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plus de dix mille hommes. Vous avez gagné des ba« tailles sans canon, passé des rivières sans ponts, fait « des marches forcées sans souliers, bivouaqué sans eau<«< de-vie et souvent sans pain. Les phalanges républicaines, les soldats de la liberté, étaient seuls capables « de souffrir ce que vous avez souffert; grâces vous soient « rendues, soldats!...

Peuples d'Italie! l'armée française vient rompre « vos chaînes; le peuple français est l'ami de tous les peuples. Nous n'en voulons qu'aux tyrans qui vous as<< servissent. »

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Dès le 15 mai la paix est conclue entre la République française et le roi de Sardaigne; la Savoie est cédée à la France avec Nice et Tende. Napoléon avance toujours, et il écrit à Carnot:

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« Du quartier général, à Plaisance, 9 mai 1796.

« Nous avons enfin passé le Pô: la seconde campagne « est commencée; Beaulieu est déconcerté; il calcule as« sez mal, et donne constamment dans les piéges qu'on « lui tend. Peut-être voudra-t-il donner une bataille, car «< cet homme-là a l'audace de la fureur, et non celle du génie. Encore une victoire, et nous sommes maîtres de « l'Italie. Dès l'instant que nous arrêterons nos mouvements, nous ferons habiller l'armée à neuf. Elle est toujours à faire peur; mais tout engraisse; le soldat « ne mange que du pain de Gonesse, bonne viande et en quantité, etc. La discipline se rétablit tous les jours; << mais il faut souvent fusiller, car il est des hommes in

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«<< traitables qui ne peuvent se commander. Ce que nous

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« avons pris à l'ennemi est incalculable. Plus vous m'en« verrez d'hommes, plus je les nourrirai facilement. Je « vous fait passer vingt tableaux des premiers maîtres, « du Corrége et de Michel-Ange. Je vous dois des remer« ciments particuliers pour les attentions que vous voulez bien avoir pour ma femme. Je vous la recommande : « elle est patriote sincère, et je l'aime à la folie. J'espère « que les choses vont bien, pouvant vous envoyer une « douzaine de millions à Paris; cela ne vous fera pas de « mal pour l'armée du Rhin. Envoyez-moi quatre mille « cavaliers démontés, je chercherai ici à les remonter. Je « ne vous cache pas que, depuis la mort de Stengel, je n'ai plus un officier supérieur de cavalerie qui se batte. « Je désirerais que vous me pussiez envoyer deux ou trois

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adjudants généraux qui aient du feu et une ferme ré« solution de ne jamais faire de savantes retraites. »

C'est une des lettres remarquables de Napoléon. Quelle vivacité! quelle diversité de génie! Avec les intelligences du héros se trouve jetée pêle-mêle, dans la profusion triomphale des tableaux de Michel-Ange, une raillerie piquante contre un rival, à propos de ces adjudants généraux ayant une ferme résolution de ne jamais faire de savantes retraites. Le même jour Bonaparte écrivait au Directoire pour lui donner avis de la suspension d'armes accordée au duc de Parme et de l'envoi du Saint Jérôme du Corrége. Le 11 mai, il annonce à Carnot le passage du pont de Lodi qui nous rend possesseurs de la Lombardie. S'il ne va pas tout de suite à Milan, c'est qu'il veut suivre Beaulieu et l'achever. « Si j'enlève Mantoue, rien ne « m'arrête plus pour pénétrer dans la Bavière; dans

<< deux décades je puis être dans le cœur de l'Allemagne. « Si les deux armées du Rhin entrent en campagne, je

« vous prie de me faire part de leur position. Il serait

digne de la République d'aller signer le traité de paix « des trois armées réunies dans le cœur de la Bavière et « de l'Autriche étonnées. »

L'aigle ne marche pas, il vole, chargé des banderoles de victoires suspendues à son cou et à ses ailes.

Il se plaint de ce qu'on veut lui donner pour adjoint Kellermann : « Je ne puis pas servir volontiers avec un << homme qui se croit le premier général de l'Europe, et je crois qu'un mauvais général vaut mieux que deux

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<< bons. >>

Le 1 juin 1796 les Autrichiens sont entièrement expulsés d'Italie, et nos avant-postes éclairent les monts de l'Allemagne : « Nos grenadiers et nos carabiniers, « écrit Bonaparte au Directoire, jouent et rient avec la « mort. Rien n'égale leur intrépidité, si ce n'est la gaieté « avec laquelle ils font les marches les plus forcées. Vous croiriez qu'arrivés au bivouac ils doivent au moins dor« mir; pas du tout chacun fait son conte ou son plan

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d'opération du lendemain, et souvent on en voit qui << rencontrent très-juste. L'autre jour je voyais défiler « une demi-brigade; un chasseur s'approcha de mon « cheval : Général, me dit-il, il faut faire cela. Malheureux, lui dis-je, veux-tu bien te taire! Il disparaît à l'instant; je l'ai fait en vain chercher : c'était justement « ce que j'avais ordonné que l'on fit. »

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Les soldats gradèrent leur commandant : à Lodi ils

le firent caporal, à Castiglione sergent.

Le 17 de novembre on débouche sur Arcole : le jeune

général passe le pont qui l'a rendu fameux; dix mille hommes restent sur la place. « C'était un chant de l'Iliade! » s'écriait Bonaparte au seul souvenir de cette action.

En Allemagne, Moreau accomplissait la célèbre retraite que Napoléon appelait une retraite de sergent. Celuici se préparait à dire à son rival, en battant l'archiduc Charles:

Je suivrai d'assez près votre illustre retraite

Pour traiter avec lui sans besoin d'interprète.

Le 16 janvier 1797, les hostilités se renouèrent par la bataille de Rivoli. Deux combats contre Wurmser, à Saint-Georges et à la Favorite, entraînent pour l'ennemi la perte de cinq mille tués et de vingt mille prisonniers; le demeurant se barricade dans Mantoue; la ville bloquée capitule; Wurmser, avec les douze mille hommes qui lui restent, se rend.

Bientôt la Marche d'Ancône est envahie; plus tard le traité de Tolentino nous livre des perles, des diamants, des manuscrits précieux, la Transfiguration, le Laocoon, l'Apollon du Belvédère, et termine cette suite d'opérations par lesquelles en moins d'un an quatre armées autrichiennes ont été détruites, la haute Italie soumise et le Tyrol entamé; on n'a pas le temps de se reconnaître : l'éclair et le coup partent à la fois.

L'archiduc Charles, accouru pour défendre l'Autriche antérieure avec une nouvelle armée, est forcé au passage du Tagliamento; Gradisca tombe; Trieste est pris; les préliminaires de la paix entre la France et l'Autriche sont signés à Léoben.

Venise, formée au milieu de la chute de l'empire romain, trahie et troublée, nous avait ouvert ses lagunes et ses palais; une révolution s'accomplit le 31 mai 1797 dans Gênes sa rivale : la République ligurienne prend naissance. Bonaparte aurait été bien étonné si, du milieu de ses conquêtes, il eût pu voir qu'il s'emparait de Venise pour l'Autriche, des Légations pour Rome, de Naples pour les Bourbons, de Gênes pour le Piémont, de l'Espagne pour l'Angleterre, de la Westphalie pour la Prusse, de la Pologne pour la Russie, semblable à ces soldats qui, dans le sac d'une ville, se gorgent d'un butin qu'ils sont obligés de jeter, faute de le pouvoir emporter, tandis qu'au même moment ils perdent leur patrie.

Le 9 juillet, la République cisalpine proclame son existence. Dans la correspondance de Bonaparte on voit courir la navette à travers la chaîne des révolutions attachées à la nôtre : comme Mahomet avec le glaive et le Coran, nous allions l'épée dans une main, les droits de l'homme dans l'autre.

Dans l'ensemble de ses mouvements généraux, Bonaparte ne laisse échapper aucun détail : tantôt il craint que les vieillards des grands peintres de Venise, de Bologne, de Milan, ne soient bien mouillés en passant le Mont-Cenis; tantôt il est inquiet qu'un manuscrit sur papyrus de la bibliothèque ambrosienne ne soit perdu; il prie le ministre de l'intérieur de lui apprendre s'il est arrivé à la Bibliothèque nationale. Il donne au Directoire exécutif son opinion sur ses généraux :

Berthier talents, activité, courage, caractère, tout

« pour lui.

:

Augereau beaucoup de caractère, de courage, de

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