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ces lois dans leurs arrondissemens, que l'on supplée à la perte de ces registres. Et sur ce fondement, par arrêt du 19 messidor an 12, rendu au rapport de M. Lombard, et conformément à nos conclusions, la section des requêtes a rejeté le recours des sieurs Gaudin contre un arrêt de la cour d'appel de Poitiers, qui, à défaut des registres du ci-devant tribunal de district de Challans, et sur la preuve de l'exécution constante de la loi du 17 nivóse an 2 dans l'arrondissement de ce tribunal, avait décidé que cette loi était, de droit, présumée y avoir été publiée dans le temps.

» C'est ainsi que s'est exécuté constamment, jusqu'en 1736, pour le Barrois mouvant comme pour le Barrois non mouvant, le testament du duc Henry II, du 3 décembre 1506, qui ordonnait que le duché de Lorrai ne, le duché de Bar et le marquisat de Pontà-Mousson seraient à l'avenir réunis en un seul corps, pour ne plus former qu'un seul état masculin.

» Lebret a beau dire, dans le passage de son Traité de la souveraineté, cité par la demanderesse (liv. 1, chap. 9), que cette disposition était nulle pour le Barrois mouvant, faute d'avoir été approuvée par des lettrespatentes des rois de France, enregistrées au parlement de Paris : il n'en est pas 'moins certain que, même pour le Barrois mouvant, elle n'a jamais souffert la plus légère difficulté dans son exécution, et c'est sans contredit une preuve irrésistible qu'elle avait été, non pas approuvée par des lettres-patentes des rois de France, ce qui est absolument inutile, mais enregistrée au parlement de Paris, comme loi du Barrois mouvant : car c'était comme loi qu'elle était considérée dans les États lorrains et barrois; et voilà pourquoi elle avait été enregistrée dans les tribunaux inférieurs de ces États, comme le prouve la transcription que M. François (de Neufchâteau), dans son Recueil des anciennes ordonnances de Lorraine, atteste en avoir vu sur les registres du bailliage de Mirecourt, dans le temps qu'il en était lieutenant-général.

» C'est aussi d'après le même principe d'enregistrement présumé par l'effet d'une possession continuée pendant un long espace de temps, que les ordonnances des ducs de Lorraine, notamment celle du 23 mai 1664, qui attribuaient aux seigneurs-hauts-justiciers et aux ducs eux-mêmes, dans leurs hautes jus tices, le tiers denier du produit de tous les biens communaux, ont été, jusqu'au moment où la loi du 15-28 mars 1790 est venue abolir ce

droit, constamment exécutées dans le Barrois mouvant comme dans la Lorraine. Nous trouvons la preuve de ce fait important dans le Répertoire de jurisprudence, à l'article Tiers-denier, rédigé par M. Henrion.

» Assurément il n'y avait pas plus de raison pour exempter de l'enregistrement au parle. ment de Paris, relativement au Barrois mouvant, les ordonnances des ducs de Lorraine sur le tiers-denier, qu'il n'y en avait pour affranchir, relativement au même pays, celles qui concernaient l'Inalienabilité des domaines de ces princes. Si donc les premières sont, par la seule force de la possession, présumées avoir été enregistrées au parlement de Paris, pourquoi n'en serait-il pas de même

des secondes ?

» Pourquoi, dit la demanderesse? Parceque la possession, en ce qui concerne l'Inalienabilité, dépose du non enregistrement des lois qui l'ont proclamée, au parlement de Paris.

»Et comment la demanderesse, prouve-telle cette prétendue possession? Elle le prouve par un arrêt de la chambre des comptes de Nancy du 29 mai 1789, et par des remontrances de la chambre des comptes de Bar du 31 mars 1730.

» Mais, d'abord, que peut signifier ici l'arrêt de la chambre des comptes de Nancy du 29 mai 1789? A la vérité, il reçoit la demoiselle Jadot opposante à un arrêt du 19 août 1772, qui, sur le réquisitoire du procureurgénéral, avait déclaré domaniale la terre de Ville-Issey, donnée, en 1723, par le duc Léopold à Marc de Craon, et depuis vendue par celui-ci au père de cette demoiselle; et faisant droit sur son opinion, il déclare cette terre patrimoniale entre ses mains. Mais, 1o., cette terre n'est point située dans le ci-devant Barrois mouvant, et la preuve en est dans l'arret même dont il s'agit : cet arrêt est émané de la chambre des comptes de Nancy; et certainement il n'aurait pu être rendu qu'à la chambre des comptes de Bar, s'il avait eu pour objet un bien situé dans le ressort de celle-ci; 2o. cette terre ne faisait même partie ni du cidevant Barrois non mouvant, ni du ci-devant duché de Lorraine ; elle faisait partie de la seigneurie de Commercy, dont les propriétaires étaient qualifiés de damoiseaux....,

» A l'égard des remontrances de la chambre des comptes de Bar du 31 mars 1730, voici à quelle occasion elles ont été faites.

» Par contrat du 1er, du même mois, revêtu de lettres patentes du même jour, le duc François-Étienne avait vendu au sieur Pâris

de Montmartel, pour s'acquitter envers lui d'une dette de 600,000 livres, plusieurs terres situées, les unes dans le Barrois mouvant, les autres dans le Barrois non mouvant; et il avait apposé à cette vente deux conditions : l'une, écrite dans l'art. 6, que l'acquéreur posséderait ces terres comme biens patrimoniaux, sans être astreint aux lois, coutumes et usages concernant les terres domaniales, auxquels il dérogeait à cet égard, sans tirer à conséquence; l'autre, portée par l'art. 18 que le duc François-Étienne et ses successeurs auraient la faculté de rachat perpétuel desdites terres.

» Ce contrat ayant été présenté à l'enregistrement, la chambre des comptes de Bar trouva d'abord qu'il était excessivement onereux au duc; que celui-ci aliénait pour 600,000 livres, des biens d'une valeur infiniment supérieure à cette somme; qu'une seule des terres aliénées rapportait annuellement plus de 34,000 livres; bref, qu'il y avait le sion énorme pour le prince. Elle s'occupa ensuite des moyens de faire revenir le duc sur ses pas et dans cette vue, elle lui adressa les remontrances dont on se prévaut ici.

» Que, pour atteindre à son but, assurément très-louable, que pour ouvrir les yeux au duc François-Étienne sur le marché ruineux dans lequel on l'avait entraîné, elle eût, dans ces remontrances, glissé des assertions de droit qui ne fussent pas exactes, il ne faudrait pas s'en étonner; elle n'aurait fait en cela qu'imiter les parlemens de France, dont assez souvent les remontrances contenaient des maximes que le ministère relevait avec beaucoup d'avantage, et qu'eux-mêmes n'auraient pas osé consacrer par leurs arrêts.

» Or, voilà précisément ce qui est arrivé; témoin ce que dit la chambre des comptes sur l'art. 18 du contrat, sur l'article qui réserve au duc et à ses successeurs, la faculté perpétuelle de rachat : « Quoiqu'il semble que cette » clause de pouvoir racheter tous les biens » aliénés, suivant qu'il est de droit et d'usage » pour tous ceux du domaine, conserve à ces » mêmes biens la qualité de biens domaniaux, » il est cependant vrai de dire que le sieur » Paris, en vertu de la clause contenue en » l'art. 6, à laquelle il n'est expressément dé» rogé par celle-ci, les possédera comme biens » de particulier, sujets à prescription, pour » la faculté de rachat, par une jouissance pai"sible de trente ans depuis le contrat de ven» te, ou depuis la reconnaissance qui sera » portée par les aveux et dénombremens, si » cette faculté n'est exercée dans l'intervalle » des trente années, ou ladite reconnaissance

» fournie toujours avant les trente ans ac>>complis ».

la

» Remarquons bien qu'en parlant ainsi, chambre des comptes de Bar a en vue, non seulement les terres situées dans le Barrois mouvant, mais encore les terres situées dans le Barrois non mouvant : et certainement il n'y a pas un mot de vrai dans ce qu'elle dit pour les secondes; car, dans le Barrois non mouvant, où le duc de Lorraine exerçait la pleine et absolue souveraineté, il ne pouvait pas y avoir le plus léger doute sur l'impuissance où était ce prince d'aliéner ces domaines et s'il ne pouvait pas les aliéner, bien sûrement il ne pouvait pas se priver lui-même, non plus que ses successeurs, du droit d'en révoquer l'aliénation; il ne pouvait conséquemment pas soumettre à la prescription la faculté perpétuelle de les racheter, en stipulant que les domaines qu'il aliénait, draient à l'aliénataire nature de biens patrimoniaux.

tien

» Et cependant la chambre des comptes de Bar affirme le contraire au duc de Lorraine; elle le lui affirme, encore une fois, même pour les terres du Barrois non mouvant : elle le trompe donc pour le mieux servir on ne peut donc pas tirer son assertion à conséquence.

» Qu'importe, d'après cela, qu'elle ajoute ensuite : « C'est la maxime du parlement » de Paris, pour les biens situés dans son » ressort. Il a même porté sa décision suinvant cette maxime en différentes rencon

tres, pour les domaines de son altesse » royale dans le Barrois mouvant, vendus » à faculté de rachat ; ce qui fait connaître » combien il est dangereux de les aliener de » cette manière. La moins douteuse serait de » les aliener à titre d'engagement seulement, » contre lequel titre l'on ne peut prescrire, » parcequ'il ne transfere jamais la propriété » que les possesseurs n'ont pas entendu acqué» rir; et qu'au contraire ils sont présumés le » faire par le contrat de vente à faculté de rachat, que la prescription suit en défaut » d'exercer cette faculté dans les trente

»ans » ?

» Il paraîtrait bien au premier coup d'œil, résulter de là que le parlement de Paris avait rendu plusieurs arrêts qui déclaraient prescriptible par trente ans, la faculté de rachat réservée par les ducs de Lorraine dans les ventes de leurs domaines du Barrois mouvant.

» Mais d'abord la chambre des comptes de Bar ne cite aucun de ces arrêts, il n'en existe aucun dans nos livres, et il est difficile de

croire que des arrêts aussi intéressans eussent échappé aux jurisconsultes, aux magistrats, qui, pendant plus de deux siècles, se sont fait un devoir de recueillir et de publier tous ceux que le parlement de Paris rendait sur des questions d'un bien moindre intérêt.

» Ensuite, comment croire que la chambre des comptes de Bar ait été plus véridique dans cette seconde partie de ses remontrances sur l'art. 18 du contrat, que dans la première ? Et dès qu'il est prouvé que, dans la première, elle a cherché à répandre de fausses alarmes dans l'esprit du prince, n'est-il pas permis de penser qu'elle en a usé de même dans la seconde?

>> Pour tout dire en deux mots, ces remontrances ne sont qu'une communication secrète entre le prince et ses officiers ; et il répugne à toutes les idées reçues, que les épanchemens d'une conférence particulière puissent tourner au préjudice de la personne dont ils concernent les intérêts, ou de ceux qui la représentent.

» Voulons-nous d'ailleurs nous convaincre, par des titres positifs, de la possession constante, immémoriale et toujours publiquement reconnue, dans laquelle étaient les ducs de Lorraine, de faire exécuter dans le Barrois mouvant, les lois relatives à l'Inalie nabilité de leurs domaines? Nous n'avons qu'à nous arrêter aux seuls actes de l'affaire actuelle, aux seuls actes qui ont pour objet la terre de Morley même.

» En effet, à commencer par les lettres-patentes du 22 janvier 1598, portant donation de la terre de Morley à Antoine de Stainville, à la demoiselle de Monpezat, sa future épouse, et à toute leur descendance, nous voyons que la chambre du conseil et des comptes de Bar refuse d'abord de les enregistrer, parceque tous les magistrats de ce tribunal ont juré, à leur réception, de n'avoir jamais égard aux alienations que le duc de Lorraine entreprendrait de faire dans ses domaines; qu'à la vé rité, elle finit par passer outre à l'enregistrement de ces lettres; mais qu'elle ne s'y déter mine que sur des lettres de jussion contenant une dispense expresse du serment qui lie tous ses membres.

» En novembre 1666, d'après l'édit du duc Charles IV, du 12 septembre 1661, la même chambre rend un jugement par lequel, sans s'arrêter à la donation du 22 janvier 1598, qu'elle déclare comprise dans la révocation prononcée par cet édit, elle ordonne que la terre de Morley sera réunie au domaine de l'État.

TOME XIV.

» Ursule-Thérèse de Stainville, dernière descendante des donataires, réclame contre ce jugement; et sur quoi fonde-t-elle sa réclamation? Sur le défaut d'autorité de l'édit de 1661, dans le Barrois mouvant? Point du tout: elle la fonde uniquement sur le prétexte que ledit édit ne devait avoir lieu à l'égard de ladite donation ainsi faite en faveur du mariage.

» Le 30 mars 1705, le duc Léopold accorde à Diane-Catherine de Beauveau, épouse de Charles-François de Stainville, l'usufruit de la terre de Morley; et que lui fait-on dire, dans ses lettres-patentes, pour colorer, , d'une manière tant soit peu plausible, cette aliénation temporaire? On lui fait dire que ce qui avait déterminé, en 1598, le duc Charles III à donner cette terre à Antoine de Stainville et à la demoiselle de Montpezat, c'était la circonstance que la terre de Morley n'était pas encore domaniale à cette époque, mais qu'elle devait seulement étre réunie à son domaine par confiscation et pour forfaiture commise par celui qui en était seigneur et propriétaire; assertion évidemment fausse, et prouvée telle par la donation même de 1598 et par les arrêtés de comptes qui l'avaient précédée, mais qui n'en forme pas moins, de la part du duc Léopold et de ses concessionnaires, une reconnaissance authentique que les véritables domaines du Barrois mouvant étaient inaliénables dès l'année 1598.

» Le 23 novembre 1711, le duc Léopold donne la terre de Morley à Marc de Beauveau, à son épouse et à leurs descendans, sous la réserve de réversibilité au domaine de sa couronne, en cas d'extinction de leur postérité. Ces lettres-patentes sont adressées à la chambre des comptes de Bar, qui en refuse l'enregistrement. Le 4 janvier 1712 le duc Léopold adresse à cette chambre une lettre de cachet, servant de première, deuxième et troisième jussions de les enregistrer. Elle les enregistre en effet le 12 du même mois, mais de l'exprès commandement du prince.

» Le 1. septembre 1712, le duc Léopold confirme par des lettres-patentes la vente faite, le 31 août précédent, à Marc de Craon et à son épouse, des bois qu'il n'avait pas compris dans la donation du 23 septembre 1711. La chambre des comptes de Bar déclare pareillement qu'elle ne peut les enregistrer; et elle ne les enregistre le 21 novembre de la même année, qu'en vertu des lettres de jussion du 10 du même mois, par lesquelles, pour cette fois seulement, dit Leopold, nous dispensons notredite chambre du serment chacun des conseillers d'icelle nous ont

que

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prété de ne consentir jamais à aucune aliénation de nos domaines.

» Le 21 octobre 1716, le duc Léopold ajoute à ses précédentes concessions en faveur de Marc de Craon, de son épouse et de leurs descendans, celle des chênes de la forêt de Morley, de la rivière, des droits de glandée, des amendes, etc.; et la chambre des comptes de Bar ne procède, le 22 novembre suivant à l'enregistrement des lettres-patentes contenant cette nouvelle donation, qu'après en avoir reçu l'injonction expresse par une lettre de cachet du 7 du même mois, qui la dispense encore, pour cette fois seulement, du serment qu'elle a prété au duc, de ne jamais consentir à l'aliénation des biens dépendant du domaine.

» Le 27 février 1730, la terre de Morley et toutes celles de ses dépendances que les lettrespatentes du duc Léopold, de 1711, 1712 et 1716, avaient transférées à Marc de Beauveau-Craon et à son épouse, sont réunies au domaine de l'État par un jugement de la commission établie par le duc FrançoisÉtienne, pour l'exécution de son édit du 9 juillet 1729, portant révocation de tous les domaines aliénés depuis 1697.

» Que font alors Marc de Beauveau-Craon et son épouse? Se pourvoient-ils au parlement de Paris contre le jugement de la commission? Viennent-ils soutenir, devant cette cour, que les lois relatives à l'Inalienabilité des domaines des ducs de Lorraine et de Bar, sont sans autorité dans le Barrois mouvant? Fontils au moins, de ce prétendu défaut d'autorité, la base des représentations qu'ils adressent au duc François-Étienne? Non, Messieurs, rien de tout cela. Ils rendent, au contraire, l'hommage le plus formel à l'Inalienabilité des domaines du Barrois mouvant; mais ils exposent au duc François-Étienne, que la terre de Morley n'a jamais fait partie de son domaine du duché de Bar, puisqu'elle était obvenue à ses prédécesseurs ducs de Bar, par rachat exercé depuis la concession de 1598; qu'ainsi elle n'était en aucune manière, dans le cas dudit édit, pour étre réunie comme on l'a fait et cet exposé, dans lequel nous verrons bientôt que tout est faux et controuvé, le duc François-Étienne l'adopte complaisamment; et il en forme le motif des lettres-patentes du 23 avril 1736, par lesquelles, nonobstant le jugement du 27 février 1730, il renvoie Marc de Beauveau-Craon et son épouse en possession de la terre de Morley: et conséquemment il con. firme de plus en plus, même en le violant sous un faux prétexte, le principe de l'Ina

liénabilité des domaines du Barrois mouvant. » Et ce qui prouve bien qu'en signant ces lettres-patentes, le duc François-Étienne ne faisait que céder à des importunités dont il lui importait peu de se défendre, alors qu'il était sur le point de céder ses États au roi Stanislas; ce qui prouve bien qu'en signant ces lettres-patentes, il ne méconnaissait pas l'impuissance dans laquelle avait été le duc Léopold d'aliéner la terre de Morley, c'est que, par ces lettres-patentes même, il déclare ne pas confirmer les donations et acensemens postérieurs au 23 novembre 1711, et par conséquent maintenir la révocation prononcée par l'édit de 1729 et le jugement de 1730, des actes de 1712, 1716 et 1725, qui avaient ajouté à la concession primitive du corps de la terre de Morley, divers objets dépendant de cette terre, et que cette concession primitive avait conservés.

» Enfin, Messieurs, il n'y a pas jusqu'à la déclaration donnée le 28 août 1736, par le ministre de France, la Porte du Theil, qui n'assure à ce principe le caractère de la vérité la plus constante et la plus irrefragable. Cette déclaration porte pour titre marginal, Déclaration concernant les domaines engagés ; et vous sentez combien ces termes sont décisifs.

>> S'il est vrai comme le soutient la demanderesse, que cette déclaration a eu notamment pour objet de maintenir la famille de Beauveau dans la jouissance de la terre de Morley, que doit-on conclure de son intitulé ? Nécessairement il en résulte que la terre de Morley était considérée, dans les mains de la famille de Beauveau, non seulement comme un domaine de l'État, mais encore comme un domaine qui, de la part du prince à la couronne duquel il appartenait, n'était pas susceptible d'une alienation irrévocable; comme un domaine que ce prince n'avait pu qu'engager; comme un domaine qu'il n'avait en effet aliéné que par un simple engagement; comme un domaine dont la famille de Beauveau ne jouissait qu'en qualité d'engagiste.

» Et comme la demanderesse ne peut pas diviser le titre qu'elle réclame, comme elle ne peut pas en séparer ce qu'elle croit y lire de favorable à sa prétention, d'avec ce qui la contrarie, il est clair que cette déclaration doit prouver contre elle tout à la fois, que la terre de Morley était domaniale, et que les ducs de Lorraine étaient dans l'impuissance d'aliéner cette terre, et que cette impuissance était écrite dans les anciennes comme dans les nouvelles lois de la province, et par conséquent. Ou que ces lois avaient été

et

enregistrées au parlement de Paris. Ou qu'elles avaient leur base dans la première de toutes, dans celle de 1373, faite dans un temps où le parlement de Paris n'avait pas encore le droit d'enregistrement. Ou qu'elles n'avaient pas eu besoin d'enregistrement au parlement de Paris pour être obligatoires ».

A cette partie de mon plaidoyer du 23 fructidor an 13, je dois ajouter ce que j'ai dit sur la même question, dans ma réplique:

« Les domaines des ducs de Bar, situés dans le Barrois mouvant, étaient-ils alienables ?

» Ils l'étaient certainement par la nature des choses. Le chef d'un État n'est point propriétaire des domaines de cet État, il n'en est que l'administrateur : il ne peut par consé quent pas les aliéner. Voilà le droit commun, voilà le cri de la saine raison, voilà le langage de tous les auteurs.

» Que ce principe ait été méconnu dans certains temps et dans quelques pays, et que, par respect pour la confiance qu'avait dû inspirer aux acquéreurs des domaines publics, l'oubli dans lequel une longue possession l'avait plongé, ces acquéreurs aient été et dû être maintenus dans leurs acquisitions antérieures aux lois et actes qui l'ont rappelé et remis en vigueur, c'est ce que personne ne

conteste.

» Mais la donation de la terre de Morley à la famille de Beauveau peut-elle être considérée comme faite dans un temps où la maxime de l'Inalienabilité des domaines publics était encore inconnue dans le Bairois ? Non; et bien loin de là: cette maxime avait été consacrée spécialement dans le Barrois par une ordonnance du duc Robert, du 25 septembre 1373, et les monumens les plus solennels attestent que depuis elle y avait toujours reçu sa pleine exécution.

>>Qu'oppose-t-on à cela de la part de la de manderesse? Beaucoup d'erreurs de fait et de droit, beaucoup d'équivoques, de paralogismes, pas une seule raison.

» On cherche d'abord à faire douter que l'ordonnance de Robert du 25 septembre 1373 ait jamais existé, et l'on se fonde pour cela sur deux faits: le premier, que cette ordonnance ne se trouve point dans les archives de la chambre des comptes de Bar; le second, que l'ordonnance du duc René 1, du 10 octobre 1444, qui est communément citée comme en renouvelant les dispositions, est regardée par quelques auteurs comme apocryphe.

» Mais que peut-on raisonnablement conclure de ces deux faits?

» Rien d'étonnant qu'après une révolution qui a occasionné tant de troubles, de désordres et de déplacemens, on ne trouve plus dans les archives de la ci-devant chambre des comptes de Bar, l'ordonnance du 25 septembre 1373.

>> On ne retrouve pas davantage dans les archives de certains tribunaux des départemens de l'ouest, les actes de publication officielle de la loi du 17 nivóse an 2; cela empêche-t-il que cette loi ne soit exécutée dans les arrondissemens de ces tribunaux, et qu'elle n'y soit regardée comme obligatoire, d'après les seules énonciations contenues dans d'autres actes, de la publication qu'elle y a reçue?

» Or, quelle énonciation plus positive, plus solennelle, plus authentique, peut-on désirer, et de l'existence de l'ordonnance de 1373, et de sa publication dans le Barrois, que celles que nous présente la déclaration du duc Léopold, du18 mars 1718 : Quoique, par les anciennes ordonnances des ducs nos prédécesseurs, notamment celles des ducs Robert, du 25 septembre 1373, René Iet,, du 21 décembre 1446, Charles 111, du 27 juin 1561, et Charles IV, du 2 septembre 1661, le domaine de nos duchés de Lorraine et Barrois soit déclaré Inaliénable et imprescriptible, et qu'en conséquence de ces lois fondamentales, nous soyons en droit de révoquer absolument toutes les aliénations desdits domaines, etc.

» Dira-t-on que le duc Léopold a pris sur lui de citer, et surtout de citer comme fondamentale, une loi qui n'existait pas? Ce serait outrager gratuitement la mémoire d'un des princes les plus sages, les plus vertueux, les plus habiles qui aient regné sur aucun peuple. Et d'ailleurs la preuve que Leopold n'a cité l'ordonnance de Robert, de 1373, qu'après en avoir pris une parfaite connais sance, c'est, qu'instruit des doutes qui s'élevaient sur l'authenticité de l'ordonnance du duc René Ier., du 10 octobre 1444, il l'a omise dans la nomenclature des anciennes lois qu'il a rappelées dans sa déclaration.

» Ainsi, bien loin que le défaut plus ou moins réel d'authenticité que l'on reproche a l'ordonnance de 1444, puisse faire présumer l'inexistence de celle du 25 septembre 1373, il en résulte, au contraire, une preuve certaine et irrefragable que celle-ci existait véritablement et avec tous les caractères d'une loi universellement reconnue, lorsque Léopold a donné sa déclaration du 18 mars 1718.

1

>> On voudrait ensuite insinuer que l'ordon nance de 1373 est restée long-temps sans exé

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