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ce parce qu'ils s'étaient souillés de tous les vices qu'ils étaient devenus capables de toutes les vertus? On n'ab-, dique pas le crime aussi facilement qu'une couronne; le front que ceiguit l'affreux bandeau en conserve des marques ineffaçables.

L'idée de faire descendre un ambitieux de génie du rang d'empereur à la condition de généralissime ou de président de la République était une chimère : le bonnet rouge, dont on chargeait la tête de ses bustes pendant les Cent-Jours, n'aurait annoncé à Bonaparte que la reprise du diadème, s'il était donné à ces athlètes qui parcourent le monde de fournir deux fois la même carrière.

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Toutefois, des libéraux de choix se promettaient la victoire des hommes fourvoyés, comme Benjamin Constant, des niais, comme M. Simonde-Sismondi, parlaient de placer le prince de Canino au ministère de l'intérieur, le lieutenant général comte Carnot au ministère de la guerre, le comte Merlin à celui de la justice. En apparence abattu, Bonaparte ne s'opposait point à des mouvements démocratiques qui, en dernier résultat, fournissaient des conscrits à son armée. Il se laissait attaquer dans des pamphlets; des caricatures lui répétaient : Ile d'Elbe, comme les perroquets criaient à Louis XI : Péronne. On prêchait à l'échappé de prison, en le tutoyant, la liberté et l'égalité; il écoutait ces remontrances d'un air de componction. Tout à coup, rompant les liens dont on avait prétendu l'envelopper, il proclame de sa propre autorité, non une constitution plébéienne, mais une constitution aristocratique, un Acte additionnel aux constitutions de l'Empire.

La République rêvée se change par cet adroit esca

motage dans le vieux gouvernement impérial, rajeuni de féodalité. L'Acte additionnel enlève à Bonaparte le parti républicain et fait des mécontents dans presque tous les autres partis. La licence règne à Paris, l'anarchie dans les provinces; les autorités civiles et militaires se combattent; ici on menace de brûler les châteaux et d'égorger les prêtres; là on arbore le drapeau blanc et on crie Vive le roi! Attaqué, Bonaparte recule; il retire à ses commissaires extraordinaires la nomination des maires des communes et rend cette nomination au peuple. Effrayé de la multiplicité des votes négatifs contre l'Acte additionnel, il abandonne sa dictature de fait et convoque la Chambre des représentants en vertu de cet acte qui n'est point encore accepté. Errant d'écueil en écueil, à peine délivré d'un danger, il heurte contre un autre : souverain d'un jour, comment instituer une pairie héréditaire que l'esprit d'égalité repousse? Comment gouverner les deux Chambres? Montreront-elles une obéissance passive? Quels seront les rapports de ces Chambres avec l'assemblée projetée du champ de mai, laquelle n'a plus de véritable but, puisque l'Acte additionnel est mis à exécution avant que les suffrages eussent été comptés? Cette assemblée, composée de trente mille électeurs, ne se croira-t-elle pas la représentation nationale?

Ce champ de mai, si pompeusement annoncé et célébré le 1" juin, se résout en un simple défilé de troupes et une distribution de drapeaux devant un autel méprisé. Napoléon, entouré de ses frères, des dignitaires de l'État, des maréchaux, des corps civils et judiciaires, proclame la souveraineté du peuple à laquelle il ne croyait pas. Les citoyens s'étaient imaginé qu'ils fabriqueraient eux

mêmes une constitution dans ce jour solennel; les paisibles bourgeois s'attendaient qu'on y déclarerait l'abdication de Napoléon en faveur de son fils; abdication manigancée à Bâle entre les agents de Fouché et du prince Metternich: il n'y eut rien qu'une ridicule attrape politique. L'Acte additionnel se présentait, au reste, comme un hommage à la légitimité; à quelques différences près, et surtout moins l'abolition de la confiscation, c'était la charte.

SUITE DES CENT-JOURS A PARIS.

Soucis et amertumes de Bonaparte.

Ces changements subits, cette confusion de toutes choses, annonçaient l'agonie du despotisme. Toutefois l'empereur ne peut recevoir du dedans l'atteinte mortelle, car le pouvoir qui le combat est aussi exténué que lui; le Titan révolutionnaire, que Napoléon avait jadis terrassé, n'a point recouvré son énergie native; les deux géants se portent maintenant d'inutiles coups; ce n'est plus que la lutte de deux ombres.

A ces impossibilités générales se joignent pour Bonaparte des tribulations domestiques et des soucis de palais il annonçait à la France le retour de l'impératrice et du roi de Rome, et l'une et l'autre ne revenaient point. Il disait à propos de la reine de Hollande, devenue par Louis XVIII duchesse de Saint-Leu: « Quand on a accepté les prospérités d'une famille, il faut en embrasser « les adversités. » Joseph, accouru de la Suisse, ne lui

demandait que de l'argent; Lucien l'inquiétait par ses liaisons libérales; Murat, d'abord conjuré contre son beau-frère, s'était trop hâté, en revenant à lui, d'attaquer les Autrichiens dépouillé du royaume de Naples et fugitif de mauvais augure, il attendait aux arrêts, près de Marseille, la catastrophe que je vous raconterai plus tard.

Et puis l'empereur pouvait-il se fier à ses anciens partisans et ses prétendus amis? ne l'avaient-ils pas indignement abandonné au moment de sa chute? Ce Sénat qui rampait à ses pieds, maintenant blotti dans la pairie, n'avait-il pas décrété la déchéance de son bienfaiteur? Pouvait-il les croire, ces hommes, lorsqu'ils venaient lui dire « L'intérêt de la France est inséparable du vôtre. « Si la fortune trompait vos efforts, des revers, sire, « n'affaibliraient pas notre persévérance et redouble«raient notre attachement pour vous. » Votre persévérance! votre attachement redoublé par l'infortune! Vous disiez ceci le 11 juin 1815 : qu'aviez-vous dit le 2 avril 1814? que direz-vous quelques semaines après, le 19 juil let 1815?

Le ministre de la police impériale, ainsi que vous l'avez-vu, correspondait avec Gand, Vienne et Bâle; les maréchaux auxquels Bonaparte était contraint de donner le commandement de ses soldats avaient naguère prêté serment à Louis XVIII; ils avaient fait contre lui, Bonaparte, les proclamations les plus violentes1: depuis ce moment, il est vrai, ils avaient réépousé leur sultan; mais s'il eût été arrêté à Grenoble, qu'en auraient-ils fait? Suffit-il de rompre un serment pour rendre à un autre serment violé toute sa force? Deux parjures équivalent-ils à la fidélité?

1 Voyez plus haut celle du maréchal Soult.

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