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Négociations des princes avec la cour: Rohan, Chavigny et Goulas à Saint-Germain (28-29 avril). Prétentions des princes et de leurs députés. Mauvais succès de ces négociations. Mécontentement de Condé, du parlement et du cardinal de Retz. Mission secrète de Gourville (mai 1652); propositions dont il est chargé. — Mazarin refuse de les accepter; lettre confidentielle du cardinal à l'abbé Fouquet (5 mai). Madame de Châtillon continue de négocier au nom de Condé; caractère de cette dame; elle se fait donner par Condé la terre de Merlou. Mazarin profite de toutes ces négociations et divise de plus en plus ses ennemis. Le prévôt des marchands est maltraité par la populace. - La bourgeoisie prend les armes (5 mai). — Défaite de l'armée des princes à Étampes (5 mai).- Le parlement envoie le procureur général, Nicolas Fouquet, à Saint-Germain. Harangue qu'il adresse au roi. Nouvelle mission de Fouquet à Saint-Germain (10-14 mai). Relation qu'il en fait au parlement (16 mai). Les princes rompent les négociations avec la cour et reprennent les armes,

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Les députés des princes, Rohan, Chavigny et Goulas, se rendirent à Saint-Germain le 28 avril. Nous connaissons Chavigny : c'était le vrai dépositaire des secrets du prince de Condé. Les deux autres n'eurent qu'un rôle secondaire. Le duc de Rohan, désigné pendant longtemps sous le nom de Chabot, avait fait sa fortune en épousant l'héritière de la maison de Rohan. Il venait d'essuyer à Angers un échec, qui avait terminé tristement une

expédition commencée sous d'heureux auspices. On disait de lui, à cette occasion, « qu'il avait débuté en Rohan et fini en Chabot. » Quant à Lamothe-Goulas, secrétaire des commandements de Monsieur, il semblait chargé plus spécialement de représenter les intérêts de Gaston. Mais la correspondance secrète de Mazarin avec l'abbé Fouquet prouve que Goulas était vendu à la cour et servait auprès du duc d'Orléans les intérêts du cardinal.

On avait défendu aux négociateurs de traiter directement avec Mazarin; mais à peine les conférences furent-elles commencées, que le cardinal intervint et y joua le principal rôle. Il excellait dans l'art de diviser ses ennemis, de nouer des intrigues et de semer des défiances. En cette circonstance, il fut servi merveilleusement par les prétentions exorbitantes des princes1 et de leurs députés. Chavigny demanda, avant tout, l'établissement d'un conseil qui aurait dirigé les affaires publiques et annulé l'autorité de la régente. Il espérait avoir le premier rang en l'absence de Mazarin, dont les princes exigaient l'éloignement. L'établissement de ce conseil fut le point sur lequel Chavigny insista particulièrement. Quant aux intérêts particuliers de Condé et de ses partisans, il parut disposé à les sacrifier. Le prince demandait, entre autres choses, à être chargé d'aller négocier la paix avec les Espagnols; mais, comme il était notoire qu'il avait des intelligences et

1 Mémoires de la Rochefoucauld, de madame de Motteville et de Retz, etc. à la date d'avril 1652.

2 Mémoires de madame de Motteville, à l'année 1652 (avril).

même un traité avec ces ennemis de la France, cette condition fut rejetée.

Les négociateurs revinrent à Paris dès le 29 avril, sans avoir rien conclu. Condé accusa Chavigny de n'avoir pas soutenu sa cause avec assez de zèle et lui retira sa confiance. De son côté, le parlement se plaignit de n'avoir pas été admis aux négociations', et ordonna au procureur général, Nicolas Fouquet, de se rendre à SaintGermain pour demander au roi de recevoir une députation de la compagnie. Enfin le cardinal de Retz, qui était également irrité d'avoir été laissé de côté par les princes, fit répandre, par les pamphlétaires dont il disposait, des écrits satiriques où l'on dévoilait l'ambition. de Condé et le peu de souci qu'il avait de l'intérêt public 2.

Condé n'en continua pas moins ses négociations secrètes avec la cour; mais, au lieu de choisir des députés d'un rang élevé, il employa Gourville, qui était attaché au duc de la Rochefoucauld et dont le rang subalterne semblait mieux convenir à une négociation mystérieuse. Esprit fin, délié, insinuant, Gourville était parfaitement propre à lutter contre le génie rusé du cardinal et à démêler ses véritables sentiments. Il était

1 Voy. les Mémoires d'Omer-Talon, à la date de mai 1652.

2 Mémoires du cardinal de Retz, à l'année 1652; voy., parmi ces pamphlets, les Intrigues de la paix, écrit attribué à Gui Joli, un des partisans dévoués de Paul de Gondi; le Vraisemblable sur la conduite de Mgr le cardinal de Retz; le vrai et le faux du prince de Condé et du cardinal de Retz.

3 Voy., sur la négociation de Gourville, les Mémoires de la Rochefoucauld et de madame de Motteville. Gourville lui-même n'en dit que quelques mots dans ses Mémoires.

chargé de presser Mazarin de donner une réponse positive à une série de demandes que Condé posait comme ultimatum. Ce prince voulait être chargé d'aller négocier la paix avec les Espagnols, et obtenir pour tous (eux qui l'avaient servi dans sa lutte contre la royauté le rétablissement dans leurs charges et dignités. La Guienne, qui s'était déclarée pour la Fronde, devait être délivrée d'une partie des impôts. Il réclamait pour son frère, le prince de Conti, le gouvernement de Provence; pour le duc de Nemours, celui d'Auvergne; pour le président Viole, une charge de président à mortier; pour la Rochefoucauld, un brevet semblable à celui du duc de Bouillon et du prince de Guéménéc; pour Marsin et du Dognon, le titre de maréchaux de France; pour M. de Montespan, des lettres de duc; pour le duc de Rohan, le gouvernement d'Angers; pour M. de la Force, le gouvernement de Bergerac; enfin, pour le chevalier de Sillery, un brevet de l'ordre du Saint-Esprit. Si le cardinal acceptait ces conditions et consentait à s'éloigner pour quelque temps, Condé promettait de se séparer de la Fronde, de ménager un prompt retour du ministre et de le soutenir contre ses ennemis.

Mazarin ne repoussa pas tout d'abord les ouvertures du prince; son génie et son intérêt le portaient également à négocier. Mais ses lettres confidentielles prouvent qu'il n'était nullement disposé à accepter de pareilles conditions. Quoique l'abbé Fouquet fût toujours prisonnier, le cardinal trouvait moyen de lui faire parvenir ses ordres et ses confidences. Il lui écrivait le 5 mai : « Ce que je vous puis dire sur les propositions

que l'on fait pour l'accommodement, c'est qu'il y a beaucoup de choses captieuses. Car entre nous on veut commencer par mon éloignement, et, dans la constitution présente des choses, j'ai sujet de croire que, si j'étais une fois éloigné, on formerait des obstacles à mon retour, qu'il serait plus difficile de vaincre. De plus, M. le Prince insistant à vouloir être employé pour la paix générale, s'il réussissait dans cette négociation, il lui serait fort aisé d'imprimer dans l'esprit des peuples que ç'a été l'effet de mon éloignement et de ses soins, et que, s'il n'avait pas traité avec les Espagnols et pris les armes pour forcer le roi à donner les mains à la paix, je l'aurais toujours éloignée, de sorte qu'au lieu que les Français ont de l'horreur de la liaison qu'il a faite avec les ennemis de cette couronne et de sa rébellion, ils croiraient qu'il a pris la meilleure voie pour terminer la guerre étrangère et le considéreraient comme l'auteur du repos et du bien public. C'est pourquoi le roi ne saurait jamais donner les mains à cette condition, d'autant plus qu'il n'y a guère d'apparence qu'il fasse son confident et son plénipotentiaire une personne qui a de si grands engagements avec ses ennemis, et qui a encore les armes à la main contre Sa Majesté. »

Cependant Mazarin continua toujours d'amuser le prince de Condé par des négociations. Après Gourville, ce fut madame de Châtillon qui fut chargée de les continuer au nom du prince. « Elle crut, dit la Rochefoucauld', qu'un si grand bien que celui de la paix devait 1 Mémoires, éd t. Michaud et Poujoulat, p. 478.

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