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vieillir loin de sa patrie et mourir percé de flèches sur le sein de Timandra. Les compagnons de ses premières espérances, esclaves à Syracuse, n'ont pour alléger le poids de leurs chaînes que quelques vers d'Euripide.

Vous avez vu ma jeunesse quitter le rivage; elle n'avait pas la beauté du pupille de Périclès, élevé sur les genoux d'Aspasie; mais elle en avait les heures matineuses et des désirs et des songes, Dieu sait! Je vous les ai peints, ces songes: aujourd'hui, retournant à la terre après maint exil, je n'ai plus à vous raconter que des vérités tristes comme mon âge. Si parfois je fais entendre encore les accords de la lyre, ce sont les dernières harmonies du poëte qui cherche à se guérir de la blessure des flèches du temps, ou à se consoler de la servitude des années.

Vous savez la mutabilité de ma vie dans mon état de voyageur et de soldat; vous connaissez mon existence littéraire depuis 1800 jusqu'à 1813, année où vous m'avez laissé à la Vallée-aux-Loups qui m'appartenait encore, lorsque ma carrière politique s'ouvrit. Nous entrons présentement dans cette carrière: avant d'y pénétrer, force m'est de revenir sur les faits généraux que j'ai sautés en ne m'occupant que de mes travaux et de mes propres aventures ces faits sont de la façon de Napoléon. Passons donc à lui; parlons du vaste édifice qui se construisait en dehors de mes songes. Je deviens maintenant historien sans cesser d'être écrivain de mémoires; un intérêt public va soutenir mes confidences privées; mes petits récits se grouperont autour de ma narration.

Lorsque la guerre de la Révolution éclata, les rois ne la comprirent point; ils virent une révolte où ils au

raient dû voir le changement des nations, la fin et le commencement d'un monde : ils se flattèrent qu'il ne s'agissait pour eux que d'agrandir leurs États de quelques provinces arrachées à la France; ils croyaient à l'ancienne tactique militaire, aux anciens traités diplomatiques, aux négociations des cabinets; et des conscrits allaient chasser les grenadiers de Frédéric, des monarques allaient venir solliciter la paix dans les antichambres de quelques démagogues obscurs, et la terrible opinion révolutionnaire allait dénouer sur les échafauds les intrigues de la vieille Europe. Cette vieille Europe pensait ne combattre que la France; elle ne s'apercevait pas qu'un siècle nouveau marchait sur elle.

Bonaparte dans le cours de ses succès toujours croissants semblait appelé à changer les dynasties royales, à rendre la sienne la plus âgée de toutes. Il avait fait rois les électeurs de Bavière, de Wurtemberg et de Saxe; il avait donné la couronne de Naples à Murat, celle d'Espagne à Joseph, celle de Hollande à Louis, celle de Westphalie à Jérôme; sa sœur, Élisa Bacciocchi, était princesse de Lucques; il était, pour son propre compte, empereur des Français, roi d'Italie, dans lequel royaume se trouvaient compris Venise, la Toscane, Parme et Plaisance; le Piémont était réuni à la France; il avait consenti à laisser régner en Suède un de ses capitaines, Bernadotte; par le traité de la confédération du Rhin, il exerçait les droits de la maison d'Autriche sur l'Allemagne; il s'était déclaré médiateur de la confédération helvétique; il avait jeté bas la Prusse; sans posséder une barque, il avait déclaré les Iles Britanniques en état de blocus. L'Angleterre malgré ses flottes fut au moment

de n'avoir pas un port en Europe pour y décharger un ballot de marchandises ou pour y mettre une lettre à la poste.

Les États du pape faisaient partie de l'empire français; le Tibre était un département de la France. On voyait dans les rues de Paris des cardinaux demi-prisonniers qui, passant la tête à la portière de leur fiacre, demandaient : « Est-ce ici que demeure le roi de...? — Non, répondait le commissionnaire interrogé, c'est plus haut. » L'Autriche ne s'était rachetée qu'en livrant sa fille le chevaucheur du midi réclama Honoria de Valentinien, avec la moitié des provinces de l'empire.

Comment s'étaient opérés ces miracles? Quelles qualités possédait l'homme qui les enfanta? Quelles qualités lui manquèrent pour les achever? Je vais suivre l'immense fortune de Bonaparte qui, nonobstant, a passé si vite que ses jours occupent une courte période du temps renfermé dans ces Mémoires. De fastidieuses productions de généalogies, de froides disquisitions sur les faits, d'insipides vérifications de dates sont les charges et les servitudes de l'écrivain.

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Le premier Buonaparte (Bonaparte) dont il soit fait mention dans les annales modernes est Jacques Buonaparte, lequel, augure du conquérant futur, nous a laissé l'histoire du sac de Rome en 1527, dont il avait été témoin oculaire. Napoléon-Louis Bonaparte, fils aîné de la duchesse de Saint-Leu, mort après l'insurrection de la Romagne, a traduit en français ce document curieux; à la tête de la traduction il a placé une généalogie des Buonaparte.

Le traducteur dit « qu'il se contentera de remplir « les lacunes de la préface de l'éditeur de Cologne, en publiant sur la famille Bonaparte des détails authentiques; lambeaux d'histoire, dit-il, presque entière<«<ment oubliés, mais au moins intéressants pour ceux qui aiment à retrouver dans les annales des temps

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Suit une généalogie où l'on voit un chevalier Nordille Buonaparte, lequel, le 2 avril 1266, cautionna le prince Conradin de Souabe (celui-là même à qui le duc d'Anjou fit trancher la tète) pour la valeur des droits de douane des effets dudit prince. Vers l'an 1255 commencèrent les proscriptions des familles trévisanes : une branche des Bonaparte alla s'établir en Toscane, où on les rencontre dans les hautes places de l'État. LouisMarie-Fortuné Buonaparte, de la branche établie à Sarzane, passa en Corse en 1612, se fixa à Ajaccio et devint le chef de la branche des Bonaparte de Corse. Les Bonaparte portent de gueules à deux barres d'or accompagné de deux étoiles.

Il y a une autre généalogie que M. Panckoucke a placée à la tête du recueil des écrits de Bonaparte; elle diffère en plusieurs points de celle qu'a donnée NapoléonLouis. D'un autre côté, madame d'Abrantès veut que Bonaparte soit un Comnène, alléguant que le nom de Bonaparte est la traduction littérale du grec Caloméros, surnom des Comnène.

Napoléon-Louis croit devoir terminer sa généalogie par ces paroles: « J'ai omis beaucoup de détails, car les « titres de noblesse ne sont un objet de curiosité que « pour un petit nombre de personnes, et d'ailleurs la « famille Bonaparte n'en retirerait aucun lustre.

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Nonobstant ce vers philosophique, la généalogie subsiste, Napoléon-Louis veut bien faire à son siècle la concession d'un apophthegme démocratique sans que cela tire à conséquence.

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