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jointes dessus le poteau qui lui servait comme d'un accoudoir, il se met en prières.

» On lui présenta le crucifix, qu'il prit de la main droite : tenant le poteau embrassé de la gauche, le baisa, le rendit et demanda ses médailles au compagnon de son confesseur, lesquelles il baisa et dit trois fois Jésus ; après il les lui remit, et, se tournant hardiment vers l'exécuteur, qui était là debout, et n'avait pas encore tiré son couperet d'un méchant sac 'qu'il avait apporté sur l'échafaud, lui dit :

Que fais-tu là? qu'attends-tu?—Son confesseur s'étant retiré sur l'échelle, il le rappela et lui dit :- Mon père, venez-moi aider à prier Dieu. Il se rapprocha et s'agenouilla auprès

de lui, lequel récita d'une grande affection le Salve regina d'une voix intelligible, sans hésiter, pesant toutes ces belles paroles, et particulièrement étant arrivé à ces mots : Et Jesum benedictum fructum ventris tui nobis post hoc exilium ostende, et le reste, il se baissait et levait les yeux au ciel avec dévotion et

d'une façon toute ravissante. Après, son confesseur pria de sa part ceux qui étaient présens de dire pour lui un Pater noster et un Ave Maria.

» Pendant quoi l'exécuteur tira de son sac un couperet ( qui était comme celui des bouchers, mais plus gros et plus carré). Enfin, ayant levé d'une grande résolution les yeux au ciel, il dit : Allons mourir! mon Dieu,

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ayez pitié de moi! - Puis, d'une constance incroyable, sans être bandé, posa fort proprement son cou sur le poteau, tenant le visage droit tourné vers le devant de l'échafaud. Embrassant fortement de ses deux bras le poteau, il ferma les yeux et la bouche, et attendit le coup que l'exécuteur lui vint donner assez lentement et pesamment, s'étant mis à sa gauche et tenant son couperet des deux mains. En recevant le coup il poussa d'une voix forte comme: Ah! qui fut étouffé dans le sang; il leva les genoux de dessus le bloc,

comme pour se lever, et retomba en la même assiette qu'il était.

>> La tête ne s'étant pas entièrement séparée du corps par ce coup, l'exécuteur passa à sa droite par derrière, et, prenant la tête par les cheveux de la main droite, de la gauche il scia avec son couperet une partie de la trachéeartère, et la peau du cou qui n'était pas coupée ; après quoi il jeta la tête sur l'échafaud, qui de là bondit à terre, où l'on remarqua qu'elle fit encore un demi-tour et palpita assez long-temps. Elle avait le visage tourné vers les religieuses de Saint-Pierre, et le dessus de la tête vers l'échafaud, les yeux ouverts.

>> Son corps demeura droit comme le poteau qu'il tenait toujours embrassé, tant que l'exécuteur le tira de là pour le dépouiller, ce qu'il fit; puis il le couvrit d'un drap et mit son manteau par-dessus. La tête ayant été rendue sur l'échafaud, elle fut mise auprès du corps, sous le même drap.

>> M. de Cinq-Mars étant mort, on leva la

portière du carrosse,

d'où M. de Thou sortit

d'un visage riant, lequel, ayant fort civilement salué ceux qui étaient là auprès, monta assez vite et généreusement sur l'échafaud, tenant son manteau plié sur le bras droit, où, d'a bord jetant son manteau d'une façon allègre, courut les bras étendus vers son exécuteur, qu'il embrassa et baisa en disant :-Ah! mon frère, mon cher ami, que je t'aime! il faut que je t'embrasse puisque tu me dois causer aujourd'hui un bonheur éternel: tu dois me mettre dans le paradis. Puis, se tournant sur le devant de l'échafaud, il se découvrit et salua tout le monde, et jeta derrière soi son chapeau, qui tomba sur les pieds de M. de Cinq-Mars. De là, se retournant vers son confesseur, il dit d'une grande ardeur: Mon père, spectaculum facti sumus mundo, et angelis, et hominibus.

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» Le père lui ayant dit quelques paroles de dévotion qu'il écoutait attentivement, il lui dit qu'il avait encore quelque chose à dire touchant sa conscience, se mit à genoux, lui déclara ce

que c'était, et reçut la dernière absolution, s'inclinant fort bas. Laquelle ayant reçue, il ôta son pourpoint et se mit à genoux et commença le psaume cent quinze, qu'il récita par cœur et paraphrasa en français, presque tout au long, d'une voix assez haute et d'une action vigoureuse, avec une ferveur indicible, mêlée d'une sainte joie. Il est vrai que j'ai trop de passion pour cette mort, disait-il; n'y a-t-il point de mal? Mon père (dit-il plus bas en souriant, se tournant à côté vers le père), j'ai trop d'aise : n'y a-t-il point de vanité? Pour moi, je n'en veux point.

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>> Tout cela fut accompagné d'une action si vive, si gaie et si forte, que plusieurs de ceux qui étaient éloignés pensaient qu'il fût dans des impatiences, et qu'il déclamait contre ceux qui étaient cause de sa mort.

» Après ce psaume, étant encore à genoux, il tourna sa vue à main droite, et voyant un

homme qu'il avait embrassé dans le palais,

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