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La nuit, qui arriva sur ces entrefaites, me fit craindre que l'ennemi ne cherchât à se faire jour l'épée à la main. Je fis réunir tous les bataillons, et je fis faire des épaulemens en tonneaux, et des barrures d'obusiers, à demi-portée de fusil.

Le 25, à la pointe du jour, l'armée sarde et autrichienne et l'armée française se trouvèrent en présence; ma gauche, commandée par le général Augereau, tenait bloqué le général Provera. Plusieurs régimens ennemis, où se trouvait entre autres le régiment Beljioso, essayèrent de percer mon centre. Le général de brigade Ménard les repoussa vivement, je lui ordonnai aussitôt de se replier sur ma droite; et, avant une heure après midi, le général Masséna déborda la gauche de l'ennemi, qui occupait, avec de forts retranchemens et de vigoureuses batteries, le village de Dego. Nous poussâmes nos troupes légères jusqu'au chemin de Dego à Spino. Le général Laharpe marcha avec sa division sur trois colonnes serrées en masse ; celle de gauche, ; commandée par le général Causse, passa la Bormida sous le feu de l'ennemi, ayant de l'eau jusqu'au milieu du corps, et attaqua l'aile gauche de l'ennemi, par la droite. Le général Servoni, à la tête de la deuxième colonne, traversa aussi la Bormida sous la protection d'une de nos batteries, et marcha droit à l'ennemi. La troisième colonne, commandée par l'adjudant-général Boyer, tourna un ravin, et coupa la retraite à l'ennemi. Tous ces travaux, secondés par l'intrépidité des troupes et les talens des différens généraux, remplirent le but qu'on en attendait. Le sang-froid est le résultat du courage, et le courage est l'apanage des Français.

L'ennemi, enveloppé de tous les côtés, n'eut pas le temps de capituler; nos colonnes y semèrent la mort, l'épouvante et la fuite.

Pendant que, sur notre droite, nous faisions les dispositions pour l'attaque de la gauche de l'ennemi, le général

Provera, avec le corps de troupes qu'il commandait à Cossaria, se rendit prisonnier de guerre.

Nos troupes s'acharnèrent de tous les côtés à la poursuite de l'ennemi. Le général Laharpe se mit à la tête de quatre escadrons de cavalerie, et le poursuivit vivement.

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Nous avons, dans cette journée, fait de sept à neuf mille prisonniers, parmi lesquels un lieutenant-général, vingt ou trente colonels ou lieutenans-colonels, et, presque entiers, les régimens suivans:

Corps francs trois compagnies de Croates; les bataillons de Peregrine, Stein, Vilhelm, Schroeder, Teutesch;

Quatre compagnies d'artillerie; plusieurs officiers supérieurs du génie, au service de l'empereur; les régimens de Montferat, de la Marine, de Suze, et quatre compagnies de grenadiers au service du roi de Sardaigne ;

Vingt-deux pièces de canon, avec les caissons et tous les attelages, et quinze drapeaux.

L'ennemi a eu de deux mille à deux mille cinq cents hommes tués, parmi lesquels un colonel, aide-de-camp du roi de Sardaigne.

Le citoyen Riez, aide-de-camp du général Masséna, a eu son cheval tué sous lui, et le fils du général Laharpe a eu son cheval blessé.

Je vous ferai part, le plus tôt qu'il me sera possible, et lorsque j'aurai reçu les rapports, des détails de cette affaire glorieuse, et des hommes qui s'y sont particulièrement distingués.

Je vous demande le grade de général de brigade pour le citoyen Rampon, chef de la vingt-unième demi-brigade. Le chef de la vingt-neuvième ayant été tué, j'ai nommé pour le remplacer le citoyen Lannes, chef de brigade à la suite. BONAPARTE.

Au quartier-général de Carru, le 5 floréal an 4 ( 24 avril 1796). Le général en chef de l'armée d'Italie au général Colli commandant en chef l'armée du roi de Sardaigne.

Le directoire exécutif, monsieur, s'est réservé le droit de traiter de la paix : il faut donc que les plénipotentiaires du roi votre maître se rendent à Paris, ou attendent à Gênes les plénipotentiaires que le gouvernement français pourrait y envoyer

La position militaire et morale des deux armées rend toute suspension pure et simple impossible. Quoique je sois en particulier convaincu que le gouvernement accordera des conditions de paix honorables à votre roi, je ne puis, sur des présomptions vagues, arrêter ma marche; il est cependant un moyen de parvenir à votre but, conforme aux vrais intérêts de votre cour, et qui épargnerait une effusion de sang inutile et dès lors contraire à la raison et aux lois de la guerre, c'est de mettre en mon pouvoir deux des trois forteresses de Coni, d'Alexandrie, de Tortone, à votre choix: nous pourrons alors attendre, sans hostilités, la fin des négociations qui pourraient s'entamer. Cette proposition est trèsmodérée; les intérêts mutuels qui doivent exister entre le Piémont et la république française me portent à désirer vivement de voir s'éloigner de votre pays les malheurs de toute espèce qui le menacent. BONAPARTE.

Au quartier-général de Cherasco, le 7 floréal an 4 ( 26 avril 1796).

Au général Latour.

J'ai reçu, monsieur, l'ordre du roi, adressé au commandant, de Coni, que vous vous êtes donné la peine de me faire passer. A l'heure qu'il est, il sera déjà parvenu. Je serai demain ici pour attendre l'ordre pour une des forteresses de

Tortone ou d'Alexandrie. Vous savez, monsieur, que la distance qu'il y a d'ici à une de ces deux places, fait qu'il est nécessaire que l'ordre du roi soit expédié demain, afin qu'il puisse parvenir le 16 floréal (30 avril).

Une division de mon armée est déjà de ce côté-là. L'on m'assure aujourd'hui que Beaulieu évacue votre territoire : je suis charmé, etc. BONAPARTE.

Au quartier-général de Cherasco, le 8 floréal an 4 (27 avril 1796). Au général Latour.

Je reçois à l'instant, monsieur, avec votre lettre, les deux ordres du roi pour Ceva et Tortone.

Il n'y a, dans ce moment-ci, qu'un petit détachement à Fossano, qui se retirera incessamment. Après demain, il n'y aura plus personne à Bra, et j'aurai l'honneur de vous en prévenir.

Je ne garderai au-delà de la Stura qu'un corps-de-garde pour le pont de Cherasco.

Je me fais rendre compte par le général qui commande à Coni, de la situation du magasin de Notre-Dame de Loculo. J'aurai l'honneur de vous écrire dès que j'aurai la réponse.

Mon aide-de-camp part pour Paris. Vous avez bien voulu vous charger de lui livrer un passe-port, et de lui faire fournir des chevaux de poste.

J'aurai besoin de mille chevaux de trait. Je désirerais en acheter dans le Piémont; je vous serai obligé d'accepter ce que vous proposera là-dessus le citoyen Thévenin, agent en chef des transports militaires.

Votre aide-de camp vous remettra une note des officiers prisonniers de guerre; dès l'instant que vous m'aurez fait connaître ceux que vous désirez avoir, j'ordonnerai qu'on les envoie, soit à Coni, soit à Cherasco: vous me rendres service de faire passer les nôtres à Tortone ou à Cherasco. BONAPARTE.

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Au quartier-général de Cherasco, le 9 floréal an 4 ( 28 avril 1796).

Bonaparte, général en chef, au directoire exécutif.

Citoyens directeurs, Ceva, Coni et Alexandrie sont au pouvoir de votre armée, ainsi que tous les postes du Piémont au-delà de la Stura et du Tanaro.

Si vous ne vous accordez pas avec le roi de Sardaigne, je garderai ces places, et je marcherai sur Turin; mon équipage de siége va filer sur Coni, pour se rendre à Cherasco.

à

En attendant, je marche demain sur Beaulieu, je l'oblige repasser le Pô, je le passe immédiatement après ; je m'empare de toute la Lombardie, et, avant un mois, j'espère être sur les montagnes du Tyrol, trouver l'armée du Rhin, et porter de concert la guerre dans la Bavière. Ce projet est digne de vous, de l'armée et des destinées de la France.

Si vous n'accordez pas la paix au roi de Sardaigne, alors vous m'en préviendrez d'avance, afin que, si je suis dans la Lombardie, je puisse me replier et prendre des mesures.

Quant aux conditions de la paix avec la Sardaigne, vous pouvez dicter ce qui vous convient, puisque j'ai en mon pouvoir les principales places.

Ordonnez que quinze mille hommes de l'armée des Alpes soient à mes ordres et viennent me joindre, cela me fera alors une armée de quarante-cinq mille hommes, dont il sera possible. que j'envoie une partie à Rome. Si vous me continuez votre confiance, et que vous approuviez ces projets, je suis sûr de la réussite : l'Italie est à vous.

Vous ne devez pas compter sur une révolution en Piémont, cela viendra; mais il s'en faut que l'esprit de ces peuples soit mûr à cet effet..

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