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tière, en cas de refus, sous l'escorte d'un régiment de chasseurs qui était tout prêt, de forcer le duc d'Orléans à régner; ou plutôt, il s'agissait surtout de renverser un système odieux, et de prendre ensuite conseil des circonstances. La plus formelle des conventions qui eussent été faites était précisément celle de ne pas rappeler Napoléon. Il a passé pour constant qu'au moment où Bonaparte recevait de Vienne les avis les plus sinistres, les plus faits pour le porter à tous les hasards, quatre ou cinq des initiés, poussés par une fatale amitié ou par des calculs bien coupables, trahirent le secret commun et le prévinrent que, s'il n'arrivait pas tout de suite en France, un mouvement dont la direction était encore incertaine allait se faire sans lui. Je suis loin, encore une fois, de supposer qu'un homme dont l'existence avait été immense, auquel, depuis quinze ans, tant d'existences s'étaient attachées, n'eût pas conservé beaucoup de ces intelligences, de ces espérances qui dans tous les temps ont été la consolation des proscrits un peu marquants. Sans doute il a dû entretenir quelques rapports dans les pays de l'Allemagne et de l'Italie où il avait régné; à Vienne où se trouvaient quelquesuns de ses amis, et plusieurs de ses anciens stipendiaires; en Suisse où son frère Joseph était établi; à Paris et dans les différentes parties de la France ou de l'armée. Il faut même que son ambition, son égoïsme, la dureté et le peu de sincérité de son caractère eussent laissé des traces bien profondes pour que la crainte de son retour ait été, parmi ses anciens serviteurs, généralement mêlée au désir d'être délivrés du gouvernement des Bourbons; mais aussi lorsque

ceux-ci eurent pendant dix mois accumulé toutes les causes de mécontentement, toutes les chances d'insurrection, il ne fallut pour lui rendre tous ses avantages que l'inconcevable négligence avec laquelle leur gouvernement, leurs divers agents, la croisière française dont le commandant avait été choisi par le duc d'Angoulême, semblèrent favoriser son arrivée. Je n'essaierai pas non plus d'expliquer la conduite des surveillants anglais à terre et sur mer. Tout-à-coup on apprit que Napoléon était en Provence, et dès lors, par la force des choses, il redevint, pour le malheur de la France, l'homme de l'armée et même l'homme de la révolution.

Le cri d'alarme me fut porté à Lagrange. Je n'avais eu depuis ma première visite au roi et à Monsieur aucun rapport avec la cour; je m'étais même abstenu d'y paraître au jour de l'an, trouvant, comme je le disais aux royalistes de ma connaissance, dans les injures récentes et presque officielles dont j'avais été l'objet, de quoi m'autoriser à cette commode attitude de brouillerie personnelle. Cependant la crise actuelle, quelque désagréables que fussent ses deux alternatives, me donna le besoin d'être au centre des nouvelles et à portée, s'il était encore possible, d'en tirer parti pour la bonne cause. Je me rendis donc à Paris, où je trouvai que le roi, après une hésitation, qui trahissait sa répugnance, avait consenti à hâter la réunion du corps législatif. C'est alors que commença cette fameuse période des Cent jours, où de si grands intérêts ont été agités, où tant de questions publiques et individuelles ont été éclaircies, où la cause de la liberté a été non

moins desservie par les hommes de la révolution que par ses adversaires déclarés, mais où rien de ce qui a été fait pour ou contre cette cause n'a été perdu, malgré les apparences présentes, pour assurer son triomphe prochain, d'abord en France, et bientôt après dans toute l'Europe.

CHAPITRE PREMIER.

A la nouvelle du débarquement de Napoléon, il s'établit trois principaux foyers de l'intérêt européen : Paris, où le roi, après une hésitation très marquée, consentit à convoquer le corps législatif; Vienne, où les puissances coalisées qui étaient prêtes à se séparer et même à se brouiller, réunies tout-à-coup par ce danger inattendu, se trouvèrent encore à temps de prendre une résolution commune; et ce point tricolore du golfe Juan, d'abord presque imperceptible, mais qui se grossissait, dans sa marche rapide, de toutes les adhésions que le gouvernement royal semblait lui avoir préparées. Les proclamations de Bonaparte aux Français, à l'armée; l'adresse dictée à sa garde, réveillant en termes énergiques les souvenirs glorieux, les mécontentements actuels, opposant les couleurs nationales aux signes de la contre-révolution, affectaient le plus libéral patriotisme, le recours unique à la souveraineté du peuple; ce ne fut pourtant pas sans quelques restes du système militaire. Ainsi ses soldats déclarèrent illégitime ce qui n'avait pas été

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consenti par la nation et par eux; mais rien ne vaut son instruction au commandant des quarante hommes d'avant-garde; nous en devons la connaissance au procès que le royalisme a depuis fait subir à ce général : « Cambronne, » lui écrivait-il, « voici ma plus belle campagne. Je vous confie le commande<«<ment de mon avant-garde. Je vous défends de tirer « un seul coup de fusil. Partout vous ne rencontrerez que des amis; songez que ma couronne doit m'être «< rendue sans répandre une seule goutte de sang << français. >>

En effet, on arriva sans coup férir jusqu'à un défilé en avant de Grenoble (1). La troupe royale allait faire feu lorsque Bonaparte, se présentant les mains derrière le dos, leur demanda s'ils voulaient tirer sur lui. Les fusils se relevèrent aux cris de vive l'empereur! C'est ainsi qu'une autre fois, faisant poser les armes à ses soldats : « Allez, » leur dit-il, «embrasser « vos frères, » et chacun ramena un camarade. La question de non-résistance fut surtout décidée par le colonel Labédoyère. Ce jeune homme, qu'on avait mis, malgré lui, à la tête d'un régiment, sortit de Grenoble avec son corps pour se joindre à Napoléon. On rentra bientôt dans la ville aux applaudissements de la garnison et du peuple; l'artillerie et les munitions que les autorités militaires de Lyon avaient négligé de faire retirer, tombèrent dans leurs mains. Les campagnes furent dans l'ivresse. Le commandant de la division, Roger de Damas, qui était en congé à Paris, le maréchal Macdonald et le comte d'Artois

(1) Le 7 mars.

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n'arrivèrent à Lyon que pour voir les troupes et la ville se livrer avec enthousiasme au rédempteur de la révolution (1). Ses manières étaient toutes républicaines. Entouré de la multitude, il découvrait sa poitrine, proposant gaîment de gagner le prix qu'on avait mis, disait-on, à sa tête. Il gronda ceux qui avaient manqué de respect aux princes, donna la croix d'honneur au seul garde national qui eût voulu accompagner le comte d'Artois et recommanda partout de ménager le roi et sa famille. Si ce n'est là une belle page d'histoire, je ne m'y connais pas.

Ce fut le 5 mars qu'on apprit aux Tuileries le débarquement de Napoléon; deux proclamations royales du 6 parurent le lendemain dans le Moniteur. L'une convoquait les chambres; l'autre mettait hors la loi Bonaparte, ordonnant à tout le monde de lui courir sus, et à tout conseil de guerre de le condamner sur l'identité (2). Cette disposition, prise dans les lois révolutionnaires contre les émigrés, s'étendait à tous ses compagnons auxquels on n'accordait, de Paris, que huit jours pour se soumettre. A ces mesures publiques se joignirent de secrètes embûches : « S'il « avait passé où nous l'attendions, » me disait un ministre, «< c'en était fait de lui. » Il est juste d'a jouter que le principal agent de cette affaire, arrêté

(1) Le 10 mars.

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(2) Napoléon Bonaparte est déclaré traître et rebelle pour s'être introduit à main armée dans le département du Var, Il est enjoint à tous les gouverneurs, commandants de la force armée, gardes nationales, autorités civiles et même aux simples citoyens, de lui courir sus, de l'arrêter et de le traduire incontinent devant un conseil de guerre qui, après avoir reconnu l'identité, prononcera contre lui les peïnes portées par la loi.» (Ordonnance du roi du 6 mars.)

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