Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

quelque imagination que l'on ait, rien de pareil à ce récit, dont la vérité fait le seul mérite. L'imagination est une déesse, mais la vérité est une sainte.

IX

Lyon moderne.

Si l'on veut prendre une idée quelque peu honorable de Lyon, il faut Y arriver par la Saône. Alors son aspect, triste, sale et monotone vu des autres routes, se présente avec quelque peu de grandiose et beaucoup de pittoresque. On est d'abord accueilli par l'île Barbe, jolie fabrique qui semble venir audevant du voyageur pour lui faire les hon

neurs de la ville. Si l'on veut y descendre, on y trouvera quelques débris antiques, un puits, que la tradition dit creusé par Charlemagne, et les ruines d'une église du douzième siècle; puis, en continuant d'avancer, on passera au pied du rocher de Pierre-Scise, qu'Agrippa fit couper lorsqu'il construisit ses quatre voies militaires, dont l'une, dirigée du côté du Vivarais et des Cévennes, conduisait vers les Pyrénées, l'autre vers le Rhin, la troisième vers l'océan Breton, et la quatrième dans la Gaule narbonnaise. Un château fortifié, qui servait de prison d'État, s'élevait autrefois à sa cime. Nous avons vu que ce fut de ses cachots que sortirent, pour aller faire leur pèlerinage de mort à la place des Terreaux, MM. de Thou et de Cinq-Mars.

A trois cents pas de Pierre-Scise s'élève un autre rocher, surmonté non pas d'une prison d'État, mais d'un homme sans tête, et qui tient une bourse à la main. Cette statue est celle d'un brave Allemand qui consacrait une

<

partie de ses revenus à marier les filles de son quartier. Je ne sais si ce fut la reconnaissance des femmes ou la dévotion des filles qui lui éleva ce monument; mais ce dont on est sûr, c'est que ce fut la rancune d'un mari qui l'a mis dans l'état déplorable où il est depuis plus de dix ans.

C'est lorsqu'on a dépassé seulement la roche de l'homme sans tête qu'on aperçoit Lyon dans toute sa longueur. Si l'on continue de suivre la rivière, on passera devant l'apside de l'église Saint-Jean, et c'est, je crois, le seul monument qu'on trouvera sur la route; puis

on arrivera au pont de la Mulatière, qui marque la jonction du Rhône et de la Saône. C'est à l'extrémité de ce pont que commence le chemin de fer qui va à Saint-Étienne. Le premier obstacle qu'on a eu à vaincre pour l'établir est un rocher qu'il a fallu percer pendant l'espace de deux cents pas à peu près, et qui forme une voûte où il est dangereux de s'engager, ainsi que le prouve cette

inscription, que la prévoyance paternelle du maire de Lyon a fait placer sur un des côtés :

Il est défendu de passer sous cette voûte, sous peine d'être écrasé.

Cette recommandation, si concise qu'elle paraisse au premier abord, ne fut, à ce qu'il paraît, cependant pas suffisante; car on fut obligé d'en mettre une autre plus sévère, conçue en ces termes et qui forme son pendant :

Il est défendu de passer sous cette voûte, sous peine de payer l'amende.

Si, après avoir pris, grâce aux deux inscriptions, une idée sommaire des habitans, on veut s'en faire une réelle de la ville, on suivra le chemin des Étroits, où Rousseau passa une si délicieuse nuit et Mouton Duvernet une si terrible journée, et l'on montera à NotreDame de Fourrière, vierge de grande renommée et miraculeuse comme une madone romaine. De là on verra s'étendre, au premier

« ZurückWeiter »