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modique, et terminer avec honneur son cours d'enseignement. (Des progrès de la puissance russe, 1812.)

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La religion grecque dominante en Russie est surchargée de superstitions et de cérémonies; les idées religieuses du peuple sont très-bornées, surtout dans les villages où l'ignorance des popes n'en est pas la moindre cause. Le gouvernement qui ne devrait admettre à ces importantes fonctions que des hommes pris dans des classes qui supposent et prouvent des lumières et de l'éducation, les choisit, au contraire, parmi les gens du plus bas étage, et ne cherche point à les éclairer, parce qu'il aurait trop à craindre de l'influence d'un corps qui a tant d'empire sur le peuple, et qui, par conséquent, en acquerrait encore davantage... Les prêtres ne sont point tenus au célibat. Le mariage est même une des cérémonies préliminaires de l'ordination; mais lorsque la femme d'un prêtre meurt, il ne peut se remarier ou il devient laïque. S'il ne se remarie pas, il se retire dans un couvent, à moins qu'on ne lui donne une permission spéciale de continuer ses fonctions.

La religion russe consacre et célèbre un grand nombre de fêtes: ce sont autant de jours d'ivresse pour le peuple, qui ne connaît pas de plus douce manière de les chômer. Mais en tout il y a compensation; et si la religion fournit au Russe quelques occasions de faire bonne chère, elle les lui fait bien acheter, car il n'en est point qui prescrive autant de jeûnes et d'abstinence. Il y a quatre carêmes en Russie : le premier, qui est le grand carême, commence huit semaines avant Pâques et dure jusqu'à cette fête; le second est le carême de saint Pierre qui dure cinq semaines et cinq jours; le troisième est celui de la mère de Dieu, qui commence le 1er août et continue jusqu'à l'Assomption; le quatrième

ORIGINE DE LA PUISSANCE RUSSE.

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précède Noël et commence le 15 novembre. Pour observer le carême comme il faut, et dans toute sa rigueur, on ne doit manger que des mets extrêmement légers et servis dans une vaisselle de très-petite proportion; et cela parce que JésusChrist venant au monde, n'a pu se servir de grands plats, ni manger des mets d'une digestion difficile. Outre ces quatre carêmes, on fait maigre tous les mercredis et samedis; ce qui, joint aux Vigiles, complète au moins six mois de maigre scrupuleusement observés par le Russe, dont l'estomac prend sa revanche les jours de fête...

La fête de Pâques est annoncée, dès la veille, à dix heures du soir, par le son des cloches. Alors on se porte en foule à l'église; et aussitôt après l'office, c'est-à-dire vers deux ou trois heures du matin, chacun revient chez soi rompre enfin les huit semaines de jeûnes et d'abstinence. Souvent ce repas dure jusqu'au milieu du jour suivant, et le bon Russe s'enivre pour perdre tout souvenir des macérations passées. Parmi les usages de cette fête, on remarque la présentation des œufs de Pâques. Amis, parents, amants, chacun en donne et en reçoit. Les serfs en présentent aussi à leurs seigneurs qu'ils embrassent, en leur disant: Christos voskress, le Christ est ressuscité. Le seigneur ne peut refuser l'accolade et répond: Vo istinno voskress, oui, il est ressuscité.

On chôme la Pâques huit jours de suite; elle est pour les Russes un nouveau carnaval. On a peine à se figurer jusqu'où ils portent leur joie ou plutôt leurs dérèglements. Hôtels, auberges, cabarets, tout est plein de gens qui mangent, boivent, chantent et dansent. Les rues sont jonchées d'hommes ivres.....

Il y a en Russie presque autant de petites pratiques superstitieuses que de fêtes. Il serait fastidieux de les rapporter toutes... Le rit grec condamne le culte des images taillées; jamais on ne voit de statues dans une église grecque; mais on y voit, en revanche, des milliers d'images de saints auxquelles les fidèles rendent un culte presque égal à celui de

la divinité. Ce n'est pas assez pour eux de les adorer dans les temples, ils leur élèvent encore des chapelles dans leurs maisons. Il n'en est point où l'on ne trouve ce qu'on appelle en Russie un Bog. Le Bog est le saint adopté par la maison et sous la protection duquel chaque famille se place. Le culte qu'on rend à ces saints, les vœux qu'on leur adresse ont beaucoup de rapport avec les dieux Lares et Pénates des anciens païens... Rien n'égale la vénération que les Russes portent aux Bogs. Ce sont toujours eux que l'on commence par saluer quand on entre dans l'appartement où ils se trouvent. On ne se permet pas de prendre du tabac, de se moucher et de cracher en leur présence. Leur tourner le dos est une profanation. La présence en est interdite aux femmes, en certain temps: elles ne peuvent se présenter devant le Bog qu'après s'être purifiées. (Tableau de l'empire de Russie, Damaze de Raymond, 1812, t. II, chap. Ix.)

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L'empereur de Russie, aidé de ses armées de soldats et d'artistes aura beau s'évertuer, il n'investira jamais l'Eglise grecque d'une puissance que Dieu ne lui a pas donnée : on peut la rendre persécutrice, on ne la rendra pas apostolique, c'est-à-dire civilisatrice et conquérante dans le monde moral. Discipliner les hommes, ce n'est pas convertir les âmes. Cette Eglise politique et nationale n'a ni la vie morale, ni la vie surnaturelle. Tout vient à manquer à qui manque d'indépendance. Le schisme, en séparant le prêtre de son chef indépendant, le met aussitôt dans la main de son prince temporel; ainsi la révolte est punie par l'esclavage.

Aux époques les plus sanglantes de l'histoire, l'Eglise catholique travaillait encore à émanciper les nations... Cette Eglise possédait la vie et la lumière; le prêtre grec ne donne ni la vie ni la mort; il est mort lui-même.

Des signes de croix, des salutations dans la rue, des gé

nuflexions devant les chapelles, des prosternations de vieilles dévotes contre le pavé des églises, des baisements de main, une femme, des enfants et le mépris universel, voilà le fruit que le pope a recueilli de son abdication... voilà tout ce qu'il a pu obtenir de la nation la plus superstitieuse du monde... C'est au milieu du triomphe de son schisme que le prêtre schismatique est frappé d'impuissance. Le prêtre, lorsqu'il veut accaparer le pouvoir temporel, périt faute de vues assez élevées pour reconnaître la voie que Dieu lui ouvre; le prêtre qui se laisse détrôner périt faute de courage pour suivre cette voie. Tous les deux manquent également à leur vocation suprême.

Pierre er n'avait-il pas la conscience chargée d'un assez grand poids de responsabilité, lorsqu'il a pris, pour lui et ses successeurs, l'ombre d'indépendance, le reste de liberté conservées à sa malheureuse Eglise? Il a entrepris une œuvre au-dessus des forces humaines; depuis ce moment, la fin du schisme est devenue impossible; c'est-à-dire, aux yeux de la raison, si l'on considère le genre humain d'un point de vue purement humain, qu'il a arrêté la civilisation. (Custine, La Russie en 1839, t. II, p. 314.)

FIN DES NOTES

TABLE DES MATIÈRES

Pages

AVANT-PROPOS.

1er CHAPITRE.

...

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Irruptions des peuples de l'Asie cen-

trale sur l'Europe et les autres parties du globe.

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1

Origine des Russes, leur état politique

jusqu'au XVIIe siècle.

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