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Il lui parle des bruits qui se répandent depuis quelque temps sur un nouveau système qu'on prête aux alliés il lui demande s'il est vrai que la querelle que nous fait l'Europe ait en effet changé de nature; si c'est maintenant à sa personne, à sa dynastie qu'on en veut; et si, conformément au plan favori de l'Angleterre, c'est maintenant de la famille des Bourbon qu'on s'occupe. Le prince Listchtenstein rejette vivement ces bruits, comme n'étant pas fondés: mais Napoléon lui fait sentir qu'ils n'ont que trop de consistance par la présence du duc d'Angoulême au quartier-général des Anglais dans le midi; par l'arrivée du duc de Berry à Jersey, dans le voisinage de nos départemens de l'ouest ; et sur-tout par le voyage du comte d'Artois, qui est déjà en Suisse, et qui s'annonce comme devant continuer sa route à la suite du quartier-général des alliés.

Napoléon témoigne combien il lui répugne de croire que son beau-père puisse entrer dans de pareils projets : M. de Listchtenstein continue de répondre par les protestations les plus tranquillisantes. Il ne veut considérer le rôle qu'on fait jouer aux Bourbon que comme un moyen de guerre, à l'aide duquel on espère opérer quelques diversions dans nos provinces; mais il assuré qu'il n'y a rien de sérieux à cet égard; que l'Autriche d'ailleurs ne s'y prêterait pas;

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et qu'enfin on n'en veut ni à l'existence de l'empereur ni à sa dynastie; qu'on désire la paix, et que la preuve en est dans la mission qu'il vient remplir.

Napoléon prévient M. de Listchtenstein qu'il compte coucher le soir même à Troyes, et le congédie en promettant d'envoyer dès le lendemain un général français aux avant-postes pour négocier l'armistice.

Ces pourparlers sont l'heureux présage de la cessation prochaine des hostilités; ils nous promettent une négociation plus franche, et des conditions meilleures qu'à Châtillon : ils doivent réjouir tout le monde, et cependant les flatteuses espérances, qui déjà se répandent dans l'armée, ne dissipent pas les inquiétudes de ceux qui approchent Napoléon! C'est peut-être l'effet d'une circonstance dont nous allons rendre compte.

Le baron de Saint-Aignan, le même qui, au mois de novembre précédent, avait été chargé des propositions de Francfort, venait d'arriver de Paris. Napoléon le reçoit immédiatement après l'aide-de-camp autrichien, et dès les premiers mots laisse échapper la confiance que cette démarche des alliés lui inspire. M. de SaintAignan se trouvait chargé par divers personnages de présenter à Napoléon le tableau vrai des angoisses que la capitale éprouve encore. Les victoires de Montmirail et de Vauchamps n'ont pas rassuré; celles de Nangis et de Montereau ne rassurent pas davantage. On redoute de nouveaux revers; on redoute également de nouveaux succès; on craint que, dans l'un et l'autre cas, Napoléon ne se confie trop facilement à son épée ; et ce qu'on voudrait sur-tout, c'est qu'il employât davantage la voie des négociations. M. de Saint-Aignan vient donc l'entretenir des voeux que l'on forme à Paris pour qu'il se décide à des concessions. Une pareille conversation allait faire un contraste assez brusque avec la précédente; mais cette considération, loin d'arrêter M. de Saint-Aignan, l'encourage au contraire à parler, puisqu'il va être entendu dans un moment décisif : il s'acquitte de sa mission avec toute la franchise et toute la loyauté qui le distinguent. Rien n'est négligé par lui pour faire sentir que, dans l'état actuel des affaires, il

y a nécessité de tout sacrifier à la conclusion de la paix. <«< Sire, s'écrie en terminant M. de Saint-Aignan, la << paix sera assez bonne, si elle est assez prompte! -Elle >> arrivera assez tôt si elle est honteuse! » réplique Napoléon. Son front se rembrunit, et M. de Saint-Aignan est brusquement congédié. Bientôt ces derniers mots se répètent. On monte à cheval, et chacun suit en silence la route de Troyes.

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CHAPITRE VI,

L'ARMÉE FRANÇAISE ENTRE DANS TROYES.
SÉJOUR DE NAPOLÉON DANS CETTE VILLE.
CIATION DE L'ARMISTICE A LUSIGNY.

(Du 23 au 27 février.)

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L'ARMÉE arrive devant Troyes dans l'après-midi du 23 février; mais elle trouve les portes fermées et barricadées. Les Russes, qui n'ont pas entièrement évacué la ville, prétendent nous la disputer pour quelques heures, et le combat s'engage. Cependant la nuit survient; l'ennemi en profite pour demander, par un aide-decamp, que la remise des portes soit différée jusqu'au lendemain matin, à la pointe du jour. Napoléon préfère le salut de Troyes à toute considération militaire; il fait suspendre l'attaque, consent à l'arrangement proposé, et se retire, avec ses principaux officiers, dans une maison du faubourg des Noües,

Malgré cette espèce de trève, le canon continue de se faire entendre de temps en temps; les troupes, qui se sont répandues de nuit dans les faubourgs de la route de Paris, dévastent les habitations et les jardins ; du côté opposé, l'ennemi met le feu au faubourg par le→ quel il effectue sa retraite; plusieurs villages brûlent dans la campagne, et l'horizon n'est éclairé de toutes parts que par la lueur des bivouacs et des incendies. Dans l'intérieur de la ville, le départ nocturne de cette

foule de soldats de diverses nations donne un libre cours aux scènes de désordre et de violence.

Le jour paraît enfin ; l'avant-garde de l'armée française prend possession des postes, et Napoléon entre avec les premières troupes dans la ville. Avant de se rendre à son logement, il veut faire le tour des murs, reconnaître en quel état la ville lui est rendue, faire occuper les postes les plus importans, et présider luimême au bon ordre, pendant que l'armée traverse les rues; mais il peut à peine se faire passage dans la foule qui se précipite autour de lui; on l'accueille par les acclamations les plus vives; c'est à qui pressera ses bottes et baisera ses mains: on dirait que la paix est signée, que tous les maux de la guerre sont finis, et que Troyes, désormais affranchi de toute crainte, improvise un triomphe à son libérateur!

Cependant, au milieu de l'expansion générale, des plaintes s'élèvent on parle de traîtres, on dénonce des coupables; et ces cris ne sont pas seulement ceux du peuple, ils sont répétés par des personnes qui paraissent appartenir aux classes les plus honorables du commerce et de la bourgeoisie.

Les habitans de Troyes venaient de passer dix-huit jours sous le joug des armées ennemies: quelque adoucissement que la présence des souverains alliés eût apporté parmi eux au poids de la guerre, une telle situation avait paru affreuse à de paisibles citoyens , pour lesquels elle était si nouvelle et si imprévue. Ce peuple, exaspéré par les violences et les humiliations, avait vu d'un œil mécontent que quelques-uns de ses compatriotes ne partageassent pas son ressentiment contre les étrangers; il allait jusqu'à comprendre dans ses soupçons ceux que des circonstances particulières avaient

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