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projets de Catherine à l'égard de la Pologne. La Prusse et l'Angleterre avaient, en quelque sorte, rassuré sur son existence cette héroïque nation. L'espérance d'un meilleur avenir avait réveillé dans les Polonais le sentiment de leur antique énergie. Les nobles étaient décidés à faire des sacrifices, les bourgeois offraient leur fortune et leurs bras pour reconstituer en État indépendant les lambeaux de leur territoire. La Diète s'occupait de réformes sages et nécessaires, une nouvelle Constitution était votée le 3 mai 1791, pour remplacer celle imposée de 1775.

Mais ce rayon d'espoir devait être bientôt éteint dans une dernière tempête. Quelques nobles ayant reçu la promesse formelle de Catherine que s'ils parvenaient à abolir la nouvelle Constitution, la Pologne ne serait jamais partagée, formèrent le noyau d'une confédération dite de Targowiça.

Les Polonais s'étaient flattés que la Prusse qui, par le traité des 17 et 29 mars 1790, avait garanti l'intégrité de l'État et la liberté des Diètes, viendrait les défendre; leur résolution et l'habileté de leurs généraux leur faisaient espérer qu'ils pourraient assurer leur indépendance; mais les intrigues de Catherine commencèrent; l'énergie nationale fut paralysée; on laissa s'affaiblir l'intérêt des alliés; et Stanislas Poniatowski, obéissant en tout à Catherine, ordonne le licenciement de l'armée, et va accéder à la confédération factieuse de Targowiça. L'armée russe entra dans Varsovie... Tout fut perdu.

La Prusse avait alors déclaré la guerre à la France. Elle avait pénétré dans les plaines de la Champagne, et la bataille de Valmy, du 20 décembre 1792, avait été le début de cette longue guerre européenne dans laquelle la Russie devait jouer le rôle le plus important. Le roi de Prusse pensait avoir besoin du secours de cette puissance; il voulait la ménager; et, d'ailleurs, le premier partage de la Pologne lui avait assez profité pour qu'il dût tenir plutôt à la cause de l'oppresseur qu'à celle des opprimés. On lui offrit la possession de Thorn et de Dantzig pour fasciner ses yeux sur les dangers d'un nouveau partage. Il consentit à la déclaration du 9 avril 1793, à laquelle l'Autriche donna également son assentiment.

Les troupes russes et prussiennes rendaient toute résistance inutile; les Polonais étaient traités partout en rebelles. Stanislas Poniatowski était soumis toujours à Catherine. Les alliés formèrent une espèce de Diète à Grodno, qu'ils firent entourer de 20,000 Russes. Toutes les villes étaient occupées militairement; les campagnes désolées; les Polonais, connus pour être attachés à leur pays, étaient transportés en Sibérie, ou fugitifs dans les pays étrangers, dépouillés de leurs biens.

La Diète fut contrainte à accéder à la déclaration du 9 avril; à signer, le 22 juillet, le partage avec la Russie, et, le 24 septembre 1793, celui avec la Prusse; elle laissa en même temps un monument éternel de l'énergie des Polonais et des violences

inouïes qu'on exerçait contre eux (1). Les nonces léguèrent solennellement à leur postérité le soin de la vengeance nationale. Leur appel retentit dans toutes les provinces... L'indignation se répandit comme un torrent dans les vastes plaines de ce malheureux pays....

Des régiments refusèrent de rendre leurs drapeaux, leurs armes et leurs uniformes. Des paysans, armés des instruments de labourage, volaient sous les drapeaux de la patrie. Les Polonais proscrits, exilés ou fugitifs, se montrèrent de toutes parts, et un acte d'indépendance fut signé, le 24 mars 1794, dans Krakovie, évacuée par les Russes.

La Russie chercha à se disculper de ses cruautés aux yeux des puissances de l'Europe, et à enlever leur sympathie, en assimilant cette nation généreuse, secouant l'oppression de ses tyrans, à une

(1) L'acte d'adhésion de la Diète, signé à Grodno, le 24 septembre 1793, contient les plaintes les plus vives sur la captivité du roi, sur les dévastations commises en Pologne par les troupes étrangères.... il se termine ainsi : « Dans cette situation, nous déclarons solennellement que, dans l'impossibilité d'empêcher, même au péril de nos vies, l'effet d'une force oppressive, nous laissons à notre postérité, peut-être plus heureuse que nous, les moyens qui nous manquent de sauver notre patrie; et, dans cette espérance, nous acceptons le projet qui nous a été présenté par l'ambassadeur russe, quoique contraire à nos vœux, à nos lois, à nos opinions, etc. »

hideuse démagogie. La Pologne réclamait ses droits anciens et sacrés; en se défendant, elle défendait l'Europe, dont, pendant dix siècles, elle avait été la barrière infranchissable aux barbares de l'Asie. L'Europe s'est suicidée en les abandonnant.

Mais ils ne succombèrent pas sans héroïsme. Il serait trop long de raconter leurs efforts suprêmes. La Prusse, que Catherine mettait en avant pour l'affaiblir, en sentit les rudes coups quand son général Igelstrom fut chassé de Warsovie; et les Russes ne furent pas épargnés en maintes circonstances, et notamment à l'affaire de Raçlawicé, où 12,000 Russes furent battus par 4,000 Polonais, sans artillerie, et armés pour la plupart de faux et de piques.

60,000 hommes opposaient encore une résistance indomptable mais la fortune rendit leur courage inutile. Kosciuzko perdit une bataille au moment où la victoire semblait lui sourire. La liberté polonaise devait rendre, moins d'un mois après, le dernier soupir dans le faubourg de Praga (4 novembre 1794).

Stanislas Poniatowski, forcé de donner les clefs de sa capitale à Souvoroff, la quitte le 7 janvier 1795. Le 25 novembre de la même année, il abdiqua la couronne à Grodno, et, en 1798, il mourut empoisonné à Saint-Pétersbourg.

Le célèbre Burke disait qu'on regretterait un jour la consommation de cette grande iniquité. « Un temps viendra, dit un autre écrivain anglais,

« où notre nation regrettera d'avoir cédé la Pologne à la rapacité de l'empire russe, et où nous ver« rons, avec une terreur trop bien fondée, les progrès « énormes et rapides de cette dangereuse puissance. (Note 7.)

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Mais les autres puissances continentales ne raisonnaient point alors comme les publicistes. Les innovations introduites par la révolution française touchaient à des intérêts personnels qui les aveuglèrent elles ne comprenaient pas que les garanties, demandées alors par les peuples, étaient un moyen d'agrandir leurs forces, de créer des intérêts nationaux, toujours plus vigilants et plus énergiques que ceux qu'elles tenaient du hasard, de conquêtes ou d'hérédités disputées, dans des guerres que des sujets supportent avec obéissance; mais non par un entraînement qui crée des armées et les mène à la victoire.

La Russie, pour étendre et consolider son pouvoir, avait offert à Louis XIV le partage de l'Europe. Elle fit la même offre au grand Frédéric de Prusse, au moment de ses victoires; elle la fit aussi à l'empereur d'Allemagne Joseph II. La même proposition trompera l'Angleterre, et les deux puissances uniront leurs efforts pour faire disparaître le seul obstacle capable de s'opposer à la Russie; jusqu'à ce que celle-ci, vaincue, et se mettant toujours du côté du plus fort, se ligue, à Tilsit et à Erfurt, avec le vainqueur de l'Europe, pour ar

DE LA PUISSANCE RUSSE.

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