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Je courus à la poste et, avec de l'argent, je levai la difficulté.

Arrivés sous les remparts de Lille le 23, à deux heures du matin, nous trouvâmes les portes fermées; ordre était de ne les ouvrir à qui que ce soit. On ne put ou on ne voulut nous dire si le roi était entré dans la ville. J'engageai le postillon pour quelques louis à gagner, en dehors des glacis, l'autre côté de la place et à nous conduire à Tournai; j'avais, en 1792, fait à pied, pendant la nuit, ce même chemin avec mon frère. Arrivé à Tournai, j'appris que Louis XVIII était certainement entré dans Lille avec le maréchal Mortier, et qu'il comptait s'y défendre. Je dépêchai un courrier à M. de Blacas, le priant de m'envoyer une permission pour être reçu dans la place. Mon courrier revint avec une permission du commandant, mais sans un mot de M. de Blacas. Laissant madame de Chateaubriand à Tournai, je remontais en voiture pour me rendre à Lille, lorsque le prince de Condé arriva. Nous sûmes par lui que le roi était parti et que le maréchal Mortier l'avait fait accompagner jusqu'à la frontière. D'après ces explications, il restait prouvé que Louis XVIII n'était plus à Lille lorsque ma lettre y parvint.

Le duc d'Orléans suivit de près le prince de Condé. Mécontent en apparence, il était aise au fond de se trouver hors de la bagarre; l'ambiguïté de sa déclaration et de sa conduite portait l'empreinte de son caractère. Quant au vieux prince de Condé, l'émigration était son dieu Lare. Lui n'avait pas peur de monsieur de Bonaparte; il se battait si l'on voulait, il s'en allait si l'on voulait les choses étaient un peu brouillées dans sa cer

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velle; il ne savait pas trop s'il s'arrêterait à Rocroi pour livrer bataille, ou s'il irait dîner au Grand-Cerf. Il leva ses tentes quelques heures avant nous, me chargeant de recommander le café de l'auberge à ceux de sa maison qu'il avait laissés derrière lui. Il ignorait que j'avais donné ma démission à la mort de son petit-fils; il n'était pas bien sûr d'avoir eu un petit-fils; il sentait seulement dans son nom un certain accroissement de gloire, qui pouvait bien tenir à quelque Condé qu'il ne se rappelait plus.

Vous souvient-il de mon premier passage à Tournai avec mon frère, lors de ma première émigration? Vous souvient-il, à ce propos, de l'homme métamorphosé en âne, de la fille des oreilles de laquelle sortaient des épis de blé, de la pluie de corbeaux qui mettaient le feu partout? En 1815, nous étions bien nous-mêmes une pluie de corbeaux; mais nous ne mettions le feu nulle part. Hélas! je n'étais plus avec mon malheureux frère. Entre 1792 et 1815 la République et l'Empire avaient passé que de révolutions s'étaient aussi accomplies dans : ma vie! Le temps m'avait ravagé comme le reste. Et vous, jeunes générations du moment, laissez venir vingttrois années, et vous direz à ma tombe où en sont vos amours et vos illusions d'aujourd'hui.

A Tournai étaient arrivés les deux frères Bertin: M. Bertin de Vaux s'en retourna à Paris; l'autre Bertin, Bertin l'aîné, était mon ami. Vous savez par ces Mémoires ce qui m'attachait à lui.

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De Tournai nous allâmes à Bruxelles : là je ne retrouvai ni le baron de Breteuil, ni Rivarol, ni tous ces

jeunes aides de camp devenus morts ou vieux, ce qui est

la même chose. Aucune nouvelle du barbier qui m'avait donné asile. Je ne pris point le mousquet, mais la plume; de soldat j'étais devenu barbouilleur de papier. Je cherchais Louis XVIII; il était à Gand, où l'avaient conduit MM. de Blacas et de Duras: leur intention avait été d'abord d'embarquer le roi pour l'Angleterre. Si le roi avait consenti à ce projet, jamais il ne serait remonté sur le trône.

Étant entré dans un hôtel garni pour examiner un appartement, j'aperçus le duc de Richelieu fumant à demi couché sur un sofa, au fond d'une chambre noire. Il me parla des princes de la manière la plus brutale, déclarant qu'il s'en allait en Russie et ne voulait plus entendre parler de ces gens-là. Madame la duchesse de Duras, arrivée à Bruxelles, eut la douleur d'y perdre sa nièce.

La capitale du Brabant m'est en horreur; elle n'a jamais servi que de passage à mes exils; elle a toujours porté malheur à moi ou à mes amis.

Un ordre du roi m'appela à Gand. Les volontaires royaux et la petite armée du duc de Berry avaient été licenciés à Béthune, au milieu de la boue et des accidents. d'une débâcle militaire: on s'était fait des adieux touchants. Deux cents hommes de la maison du roi restèrent et furent cantonnés à Alost; mes deux neveux, Louis et Christian de Chateaubriand, faisaient partie de ce corps.

LES CENT-JOURS A GAND.

Le roi et son conseil. Je deviens ministre de l'intérieur par intérim.-M. de Lally

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Tolendal.

Madame la duchesse de Duras.

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Diners du poisson

>> nous

On m'avait donné un billet de logement dont je ne profitai pas une baronne dont j'ai oublié le nom vint trouver madame de Chateaubriand à l'auberge et nous. offrit un appartement chez elle : elle nous priait de si bonne grâce! « Vous ne ferez aucune attention, dit-elle, « à ce que vous contera mon mari : il a la tête... « vous comprenez? Ma fille aussi est tant soit peu extraor« dinaire; elle a des moments terribles, la pauvre en« fant! mais elle est du reste douce comme un mouton. « Hélas! ce n'est pas celle-là qui me cause le plus de « chagrin; c'est mon fils Louis, le dernier de mes en«fants: si Dieu n'y met la main, il sera pire que son

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