; votre oubli me tuerait. Je mourrais de douleur. Olivier, mère, souvenez-vous de Marielle! » Pauvre Marielle! Elle mourut, en effet, et ce ne fut pas long. Son père lui fit épouser, malgré elle, un certain chevalier Natali. Marielle obéit; mais, quelques mois après, elle n'était plus. N'eût-il pas mieux valu qu'elle restât Bretonne et paysanne ? 11. Le roman historique est en déchéance. Pourtant, ce genre n'est pas encore abandonné. Sans revenir sur Un drame à Constantinople qui aurait ici sa place, mais que nous avons cru devoir classer JUILLET 1879. T. XXVI, 2.

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parmi les romans dont les mœurs d'Orient font les principaux frais, voici le Protectorat de Cromwel, par José de Campos; Dona Flor, par Gustave Aimard; la Belle Aragonaise, par Alexandre de Lavergne; la Peau d'un autre, par Fortuné du Boisgobey; le Coureur des montagnes, par Mary-Lafon; l'Amour en Prusse, par Charles Laurent, et Une poignée de héros, par Salières. L'auteur du Protectorat de Cromwel s'appelle-t-il réellement José de Campos, et ce nom castillan n'est-il pas un pseudonyme? En ce cas, l'auteur a du mérite à avoir ainsi, du premier coup et sans se tromper, mis sur ses pieds un volume de six cents pages. Si, au contraire, M. José de Campos est Français, nous ne lui ferons pas de compliments. Son Protectorat de Cromwel n'a rien de l'intérêt des romans historiques de Walter Scott et d'Alexandre Dumas père. On y voit figurer, il y est vrai, la Fronde, Mazarin, Anne d'Autriche, Cromwel et ses Têtes Plates. Tout cela se voit aussi dans Vingt ans après. Mais quelle différence entre Armand de Riamboy et l'incomparable d'Artagnan! Ce Riamboy est un filleul de Charles II, roi d'Angleterre. Il épouse Elvire, fille de lord Amasmole, et vient s'établir en France, à la mort de son royal parrain. Ce n'est pas suffisant pour captiver notre attention. Ajoutons que, malgré son allure espagnole, l'auteur du Protectorat n'est pas tendre pour les Stuarts et qu'il parle trop souvent du « fanatisme catholique » sans expliquer ce qu'il entend par là. M. José de Campos, circonstance atténuante, se pose en débutant dans la préface de son livre. Il ne le dirait pas qu'on s'en apercevrait aisément à certains détails puérils de son drame et aux titres bric-à-brac des chapitres de l'ouvrage. Travaillez, vrai ou faux Castillan : il y a de la marge. M. Emile Zola a bien débuté dans la littérature romanesque par trois volumes, genre Ponson du Terrail, intitulés : Les Drames de Marseille. Et ce n'est pas un crime d'imiter Walter Scott. Seulement, il ne faut l'imiter que dans ses qualités, et ne point s'attarder à rééditer les clichés du XIX Siècle sur le « fanatisme catholique. » -Reproche qui s'adresse également à M. Gustave Aimard, dont la Doña Flor est par trop émaillée de réflexions saugrenues sur le « cléricalisme mexicain! » Cette Doña Flor est, en outre, une œuvre sans intérêt et sans style. Qui reconnaîtrait ici le dramatique auteur des Trappeurs de l'Arkansas et de la Forêt vierge? Historiquement, la fable est encadrée dans certaines péripéties de la dernière guerre du Mexique. Un partisan, Horatio de Bustamente, guerroie contre les Français sous le nom d'El Escondido, la figure masquée par un voile noir. Il sauve la vie au capitaine de Bussy qui, comme lui, aime Doña Flor, et, avec lui, fait assaut de générosité. Cela pourrait donner matière à de brillantes scènes; mais, c'est mal raconté, et puis il y a un mensonge sur la couverture même du livre : c'est le portrait de

Doña Flor en fille de joie, en danseuse de fandango, en joueuse de castagnettes, avec quelque chose de provoquant et d'indécent dans le genre de la « Carmen » de Mérimée. Or, dans le roman, Doña Flor est la chasteté même. Probablement, la gravure est de l'invention de l'éditeur. Elle a été mise là comme amorce pour les imaginations libertines.

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12 et 13. Revenons du Mexique, et souhaitons buenas dias à la Belle Aragonaise, de M. Alexandre de Lavergne. C'est un épisode de la guerre d'Espagne sous le premier Empire. La belle Doña Inez de Amenzaga est sauvée de la brutalité d'un soldat par le brave souslieutenant Couturier. Dénoûment: Inez épouse Couturier. Il y a, dans le roman de M. de Lavergne, quelques tableaux d'une originalité saisissante. Citons, en première ligne, l'appel aux armes fait par les moines de Saragosse, parcourant, la nuit, les campagnes d'alentour et chantant ce refrain d'une si terrible énergie:

La virgen del Pilar dice

Que non vuol esser francese,
Que quere commandar en jefe

Las tropas aragonesas.

C'est aussi la guerre d'Espagne qui est en cause dans le Coureur des montagnes, de M. Mary-Lafon. Mais son œuvre a de telles complications qu'elle échappe à toute analyse. Le « Coureur des montagnes » est un certain Jean Fau, être mystérieux et puissant qui, vingt fois, au péril de la sienne, sauve la vie d'un jeune Français, Julien de Fontbauzard, fils d'un émigré, chargé par son père de porter aux Espagnols un message de Ferdinand VII. Vers les dernières pages, l'énigme se découvre. Jean Fau n'est autre que don Juan de Villaba, marquis de Castelar, lequel donne sa fille Dolores en mariage à Julien de Fontbauzard. Dans ce cadre, M. MaryLafon a fait rentrer les horreurs du siège de Saragosse, les exploits de Mina le Guerillero, la mort héroïque et tragique de Palafox, que sais-je encore? C'est chaud, vibrant et coloré. Il est fâcheux que la passion politique ait trop souvent guidé la plume du narrateur. Il a beau s'indigner contre la « férocité des moines, » contre les guetapens tendus aux Français par les Espagnols, contre le « fanatisme >> de nos adversaires. Sans excuser ni les cruautés ni les crimes (qui ne sont jamais excusables), on les comprend très-bien dans l'espèce. La guerre d'Espagne fut la grande faute de l'empereur Napoléon : c'était une guerre injuste. Les Espagnols se battaient pour leurs foyers: pro focis. Et ce que Mary-Lafon appelle du « fanatisme, »> d'autres le nomment, plus justement, du « patriotisme. » Dans tous les cas, son roman, qui a des pages forts attrayantes et des types inoubliables dans le genre de celui du curé basque Harrichabalet, personnage

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qu'on croirait détaché d'un poème de l'Arioste, son roman eût gagné à plus de modération et d'impartialité. En ce temps-là, les religieux faisaient le coup de feu sans doute : mais c'étaient des moines-soldats, austères et graves, et non des goinfres, des bandits et des hypocrites. Si, dans le nombre, il s'en est trouvé quelques-uns étalant les vices que leur attribue M. Mary-Lafon, c'est se complaire dans le sophisme et non écrire d'après l'histoire que de conclure ainsi du particulier au général. Je dois dire que M. Alexandre de Lavergne n'est pas tombé dans des exagérations aussi criantes. Sa Belle Aragonaise n'est pas sans défauts; mais ils n'ont rien de trop choquant. Ajoutons, puisque nous y sommes, que la Belle Aragonaise est suivie d'une charmante nouvelle, le Fantôme de Fontevrault, dans laquelle sont évoquées ces filles, femmes et veuves de rois et de hauts gentilshommes, qui, sous les voûtes du célèbre monastère fondé par Robert d'Arbrissel, venaient chercher la paix de l'esprit, le calme du cœur Bertrade de Montfort, veuve du comte d'Anjou, favorite délaissée de Philippe de France; Mathilde Plantagenet, veuve de Guillaume, fils de Henri Ier, roi d'Angleterre; Anne d'Orléans, sœur de Louis XII; Éléonore de Bourbon, tante d'Henri IV; GabrielleAdélaïde de Rochechouart-Mortemart, sœur de la fière Vasthi-Montespan qui régnait alors à Versailles; enfin, Julie-Sophie de GondrinPardailhan-d'Antin, pauvre vieille abbesse que la Révolution chassa de la solitude claustrale et qui mourut de misère en 1799, victime expiatoire des fautes qu'avaient pu commettre, dans leurs jours de splendeur et de gloire, ses nobles devancières.

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14. Sous la Restauration, il ne fut question, pendant quelque temps, que d'un superbe lieutenant-colonel de gendarmerie, connu sous le nom de comte Pontis de Saint-Hélène. Or, ce n'était qu'un aventurier nommé Pierre Coignard. Fils d'un vigneron, il servit d'abord comme caporal dans les grenadiers de la Convention nationale. Condamné pour vol à quatorze ans de galères en 1801, il s'évada en 1805, passa dans un corps de partisans en Espagne, puis dans l'armée française à l'aide de faux états de service. Il se distingua dans les 100e et 80 régiments de ligne. Blessé plusieurs fois, il fut jugé digne par le maréchal Soult, du grade de chef de bataillon. En 1814, il profita de l'incendie des registres de la ville de Soissons, pour se faire accorder un acte de notoriété d'où résultait pour lui un état civil considérable. Louis XVIII, qu'il avait suivi à Gand, le nomma lieutenant-colonel de la légion de gendarmerie de la Seine. Il fut aussi décoré de plusieurs ordres. Cependant, il continuait d'être le chef d'une bande qui opérait des vols importants. Reconnu à une revue des Tuileries, et dénoncé par un ancien compagnon de bagne, il fut, le 11 juin 1819, après onze mois d'instruction, condamné à la

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