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- Cinquante cinq ou soixante francs, je ne me rappelle plus.

-Et bien! ici, pour quinze 'francs tu en verras le jeu.

Et chez quel tailleur faut-il que j'aille?

Chez le premier venu, chez le mien si tu veux ; il demeure à la porte.

Le capitaine roule son pantalon sous son bras, suit son ami et arrive chez le tailleur.

Maintenant, dit l'ami, explique-lui ton

affaire, et je traduirai tes paroles.

Le capitaine ne se le fait pas dire à deux fois; il étale son pantalon, en fait ressortir la coupe, et termine en disant qu'il en désire un tout pareil. L'ami traduit la commande, et appuie sur la recommandation.

C'est bien, dit le tailleur; dans trois jours monsieur aura ce qu'il demande.

- Que dit-il? demande le capitaine impatient.

- Il dit que dans trois jours tu auras ce que tu désires.

-Trois jours, c'est bien long, dit le capitaine.

L'ami traduit le désir du capitaine au Chinois, qui regarde de nouveau le pantalon, secoue la tête et répond quelques mots à l'interprète.

Eh bien? demande le capitaine.

- Il dit qu'il y a beaucoup de besogne, et que trois jours ne sont pas trop pour avoir de l'ouvrage bien fait.

Eh bien! soit, dans trois jours; mais

qu'il ne me manque pas de parole.

Oh! quant à cela, il n'y a pas de danger, dans trois jours, heure pour heure, il sera chez toi.

Et les deux amis s'en allèrent en faisant une dernière recommandation à l'artiste.

Trois jours après, comme le capitaine et son

ami fumaient leur pipe d'opium, le matelot ouvrit la porte et annonça le tailleur.

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Ah! parbleu ! s'écria le capitaine, nous allons voir s'il est aussi adroit qu'exact. Eh bien! ce pantalon?

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Le voilà, dit le tailleur.

Essayons, essayons, dit le capitaine ; et

il prit le pantalon des mains du tailleur, le passa, et, pour s'assurer qu'il allait bien, ordonna à son matelot de lever les jalousies : le matelot obéit.

l'ami.

Eh bien mais il va à merveille, dit

— Je crois bien, dit le capitaine, c'est le mien qu'il m'a donné. - Pas celui-là, imbécile, l'autre.

L'ami traduit la demande au tailleur, qui donne l'autre d'un air triomphant. Le capitrine change de culottes.

Ah çà! mais, est-ce que je suis fou? dit

le capitaine; c'est celui-ci qui est le mien; où est donc le neuf ?

L'ami exprime le désir du capitaine au tailleur, qui lui tend le pantalon que sa nouvelle pratique vient de quitter.

على

Eh bien! voilà le neuf, dit l'ami.

Mais, non; tu vois bien que c'est le vieux, répond le capitaine; parbleu ! voilà la tache d'huile.

toi.

Il y en a une aussi à celui que tu as sur

-Ah çà ! mais, c'est une mauvaise plaisanterie.

L'ami se tourne vers le Chinois, l'interroge, et sur sa réponse éclate de rire.

--Eh bien? dit le capitaine.

-Eh bien ! dit l'ami; qu'est-ce que tu as

demandé à ce brave homme?

- Je lui ai demandé un pantalon.

-Pareil au tien?

-Oui, pareil au mien.

-Eh bien! il te l'a fait si pareil, que tu ne peux pas le reconnaître, voilà tout; seulement, il dit que ce qui lui a donné le plus de peine, ç'a été de l'user et de le tacher aux mêmes places, et que c'est cinq francs de plus, parce qu'il en a perdu deux avant d'arriver à un résultat dont il fût satisfait: mais aussi, maintenant, il te porte le défi de reconnaître le tien. Tu conviendras que cela vaut bien vingt francs.

Ma foi, oui, dit le capitaine; et il tira de sa poche un napoléon qu'il donna au Chinois.

Le Chinois remercia, et demanda au capitaine sa pratique pour le temps qu'il serait à Canton ; quoique, ajouta-t-il, s'il lui donnait toujours de la besogne aussi compliquée, il n'y aurait pas de l'eau à boire.

Depuis ce jour-là, le capitaine ne put jamais reconnaître un pantalon de l'autre, tant tous les deux étaient pareils; mais il les avait

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