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Bientôt M. Pasquier conquit cette confiance qui arrive toute seule à la capacité. Il avait été jusqu'au dernier moment fidèle au gouvernement de Napoléon, et surtout aux devoirs de sa magistrature municipale. Il n'alla chez M. de Talleyrand que le 31 mars à quatre heures; c'est alors qu'il se mit à l'entière disposition du salon où allaient se discuter de si grands intérêts.

L'EMPEREUR ALEXANDRE

DANS LE SALON DE M. DE TALLEYRAND

31 MARS 1814.

LE 31 mars, à six heures du soir, l'empereur de Russie prit possession des appartemens que M. de Talleyrand lui avait fait préparer. Après quelques instans de repos, l'objet de la conversation roula sur les moyens à prendre pour

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Alexandre, d'un caractère généreux, quoique un peu dissimulé, avait alors une seule préoccupation, celle d'assurer la paix du monde. Son ambition était de faire un noble contraste avec Napoléon, grand surtout par la guerre. Quoique l'intime influence de Mme Crudner sur l'esprit d'Alexandre n'ait commencé qu'en 1815, le czar avait déjà recueilli certaines idées mystiques et de prédestination, qui lui

faisaient croire * que sa mission était ici-bas de remplir le rôle de pacificateur au moyen de ses immenses armées. C'était une de ces âmes usées par toutes les émotions, comme on en rencontre en Russie. On aurait dit que, préoccupé par le souvenir d'un cruel accident de sa vie qui lui pesait comme le remords, il se jetait avec passion dans le bien comme vers le repentir! Au reste le czar était un homme facile à manier pour M. de Talleyrand, dont l'expression, toujours noble, toujours heureuse, savait si bien parler à ses préjugés généreux. M. de Nesselrode, son chancelier, possédait sa plus haute confiance : diplomate instruit, à formes élégantes et polies, M. de Nesselrode partageait la pensée de l'empereur, son maître, sur la paix générale, se réservant tout entier pour la question du grand duché de Varsovie, au congrès, comme prix des efforts de la Russie dans la coalition. Le général-major Pozzo di Borgo exerçait également une haute influence sur l'esprit d'Alexandre. Né en Corse, et, dit-on, séparé de la famille de Bonaparte par une vendetta hérédi

* Mme Crudner avait persuadé à Alexandre que Napoléon était le diable noir ou le génie des batailles, et que lui était l'ange blanc ou le génie de la paix.

taire, M. Pozzo, d'abord membre de l'assemblée législative, et patriote distingué, avait pris du service en Russie, s'était élevé au grade de général-major. C'était un ennemi personnel de Napoléon.

M. de Talleyrand avait tout prévu. Il avait placé auprès du roi de Prusse le général Beurnonville, long-temps ambassadeur à Berlin, que Frédéric-Guillaume honorait d'une vieille confiance. Il l'avait chargé de lui faire connaître l'opinion de la France et des partis. Le chancelier de Hardenberg avait eu de nombreuses relations avec M. de Talleyrand, ministre des affaires étrangères; et il aimait à se souvenir avec quelle modération le ministre de Napoléon avait tempéré les ordres sévères de son maître sur la Prusse. - Auprès du prince de Schwartzemberg, qui avait les pleins pouvoirs de l'empereur d'Autriche, M. de Talleyrand dépêcha le duc de Dalberg, que d'anciennes relations rapprochaient aussi de M. de Metternich. Ici la chose était plus importante: les intérêts de Marie-Louise, la question de la régence se mêlaient à la déchéance de Napoléon. Il fallait déterminer l'empereur d'Autriche à abandonner les droits de sa fille et de

son petit-fils. Dans une conférence préliminaire avec le prince de Schwartzemberg, M. de Dalberg s'était assuré que l'empereur d'Autriche et M. de Metternich étaient d'avis que la continuation de l'existence souveraine de Napoléon était incompatible avec le repos de l'Europe. Dès lors il était facile de conclure contre la régence, qu'elle ne serait que la continuation du règne de Napoléon; mais c'était néanmoins un point difficile à faire résoudre par le père de Marie-Louise.

La première conférence officielle sur la restauration s'ouvrit le 31 mars, de trois à quatre heures du soir. Elle se tint dans le grand salon de M. de Talleyrand. Du côté droit et le plus rapproché du meuble d'ornement du milieu se trouvaient le roi de Prusse et le prince de Schwartzemberg. M. le duc de Dalberg était à la droite du prince. Puis venaient MM. Pozzo di Borgo et le prince de Lichteinstein. M. de Talleyrand avait pris place à la gauche du roi de Prusse.

L'empereur Alexandre se promenait à grands pas et parlait par phrases entrecoupées, vives et souvent éloquentes : « Ce n'est pas moi, disait-il, qui ai commencé la guerre on est venu me chercher chez moi. Ce n'est point la soif de

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