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Je viens de résumer l'histoire politique, l'histoire extérieure. Mais dans mon livre, elle est éclaircie par l'histoire intérieure, par celle de la philosophie et de la religion, du droit et de la littérature. L'effort est grand, si l'oeuvre ne l'est pas. Ce n'est pas moins qu'un récit et un système, une formule de la France, considérée d'une part dans sa diversité de races et de provinces, dans son extension géographique, d'autre part dans son développement chronologique, dans l'unité croissante du drame national. C'est un tissu dont la trame est l'espace et la matière, dont la chaîne est le temps et la pensée. Tel est du moins l'idéal que nous avons poursuivi.

1er novembre 1833.

HISTOIRE

DE FRANCE.

LIVRE PREMIER.

CELTES. IBÈRES. ROMAINS.

CHAPITRE PREMIER.

Celtes et Ibères.

que,

«< LE caractère commun de toute la race gallidit Strabon d'après le philosophe Posidonius, c'est qu'elle est irritable et folle de guerre, prompte au combat, du reste simple et sans malignité. Si on les irrite, ils marchent ensemble droit à l'ennemi, et l'attaquent de front, sans s'informer d'autre chose. Aussi, par la ruse, on en vient àisément à bout; on les attire au combat quand on veut, où l'on veut, peu importent les motifs; ils sont tou

jours prêts, n'eussent-ils d'autre arme que leur force et leur audace. Toutefois, par la persuasion, ils se laissent amener sans peine aux choses utiles; ils sont susceptibles de culture et d'instruction littéraire. Forts de leur haute taille et de leur nombre, ils s'assemblent aisément en grande foule, simples qu'ils sont et spontanés, prenant volontiers en main la cause de celui qu'on opprime 1. » Tel est le premier regard de la philosophie sur la plus sympathique et la plus perfectible des races hu

maines.

Le génie de ces Galls ou Celtes n'est d'abord autre chose que mouvement, attaque et conquête ; c'est par la guerre que se mêlent et se rapprochent les nations antiques. Peuple de guerre et de bruit, ils courent le monde l'épée à la main, moins, ce semble, par avidité que par un vague et vain désir de voir, de savoir, d'agir; brisant, détruisant, faute de pouvoir produire encore. Ce sont les enfans du monde naissant; de grands corps mous, blancs et blonds; de l'élan, peu de force et d'haleine 2; jovialité féroce, espoir immense; vains, n'ayant rien encore rencontré qui tînt devant eux. Ils voulurent aller voir ce que c'était que cet Alexandre, ce conquérant de l'Asie, devant la face

I

Συναγανακτοῦντες τοῖς ἀδικεῖσθαι δοκοῦσιν ἀεὶ τῶν πλησίον. Strab., lib. IV, 211.

2

Diodor. Sic., lib. V... Τοῖσδε σαρξὶ κάθυγροι καὶ λευκοί.—Appian. apud Scriptores rerum Francicarum, I, 462 : Υπότε ἱδρῶτος καὶ ἄσθμα1ος... ἐξελύοντο ταχέως.

duquel les rois s'évanouissaient d'effroi 1. Que craignez-vous, leur demanda l'homme terrible? Que le ciel ne tombe, dirent-ils 2; il n'en eut pas d'autre réponse. Le ciel lui-même ne les effrayait guère ; ils lui lançaient des flèches, quand il tonnait 3. Si l'Océan même se débordait et venait à eux, ils ne refusaient pas le combat, et marchaient à lui l'épée à la main 4. C'était leur point d'honneur de ne jamais reculer; ils s'obstinaient souvent à rester sous un toit embrasé 5. Aucune nation ne faisait meilleur marché de sa vie. On en voyait qui, pour quelque argent, pour un peu de vin, s'engageaient à mourir; ils montaient sur une estrade, distribuaient à leurs amis le vin ou l'argent, se couchaient sur leurs boucliers, et tendaient la gorge 6.

1

Leurs banquets ne se terminaient guère sans

Plut. in Alex., c. 96. Long-temps même après la mort d'Alexandre, Cassandre, devenu roi de Macédoine, se promenait un jour à Delphes, et examinait les statues; ayant aperçu tout-à-coup celle d'Alexandre, il en fut tellement saisi, qu'il frissonna de tout son corps, et fut frappé d'un étourdissement.

· ...Εἱ μὴ ἄρα ὁ οὐρανὸς αὐτοῖς ἐπιπέσοι. Strab., I. VII.

3 Aristot. de Morib., I. III, c. 10.

4 Alian., 1. XII... Γυμνὰ τὰ ξίφη καὶ τὰ δόρατα προσείοντες....... Aristot. Eudemior. l. III, c. 4 : Οἱ Κελλοὶ πρὸς τὰ κύματα ὅπλα ἀπανθῶσι λαβόντες.

5 Ælian., Ibid.

6 Posidon., 1. XXIII, ap. Athen., 1. IV, c. 13: Aλo d'iv Op λαβόντες ἀργύριον ἢ χρυσίον, οἱ δὲ οἴνου κεραμίων ἀριθμόν τινα, καὶ πιστωσάμενοι τὴν δόσιν, καὶ τοῖς ἀναγκαίοις φίλοις διαδωρησάμενοι, ὕπλιοι ἐκλαθέντες ἐπι θυρεῶν κεῖναι παραστὰς δέ τις ξίφει τὸν λαιμὸν ἀποκόπτει.

bataille. La cuisse de la bête appartenait au plus brave', et chacun voulait être le plus brave. Leur plus grand plaisir, après celui de se battre, c'était d'entourer l'étranger, de le faire asseoir bon gré mal gré avec eux, de lui faire dire les histoires des terres lointaines. Ces barbares étaient insatiablement avides et curieux; ils faisaient la presse des étrangers, les enlevaient des marchés et des routes, et les forçaient de parler 2. Eux-mêmes parleurs terribles, infatigables, abondans en figures, solennels et burlesquement graves dans leur prononciation gutturale, c'était une affaire dans leurs assemblées que de maintenir la parole à l'orateur au milieu des interruptions. Il fallait qu'un homme chargé de commander le silence marchât l'épée à la main sur l'interrupteur; à la troisième somma-tion, il lui coupait un bon morceau de son vêtement, de façon qu'il ne pût porter le reste'.

Posid. apud. Athen., 1. IV, c. 13.

Diod. Sic., lib. V, p. 306.. Cæsar, bell. Gall., lib. IV, c. 5: Est autem hoc gallicæ consuetudinis, ut et viatores etiam invitos consistere cogant ;... et mercatores in oppidis vulgus circumsistat.

3 Diodor, Sicul., 1. IV. Εἰσί καὶ ταῖς φωναῖς βαρύηχοι, καὶ παν Τελῶς τραχύφωνοι· κατὰ δὲ τὰς ὁμιλίας βραχυλόγοι, καὶ αἰνιγμά τιοι καὶ τὰ πολλὰ αἰνιπ7όμενοι συνεκδοχικῶς. Πολλὰ δὲ λέγοντες ἐν ὑπερβολαῖς...

4 ... ὅσον ἄχρησῖον ποιῆσαι τὸ λοιπόν. Strab., 1. 1V, ap. Scr. R. fr. I, 30. Je ne puis quitter ce sujet sans remarquer combien les anciens ont été frappés de l'instinct rhéteur et du caractère bruyant des Gaulois. Nata in vanos tumultus gens (Tit. Liv. à la prise de Rome). Les crieurs publics, les trompettes, les avocats étaient souvent Gaulois. Insuber, id

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