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et judiciaires faisaient queue pour jurer haine à la nouvelle dynastie proscrite, amour à la race antique qu'elles avaient cent et cent fois condamnée. Qui composait ces proclamations, ces adresses adulatrices et outrageantes pour Napoléon, dont la France était inondée? des royalistes? Non les ministres, les généraux, les autorités, choisis et maintenus par Bonaparte. Où se tripotait la Restauration? chez des royalistes? Non chez M. de Talleyrand. Avec qui? avec M. de Pradt, aumônier du dieu Mars et saltimbanque mitré. Avec qui et chez qui dînait en arrivant le lieutenant général du royaume? chez des royalistes et avec des royalistes? Non chez l'évêque d'Autun, avec M. de Caulaincourt. Où donnait-on des fêtes aux infâmes princes étrangers? aux châteaux des royalistes? Non : à la Malmaison, chez l'impératrice Joséphine. Les plus chers amis de Napoléon, Berthier, par exemple, à qui portaient-ils leur ardent dévouement? à la légitimité. Qui passait sa vie chez l'autocrate Alexandre, chez ce brutal Tartare? les classes de l'Institut, les savants, les gens de lettres, les philosophes philanthropes, théophilanthropes et autres; ils en revenaient charmés, comblés d'éloges et de tabatières. Quant à nous, pauvres diables de légitimistes, nous n'étions admis nulle part; on nous comptait pour rien. Tantôt on nous faisait dire dans la rue d'aller nous coucher; tantôt on nous recommandait de ne pas crier trop haut Vive le roi! d'autres s'étant chargés de ce soin. Loin de forcer aucun à être légitimiste, les puissants déclaraient que personne ne serait obligé de changer de rôle et de langage, que l'évêque d'Autun ne serait pas plus contraint de dire la messe sous la royauté qu'il n'avait été contraint d'y aller sous

l'Empire. Je n'ai point vu de châtelaine, point de Jeanne d'Arc, proclamer le souverain de droit, un faucon sur le poing ou la lance à la main; mais madame de Talleyrand, que Bonaparte avait attachée à son mari comme un écriteau, parcourait les rues en calèche, chantant des hymnes sur la pieuse famille des Bourbons. Quelques draps pendillants aux fenêtres des familiers de la cour impériale faisaient croire aux bons Cosaques qu'il y avait autant de lis dans les cœurs des bonapartistes convertis que de chiffons blancs à leurs croisées. C'est merveille en France que la contagion, et l'on crierait A bas ma tête! si on l'entendait crier à son voisin. Les impérialistes entraient jusque dans nos maisons et nous faisaient, nous autres bourbonistes, exposer en drapeau sans tache les restes de blanc renfermés dans nos lingeries : c'est ce qui arriva chez moi; mais madame de Chateaubriand n'y voulut entendre, et défendit vaillamment ses mousselines.

PREMIER MINISTÈRE.

JE PUBLIE LES RÉFLEXIONS POLITIQUES. · MADAME LA DUCHESSE DE DURAS. JE SUIS NOMMÉ AMBASSADEUR EN SUÈDE.

Le Corps législatif transformé en Chambre des députés, et la Chambre des pairs, composée de cent cinquante-deux membres, nommés à vie, dans lesquels on comptait plus de soixante sénateurs, formèrent les deux premières Chambres législatives. M. de Talleyrand, installé au ministère des affaires étrangères, partit pour le congrès de Vienne, dont l'ouverture était fixée au 3 de novembre, en exécution de l'article 32 du traité du 30 mai; M. de Jaucourt eut le portefeuille pendant un intérim qui dura jusqu'à la bataille de Waterloo. L'abbé de Montesquiou devint ministre de l'intérieur, ayant pour secrétaire général M. Guizot; M. Malouet entra à la marine; il décéda et fut remplacé par M. Beugnot; le général Dupont obtint le département de la guerre; on lui

substitua le maréchal Soult, qui s'y distingua par l'érection du monument funèbre de Quiberon; le duc de Blacas fut ministre de la maison du roi, M. Anglès préfet de police, le conseiller d'Ambray ministre de la justice, l'abbé Louis ministre des finances.

Le 21 octobre, l'abbé de Montesquiou présenta la première loi au sujet de la presse; elle soumettait à la censure tout écrit de moins de vingt feuilles d'impression: M. Guizot élabora cette première loi de liberté.

Carnot adressa une lettre au roi : il avouait que les Bourbons avaient été reçus avec joie; mais, ne tenant aucun compte ni de la brièveté du temps ni de tout ce que la charte accordait, il donnait, avec des conseils hasardés, des leçons hautaines : tout cela ne vaut quand on doit accepter le rang de ministre et le titre de comte de l'Empire; point ne convient de se montrer fier envers un prince faible et libéral quand on a été soumis devant un prince violent et despotique; quand, machine usée de la Terreur, on s'est trouvé insuffisant au calcul des proportions de la guerre napoléonienne. Je fis imprimer en réponse les Réflexions politiques; elles contiennent la substance de la Monarchie selon la Charte. M. Lainé, président de la Chambre des députés, parla au roi de cet ouvrage avec éloge. Le roi paraissait toujours charmé des services que j'avais le bonheur de lui rendre; le ciel semblait m'avoir jeté sur les épaules la casaque de héraut de la légitimité mais plus l'ouvrage avait de succès, moins l'auteur plaisait à Sa Majesté. Les Réflexions politiques divulguèrent mes doctrines constitutionnelles : la cour en reçut une impression que ma fidélité aux Bourbons n'a pu effacer. Louis XVIII disait à ses familiers : « Donnez

« vous de garde d'admettre jamais un poëte dans vos «< affaires : il perdra tout. Ces gens-là ne sont bons à « rien. »>

Une forte et vive amitié remplissait alors mon cœur: la duchesse de Duras avait de l'imagination, et un peu même dans le visage de l'expression de madame de Staël : on a pu juger de son talent d'auteur par Ourika. Rentrée de l'émigration, renfermée pendant plusieurs années dans son château d'Ussé, au bord de la Loire, ce fut dans les beaux jardins de Méréville que j'en entendis parler pour la première fois, après avoir passé auprès d'elle à Londres sans l'avoir rencontrée. Elle vint à Paris pour l'éducation de ses charmantes filles, Félicie et Clara. Des rapports de famille, de province, d'opinions littéraires et politiques, m'ouvrirent la porte de sa société. La chaleur de l'âme, la noblesse du caractère, l'élévation de l'esprit, la générosité de sentiments, en faisaient une femme supérieure. Au commencement de la Restauration, elle me prit sous sa protection; car, malgré ce que j'avais fait pour la monarchie légitime et les services que Louis XVIII confessait avoir reçus de moi, j'avais été mis si fort à l'écart que je songeais à me retirer en Suisse. Peut-être eussé-je bien fait : dans ces solitudes que Napoléon m'avait destinées comme à son ambassadeur aux montagnes, n'aurais-je pas été plus heureux qu'au château des Tuileries? Quand j'entrai dans ces salons au retour de la légitimité, ils me firent une impression presque aussi pénible que le jour où j'y vis Bonaparte prêt à tuer le duc d'Enghien. Madame de Duras parla de moi à M. de Blacas. Il répondit que j'étais bien libre d'aller où je voudrais. Madame de Duras fut si orageuse, elle avait un

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