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factieux, il allait se hâter de relever le trône de ses rois. La noblesse de l'Europe était une. C'était la cause de tous les princes, de tous les gentilshommes qu'on allait défendre. On devait marcher à la tête de la noblesse de toutes les nations pour délivrer le monarque infortuné. »

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Par ces manifestes, le but de la croisade d'émigration était positivement déterminé. C'était la noblesse qui voulait rétablir l'antique monarchie. Elle faisait sa cause de la restauration. Les révolutionnaires, c'était le tiersétat (c'est-à-dire la masse de la nation). Dès ce moment la séparation fut bien complète; il y eut commencement d'antipathie entre la révolution et la restauration.

La fuite de Louis xvi, l'arrivée de MONSIEUR à Bruxelles déterminèrent de plus en plus ce mouvement de l'émigration. C'était alors un point d'honneur parmi la noblesse de quitter ses châteaux, et d'aller rejoindre les princes et l'armée de Condé. Un gentilhomme n'avait pas de belles manières, lorsque le soir, à l'Opéra, il ne donnait pas rendez-vous à Coblentz. Ceux d'entre eux qui restaient en France étaient taxés de lâcheté. Les belles dames envoyaient des que

nouilles aux gentilshommes qui préféraient à cette promenade à l'étranger, le service du roi et la défense de sa personne. Le drapeau de la fidélité était outre Rhin. Ce rassemblement s'accrut de tous les officiers qui n'avaient pas voulu prêter serment à la constitution de 1791. Bientôt Coblentz devint une cour brillante, une espèce de Versailles, avec ses plaisirs, ses dissipations et ses intrigues.

L'émigration forma comme une société particulière, une nation à part. Elle eut un drapeau qui ne fut plus celui de la nation, des intérêts étrangers à la France, une fidélité, des croyances que le pays ne comprenait plus; une langue qu'elle seule parlait; des prétentions qui blessaient les Français restés sur le sol.

Plus tard, lorsque des mesures de rigueur et de confiscation amenèrent des transmissions de propriétés, de puissans intérêts s'élevèrent contre l'émigration, et plus d'un tiers des propriétaires de France fut dès lors opposé à ce qu'on appelait la restauration.

Au nom de qui agissait M. le prince de Condé? au nom de la noblesse. Elle voulait rentrer dans ses droits, ses priviléges honorifiques et réels; elle revendiquait la féodalité elle-même.

Pas un mot sur les garanties politiques, ou sur les droits du peuple, sur les progrès de la société. Ce fut alors que s'introduisit dans le camp de M. le prince de Condé ce principe, qui est devenu la base du droit public des Bourbons: qu'un roi peut être captif, quoique libre au milieu de ses sujets, et qu'il y a d'autres juges que lui-même pour apprécier le degré d'indépendance de ses actes. Selon les émigrés Louis xvi n'était pas libre depuis la déclaration du 23 juin, et voilà pourquoi les princes eux-mêmes s'étaient débarrassés de l'obéissance. Le roi leur prescrivait certains devoirs; ils répondaient que le roi était captif et continuaient à mépriser ses ordres. Le roi leur écrivait que l'émigration compromettait ses intérêts, exposait sa tête, et ils répondaient encore qu'ils ne reconnaissaient pas des lettres, pourtant écrites de sa main et revêtues de sa signature, parce qu'il était sous le joug des factieux. Singulier raisonnement qui faisait du dévouement une faculté capricieuse, et laissait aux passions et aux intérêts le soin de déterminer le caractère et le degré de l'obéissance!

N'avons-nous pas vu ces traditions commodes, conservées lors de la restauration, et

les vieux débris de l'émigration conspirer tout haut contre Louis xvIII, parce qu'ils n'aimaient pas le ministre de ses affections, et que le roi essayait de marcher dans des voies raisonnables!

LA COALITION.

1792-1793.

LES émigrés virent bien, dès leur première réunion, qu'il était un peu difficile de conquérir la France, et de soumettre au joug monarchique cette poignée de factieux, comme ils disaient dans leurs manifestes. C'est encore un travers royaliste, de ne considérer les grands changemens de besoins, d'intérêts et d'opinions chez un peuple, que comme le résultat des complots de quelques hommes pervers. Partant de cette donnée fausse, ils se sont brisés contre la France rajeunie.

La pensée de recourir à l'intervention étran-" gère fut contemporaine des premiers jours de l'émigration. Le comte d'Artois était à peine à la cour du roi de Sardaigne, que déjà ses démarches tendaient à armer l'Europe contre la

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