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«< mon seul ennemi. Je promets ma protection spéciale « à la ville de Paris; je protégerai, je conserverai tous « les établissements publics; je n'y ferai séjourner que « des troupes d'élite; je conserverai votre garde natio« nale, qui est composée de l'élite de vos citoyens. C'est a à vous d'assurer votre bonheur à venir; il faut vous « donner un gouvernement qui vous procure le repos et qui le procure à l'Europe. C'est à vous à émettre votre « vœu : vous me trouverez toujours prêt à seconder vos « efforts. »

Paroles qui furent accomplies ponctuellement : le bonheur de la victoire aux yeux des alliés l'emportait sur tout autre intérêt. Quels devaient être les sentiments d'Alexandre, lorsqu'il aperçut les domes des édifices de cette ville où l'étranger n'était jamais entré que pour nous admirer, que pour jouir des merveilles de notre civilisation et de notre intelligence; de cette inviolable cité, défendue pendant douze siècles par ses grands hommes; de cette capitale de la gloire que Louis XIV semblait encore protéger de son ombre, et Bonaparte de son retour!

ENTRÉE DES ALLIÉS DANS PARIS.

A FONTAINEBLEAU.

BONAPARTE

:

Dieu avait prononcé une de ces paroles par qui le silence de l'éternité est de loin en loin interrompu. Alors se souleva, au milieu de la présente génération, le marteau qui frappa l'heure que Paris n'avait entendu sonner qu'une fois le 25 décembre 496, Reims annonça le baptême de Clovis, et les portes de Lutèce s'ouvrirent aux Francs; le 30 mars 1814, après le baptême de sang de Louis XVI, le vieux marteau resté immobile se leva de nouveau au beffroi de l'antique monarchie; un second coup retentit, les Tartares pénétrèrent dans Paris. Dans l'intervalle de mille trois cent dix-huit ans, l'étranger avait insulté les murailles de la capitale de notre empire sans y pouvoir entrer jamais, hormis quand il s'y glissa appelé par nos propres divisions. Les Normands assiégèrent la cité des Parisii; les Parisii donnèrent la volée aux éperviers qu'ils portaient sur le poing; Eudes, enfant x excess terry & Inland

X

de Paris et roi futur, rer futurus, dit Abbon, repoussa les pirates du Nord: les Parisiens làchèrent leurs aigles en 1814; les alliés entrèrent au Louvre.

Bonaparte avait fait injustement la guerre à Alexandre son admirateur qui implorait la paix à genoux; Bonaparte avait commandé le carnage de la Moskowa; il avait forcé les Russes à brûler eux-mêmes Moscou; Bonaparte avait dépouillé Berlin, humilié son roi, insulté sa reine : à quelles représailles devions-nous done nous attendre? vous l'allez voir.

J'avais erré dans les Florides autour de monumen's inconnus, jadis dévastés par des conquérants dont il ne reste aucune trace, et j'étais réservé au spectacle des hordes caucasiennes campées dans la cour du Louvre. Dans ces événements de l'histoire qui, selon Montaigne, « sont maigres témoins de notre prix et capacité, » ma langue s'attache à mon palais :

Adhæret lingua mea faucibus meis.

L'armée des alliés entra dans Paris le 31 mars 1814) à midi, à dix jours seulement de l'anniversaire de la mort du duc d'Enghien, 21 mars 1804. Était-ce la peine à Bonaparte d'avoir commis une action de si longue mémoire, pour un règne qui devait durer si peu? L'empereur de Russie et le roi de Prusse étaient à la tête de leurs troupes. Je les vis défiler sur les boulevards. Stupéfait et anéanti au dedans de moi, comme si l'on m'arrachait mon nom de Français pour y substituer le numéro par lequel je devais désormais être connu dans les mines de la Sibérie, je sentais en même temps mon exaspéra

tion s'accroître contre l'homme dont la gloire nous avait réduits à cette honte.

Toutefois cette première invasion des alliés est demeurée sans exemple dans les annales du monde : l'ordre, la paix et la modération régnèrent partout; les boutiques se rouvrirent; des soldats russes de la garde, hauts de six pieds, étaient pilotés à travers les rues par de petits polissons français qui se moquaient d'eux, comme des pantins et des masques du carnaval. Les vaincus pouvaient être pris pour les vainqueurs; ceux-ci, tremblant de leurs succès, avaient l'air d'en demander excuse. La garde nationale occupait seule l'intérieur de Paris, à l'exception des hôtels où logeaient les rois et les princes étrangers. Le 31 mars 1814, des armées innombrables occupaient la France; quelques mois après, toutes ces troupes repassèrent nos frontières, sans tirer un coup de fusil, sans verser une goutte de sang, depuis la rentrée des Bourbons. L'ancienne France se trouve agrandie sur quelques-unes de ses frontières; on partage avec elle les vaisseaux et les magasins d'Anvers; on lui rend trois cent mille prisonniers dispersés dans les pays où les avait laissés la défaite ou la victoire. Après vingt-cinq années de combats, le bruit des armes cesse d'un bout de l'Europe à l'autre; Alexandre s'en va, nous laissant les chefsd'œuvre conquis et la liberté déposée dans la charte, liberté que nous dûmes autant à ses lumières qu'à son influence. Chef des deux autorités suprêmes, doublement autocrate par l'épée et par la religion, lui seul de tous les souverains de l'Europe avait compris qu'à l'âge de civilisation auquel la France était arrivée, elle ne pouvait être gouvernée qu'en vertu d'une constitution libre.

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