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suite de cette négociation, et qu'elle se terminera avec beaucoup de gloire et d'avantage pour M. de Lorraine, avec le rétablissement du repos de la France, et peutêtre de toute la chrétienté. Je vous prie de l'assurer bien expressément de la continuation de mon estime et de mon amitié, et de le remercier, de ma part, de tous les sentiments qu'il vous a déclaré si obligeamment avoir pour moi. >>

L'ancien garde des sceaux, Châteauneuf, qui était toujours resté en relation avec madame de Chevreuse, fut chargé de régler les conditions du traité avec le duc de Lorraine. Tout fut terminé dès le lendemain 6 juin, et, le même jour, Châteauneuf écrivait à la reine « M. de Lorraine est venu céans sur les dix heures, et nous sommes convenus des articles que j'envoie à Votre Majesté; ils sont à peu près selon l'intention de Sa Majesté et le pouvoir qu'Elle m'a donné. L'armée, qui est devant Étampes, peut tout tenter jusqu'à mardi, quatre heures du matin; car, encore que le jour du lundi1 soit exprimé dans le traité, j'ai retiré de M. de Lorraine un écrit particulier que ce mot de lundi s'entend tout le jour, et il suffit que l'armée se retire le mardi à quatre heures du matin.; ainsi elle a le lundi tout entier. Je n'ai fait la suspension d'armes que pour dix jours; et, si l'armée des princes sort d'Étampes, celle de Votre Majesté la peut suivre toujours à quatre lieues près. Si elle est suivie, elle est perdue en l'état qu'elle est, et, cela cédé, M. de Lorraine obligera les princes à

1 Le lundi était le 10 juin.

se soumettre à telles conditions qu'il plaira à Votre Majesté. Aussitôt que le siége d'Étampes sera levé, M. de Lorraine fait état d'aller saluer Vos Majestés, et leur proposer son entremise pour la paix d'Espagne et celle des princes. Après quoi, dit-il, il suppliera Vos Majestés de lui donner la sienne et le recevoir à votre service envers tous, excepté les Espagnols. Il m'a dit que jusqu'ici ni Monsieur ni M. le Prince ne savaient rien de ces articles; qu'il voulait sortir de Paris, et que de son camp il leur en donnerait part. Je doute de cela, et la suite nous le fera connaître. J'ai promis d'ici à demain, qui est le 7, de lui donner la ratification des articles, si Votre Majesté les a agréables. »

Ainsi, les conditions arrêtées étaient : 1° la levée du siége d'Étampes qui devait avoir lieu le 10 juin; 2o une suspension d'armes de dix jours, pendant laquelle les armées resteraient à une distance d'au moins quatre lieues l'une de l'autre ; 3° la retraite du duc de Lorraine, qui devait s'effectuer en quinze jours, par une route déterminée à l'avance, et sans qu'il fût inquiété par les troupes royales. Les conditions furent exécutées au grand étonnement des Frondeurs, qui s'aperçurent trop tard qu'ils avaient été joués par le duc de Lorraine. <«< Tout Paris, dit mademoiselle de Montpensier', était dans des déchaînements horribles contre les Lorrains; personne ne s'osait dire de cette nation de peur d'être noyé. »

Outre la duchesse de Chevreuse, la cour avait em

1 Mémoires, t. II, p. 82 (édit. Charpentier). rart, p. 560 (édit. Michaud et Poujoulat).

Voy. Mémoires de Con

ployé dans cette négociation une autre dame également renommée pour sa beauté et sa galanterie. C'était madame de Guéménée (Anne de Rohan), que les Mémoires de Retz font parfaitement connaître. L'abbé Fouquet entretenait aussi des relations avec cette dame, et ce fut sans doute lui qui la détermina à servir la cour. On cacha à madame de Chevreuse cette nouvelle intrigue; mais elle est parfaitement constatée par les lettres de Mazarin. Il écrivait le 9 juin à l'abbé Fouquet : « Je vous fais seulement ces trois mots pour vous dire dans la dernière confidence que M. de Lorraine m'a écrit, et a fait dire à la reine que madame la princesse de Guéménée a fort bien agi, et comme une personne tout à fait servante de Sa Majesté et de mes amies particulières. La reine serait bien aise qu'elle pût trouver quelque prétexte de venir ici pour y être en même temps que M. de Lorraine, qui y sera demain, au moins à ce qu'il m'a promis. Je recevrai beaucoup de joie d'avoir l'honneur de l'entretenir. Sur tout, je vous prie, si elle veut prendre cette peine, qu'elle fasse la chose en sorte que madame de Chevreuse ne puisse point pénétrer qu'on l'ait invitée d'ici à y venir, et le secret en ceci est fort important. »

Tout réussit, comme le cardinal l'avait espéré, et le duc de Lorraine, après avoir fait quelques démonstrations pour secourir Étampes, s'éloigna de Paris, laissant les campagnes désolées. Mazarin a bien soin, dans ses lettres, de rejeter ces calamités sur les princes. Il écrivait à l'abbé Fouquet : « Vous aurez déjà su, je m'assure, à Paris, ce qui s'est passé avec M. de Lorraine, et

avec combien de sincérité on a procédé avec lui, puisque M. de Turenne pouvant lui faire courir grand risque, comme lui-même et le roi d'Angleterre1 l'avoueront, il a préféré à cet avantage l'exécution des ordres de la cour, qui lui défendaient d'attaquer ledit sieur duc; mais il demanda qu'il voulût rompre son pont, séparer ses troupes d'avec celles des princes et se retirer à la frontière, comme il s'est engagé de faire. Il ne parle point de venir à la cour; mais il assure qu'il est plus résolu que jamais d'achever son accommodement particulier, étant bien persuadé de l'avantage qu'il y trouvera, et que l'on veut traiter à la cour de bonne foi. Les environs de Paris ne perdront pas à son éloignement, et il sera bon de faire valoir que j'y ai contribué. >>

La misère des campagnes fut en effet un peu allégée par le départ du duc de Lorraine; mais la situation de Paris était toujours déplorable. Le nombre des pauvres s'y accroissait d'une manière effrayante. On eut recours, dans ces calamités, à sainte Geneviève, patronne de la capitale. La châsse de cette sainte fut promenée dans la ville le 11 juin avec un cérémonial dont les Mémoires du temps nous ont laissé une ample description'. Le prévôt des marchands demanda et obtint, pour cette

↑ Charles II qui s'était retiré en France. On voit par les Mémoires de mademoiselle de Montpensier et de madame de Motteville, que le roi d'Angleterre fut employé dans les négociations avec le duc de Lorraine.

Voy. entre autres dans le Choix des Mazarinades (t. II, p. 367) la pièce intitulée L'ordre et la cérémonie qui se doit observer, tant en la descente de la châsse de sainte Geneviève qu'en la procession d'icelle, etc.

procession, l'autorisation du chapitre de Notre-Dame et des religieux de Sainte-Geneviève, puis s'adressa au parlement, qui fixa l'époque de la cérémonie. Après un jeûne de trois jours, les religieux de Sainte-Geneviève descendirent la châsse à une heure après minuit. Le lieutenant civil d'Aubray, le lieutenant criminel, le lieutenant particulier et le procureur du roi la prirent en leur garde, en répondirent à la communauté, et se tinrent pendant la procession autour de la châsse. La marche était ouverte par les quatre ordres de religieux mendiants, savoir les cordeliers ou franciscains, les jacobins ou dominicains, les augustins et les carmes. Venait ensuite le clergé des principales paroisses subordonnées à Notre-Dame, avec les châsses célèbres de saint Magloire, saint Médéric ou saint Merry, de saint Landry, sainte Avoie, sainte Opportune, saint Marcel, et enfin la châsse de sainte Geneviève portée par des bourgeois de Paris. L'abbé de Sainte-Geneviève et les religieux, pieds nus, marchaient à la droite de la châsse. A gauche se trouvait le clergé de Notre-Dame. Le parlement suivait; on y remarquait les présidents de Bailleul, de Nesmond, de Maisons, de Mesmes et le Coigneux. Le maréchal de l'Hôpital, gouverneur de Paris, marchait entre les deux premiers présidents. Le parquet, composé du procureur général, Nicolas Fouquet, et des avocats généraux, Bignon et Talon, figura aussi à cette cérémonie, ainsi que la chambre des comptes,

1 Ces quatre magistrats étaient officiers du Châtelet, c'est-à-dire qu'ils remplissaient des offices de judicature au tribunal de ce nom.

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