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le caractère faible des Bourbons. Quand l'intrigue fut nouée au dehors, elle se noua au dedans, et la conspiration devint flagrante. Sous l'habile administration de M. Ferrand, M. de Lavalette faisait la correspondance: les courriers de la monarchie portaient les dépêches de l'empire. On ne se cachait plus; les caricatures annonçaient un retour souhaité: on voyait des aigles rentrer par les fenêtres du château des Tuileries, d'où sortait par les portes un troupeau de dindons; le Nain jaune ou vert parlait de plumes de cane. Les avertissements venaient de toutes parts, et l'on n'y voulait pas croire. Le gouvernement suisse s'était inutilement empressé de prévenir le gouvernement du roi des menées de Joseph Bonaparte, retiré dans le pays de Vaud. Une femme arrivée de l'île d'Elbe donnait les détails les plus circonstanciés de ce qui se passait à Porto-Ferrajo, et la police la fit jeter en prison. On tenait pour certain que Napoléon n'oserait rien tenter avant la dissolution du congrès, et que, dans tous les cas, ses vues se tourneraient vers l'Italie. D'au tres, plus avisés encore, faisaient des vœux pour que le petit caporal, l'ogre, le prisonnier, abordât les côtes de France cela serait trop heureux; on en finirait d'un seul coup! M. Pozzo di Borgo déclarait à Vienne que le délinquant serait accroché à une branche d'arbre. Si l'on pouvait avoir certains papiers, on y trouverait la preuve que dès 1814 une conspiration militaire était ourdic et marchait parallèlement avec la conspiration politique que le prince de Talleyrand conduisait à Vienne, à l'instigation de Fouché. Les amis de Napoléon lui écrivirent que s'il ne hâtait son retour, il trouverait sa place prise aux Tuileries par le duc d'Orléans : ils

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s'imaginent que cette révélation servit à précipiter le retour de l'empereur. Je suis convaincu de l'existence de ces menées, mais je crois aussi que la cause déterminante qui décida Bonaparte était tout simplement la nature de son génie.

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La conspiration de Drouet d'Erlon et de LefebvreDesnouettes venait d'éclater. Quelques jours avant la levée de boucliers de ces généraux, je dînais chez M. le maréchal Soult, nommé ministre de la guerre le 3 décembre 1814: un niais racontait l'exil de Louis XVIII à Hartwell; le maréchal écoutait; à chaque circonstance il répondait par ces deux mots : « C'est historique. On apportait les pantoufles de Sa Majesté. « C'est historique! » — Le roi avalait, les jours maigres, trois œufs frais avant de commencer son dîner. « C'est historique! » Cette réponse me frappa. Quand un gouvernement n'est pas solidement établi, tout homme dont la conscience ne compte pas devient, selon le plus ou le moins d'énergie de son caractère, un quart, une moitié, un trois quarts de conspirateur; il attend la décision de la fortune: les événements font plus de traitres que les opinions.

Revu en décembre 1346.

COMMENCEMENT DES CENT-JOURS.
RETOUR DE L'Ile d'elbe.

Tout à coup le télégraphe annonça aux braves et aux incrédules le débarquement de l'homme : Monsieur court à Lyon avec le duc d'Orléans et le maréchal Macdonald; il en revient aussitôt. Le maréchal Soult, noncé à la Chambre des députés, cède sa place le 11 mars au duc de Feltre. Bonaparte rencontra devant lui, pour ministre de la guerre de Louis XVIII, en 1815, le général qui avait été son dernier ministre de la guerre

en 1814.

La hardiesse de l'entreprise était inouïe. Sous le point de vue politique, on pourrait regarder cette entreprise comme le crime irrémissible et la faute capitale de Napoléon. Il savait que les princes encore réunis au congrès, que l'Europe encore sous les armes, ne souffriraient pas son rétablissement; son jugement devait

l'avertir qu'un succès, s'il l'obtenait, ne pouvait être que d'un jour : il immolait à sa passion de reparaître sur la scène le repos d'un peuple qui lui avait prodigué son sang et ses trésors; il exposait au démembrement la patrie dont il tenait tout ce qu'il avait été dans le passé et tout ce qu'il sera dans l'avenir. Il y eut dans cette conception fantastique un égoïsme féroce, un manque effroyable de reconnaissance et de générosité envers la France.

Tout cela est vrai selon la raison pratique, pour un homme à entrailles plutôt qu'à cervelle; mais, pour les êtres de la nature de Napoléon, une raison d'une autre sorte existe; ces créatures à haut renom ont une allure à part les comètes décrivent des courbes qui échappent au calcul; elles ne sont liées à rien, ne paraissent bonnes à rien; s'il se trouve un globe sur leur passage, elles le brisent et rentrent dans les abîmes du ciel; leurs lois ne sont connues que de Dieu. Les individus extraordinaires sont les monuments de l'intelligence humaine; ils n'en sont pas la règle.

Bonaparte fut donc moins déterminé à son entreprise par les faux rapports de ses amis que par la nécessité de son génie il se croisa en vertu de la foi qu'il avait en lui. Ce n'est pas tout de naitre, pour un grand homme: il faut mourir. L'île d'Elbe était-elle une fin pour Napoléon? Pouvait-il accepter la souveraineté d'un carré de légumes, comme Dioclétien à Salone? S'il eût attendu plus tard, aurait-il eu plus de chances de succès, alors qu'on eût été moins ému de son souvenir, que ses vieux soldats eussent quitté l'armée, que les nouvelles positions sociales eussent été prises?

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